Chapitre 4 

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Un soir alors que Marie rentrait chez elle, tenant Jacques dans ses bras et Nicole par la main, elle eu la surprise de trouver Robert Laffargue, maire de son état, qui l’attendait en bas de son appartement. Robert Laffargue, gros homme plutôt rougeaud approchant la soixantaine avait réchappé à la mobilisation grâce à son âge. Marie savait que sa présence ici à cette heure n’était pas de bon augure, de fait, l’homme d’habitude si expansif et fier de lui semblait aujourd’hui gêné devant sa porte, il triturait sa formidable moustache qui lui barrait le visage d’un air contrit. En apercevant Marie et les enfants arriver il fit quelques pas dans leur direction :

- Ah Marie ! Je t’attendais ! Tout va bien pour toi ? Et les enfants ? Ils se portent bien ?

Marie répondit poliment mais elle savait qu’il n’était pas là pour une simple visite de courtoisie. En effet, comme elle l’avait deviné celui-ci coupa rapidement court à l’échange de banalités et repris :

- En fait, j’ai des nouvelles de Jean à te donner…commença-t-il. A ces mots que pourtant Marie pressentait elle senti ses mains devenir moites et son coeur accélérer.

- Nicole, amène donc ton frère faire un tour de marelle derrière tu veux ? Intima-t-elle à sa fille.

Une fois ces enfants éloignés et fit face au maire et inspira un grand coup, prête à encaisser

- En fait, il se trouve que…comment dire…continua Robert Laffargue. Il faut dire que l’éloquence n’avait jamais fait partie des qualités de ce brave homme, il était devenu maire car il était issu d’une vieille famille de Saint Martin mais les discours étaient toujours une épreuve pour lui, en particulier ces moments si délicats où avec cette foutue guerre il devait se faire le messager des mauvaises nouvelles.

- Il est mort ? Le coupa Marie qui depuis plusieurs minutes déjà échafaudait les pires scénarios.

- Non ! Non, non c’est pas ça…J’ai appris que Jean, avec plusieurs autres gars de Saint-Martin ont été faits prisonniers par les allemands depuis déjà plusieurs jours…lâcha le maire. Aussitôt les pires récits de mort imaginés par la jeune femme laissèrent place à une multitude d’autres où cette fois-ci son mari était aux mains de l’ennemi.

- Mais comment c’est possible ? Il va bien ? Il est blessé ? Où est-il ?

- Il s’avèrerait en fait que des le premier jour ont ait ramassé les fusils de son groupe pour les vérifier mais pas de chance, les allemands seraient arrivés à ce moment là. D’après ce qu’on m’a dit il y a eu aucun blessé mais ils sont prisonniers…en Allemagne. Expliqua Robert Larfargue désolé.

En Allemagne…en entendant le nom de ce pays si éloigné dont elle ne savait rien sinon qu’il était en guerre contre la France Marie se laissa tomber contre le mur. Jean, son Jean était à présent si loin d’elle. Le maire était lui de plus en plus mal à l’aise face à cette femme effondrée de chagrin, il tripota sa moustache de plus belle encore quelques minutes puis pris discrètement congé, ne sachant quels mots prononcer. Marie resta ainsi un long moment, elle n’entendait rien d’autres que ses questions paniquées qui tournaient dans la tête, le bruit de ses enfants dans la cour derrière semblait si lointain. Lorsque les pierres du mur commencèrent à lui faire mal au dos elle se releva, repris ses enfants et couru chez son amie de toujours Denise.

En voyant son amie ainsi, échevelée et le regard grave Denise compris instantanément ce qu’il se tramait :

- C’est Jean demanda-t-elle ? Marie hocha la tête. Denise pris alors les deux petits et Marie s’élança vers la sortie du village. Elle allait au pin plié.

Depuis petite, dès qu'un doute ou une peine l'assaillait Marie avait le même remède, elle courait se réfugier sur « son » rocher qu'elle appelait le rocher du pin plié. De là, elle surplombait le village et tous les champs environnants, elle était si proche du ciel qu'il lui semblait que tous ses problèmes pouvaient s'envoler en un souffle dans l'azur. Marie avait trouvé ce refuge par hasard lorsqu'elle était enfant, elle avait été chargée par sa mère d'aller cueillir des orties au dessus de la ferme mais son œil de petite fille avait été attiré par ce drôle d'arbre curieusement plié, là haut sur un monticule de pierre et de terre. Elle s'était alors approchée puis prudemment avait escaladé le monticule puis l'arbre sur lequel elle avait fini par s'asseoir, ses branches courbées offrant un siège idéal à la fillette. Depuis ce jour, Marie y était remontée souvent, au début pour échapper aux réprimandes de ses parents puis pour une mauvaise note difficile à accepter ou pour une peine de cœur. Au fur et à mesure qu'elle grandissait l'arbre se pliait encore d'avantage comme si chargé du poids des peines de Marie il se voûtait. Une fois devenue mère il était devenu plus difficile d'y monter, le temps lui manquait mais chaque fois que cela devenait trop dur Marie se projetait mentalement assise sur son arbre et à la simple évocation de la sensation de vide sous ses pieds et du mistral dans ses cheveux qui là haut soufflait fort, elle parvenait à se calmer. Les dernières fois où elle y était allée c'était pour se délester de sujets bien plus pesants qu'une mauvaise note en dictée ou qu'un garçon qui n'avait pas répondu à son sourire. Ses dernières visites concernaient son mariage, la grossesse de Jacques qu'elle aurait espérée un peu plus éloignée de celle de son aînée, des mauvaises récoltes qui avaient failli mettre en péril l’exploitation de ses parents et aujourd’hui la guerre.

Ce jour là Marie, comme à chaque fois où elle montait s'était assise entre le nœuds des branches du conifère laissant ses jambes se balancer au grès du vent. Là haut, elle se sentait puissante et libre, en surplombant toutes ces habitations elle avait l'impression de ne même plus faire partie de la vie humaine, elle était au-delà et ses problèmes perdaient alors de leur gravité. Mais cette fois ci le calme mit plus de temps à revenir en elle. Mille questions tournait dans sa tête, comment allait Jean ? Qu’allait-il advenir de lui, prisonnier si loin de son pays ? Etait-il malade ? Lui qui avait toujours eu une santé fragile. Marie sentit l’angoisse la saisir. Elle pensait par dessus tout à ses enfants, ils étaient encore jeunes mais qu’allait-elle pouvoir leur dire si Jean ne revenait pas ? Au bout d’une longue heure passée seule sur le pin plié Marie se sentie prête à redescendre au village. La nuit, noire et épaisse était tombée, heureusement elle connaissait chaque pierres du chemin escarpé et rejoignit la maison de son amie sans difficultés.

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