Sauvageonne, je suis une sauvageonne. Combien de fois me l'a-t-on reproché ? Combien de fois me le suis-je reproché ?

Mais c'est plus fort que moi, j'ai du mal à me laisser approcher. Il ne faut surtout pas me surprendre, je suis capable d'être agressive. Malgré moi.

Cette angoisse, ce refus, le mien et celui qu'on m'a opposé montent à ma gorge, dirigent mes gestes, me rendent incapable d'une attitude… conventionnelle.

Toujours en retrait. Toujours silencieuse. Ce n'est plus de la discrétion, c'est de l'inexistence, devenue volontaire. Me protéger. De quoi, de qui ? Des morsures qui déchirent le cœur. Des amitiés illusoires, des amours mal assortis, mal choisis, où l'un manipule l'autre. Du manque qui épuise. Comment me protéger ? Je ne sais pas. Je ne peux pas. Je crains d'être maladroite. Je ne veux pas faire mal. Je fuis. Faute de savoir quel comportement adopter.

J'aurais aimé avoir une vie normale. Qu'est-ce que ça veut dire "normale" ? Est-ce ma vie qui est normale ou bien celle des autres ? Pendant longtemps, j'ai considéré que ma vie l'était puisque je ne connaissais qu'elle et puis, au contact des autres, je me suis posée des questions. Les autres riaient avec leurs parents, recevaient des bisous, des mots gentils, rassurants. N'est-on pas légitimé par l'amour reçu ?

Se taire. Surtout ne pas être soi-même. Ne pas trop exister pour ne pas déranger les autres.

Se justifier. Sans arrêt. Pour tout.

Quelle idiote je suis ! Pourquoi je cède à cette demande muette ?

Pourquoi je laisse faire ces démons invisibles ?

Crier, se révolter.

Je ne sais pas faire. Je n'y parviens pas. Je n'ose pas.

Bâillonnée par des mains qui ne me touchent pas.

Aucun geste violent.

Contrainte par des mots qui me broient.

Serrer les poings.

Me battre contre moi-même.