Début de l'enquête

6 minutes de lecture

 - Alors, Vivie, demanda Mazarine, curieuse, à sa meilleure amie. Comment s'est passé ton weekend ?

 - Très bien, merci, répondit la danseuse blonde, en remontant d'un geste nonchalant ses jolies lunettes de soleil sur le haut de son nez. Nous sommes arrivés assez tard, vendredi. C'était parce qu'il y avait pas mal de bouchons. C'était la panique, sur l'autoroute ! C'était voiture-land. A mon avis, quelqu'un de populaire avait dit "qui m'aime me suive", et voilà le résultat ! Et dans la voiture, ça cuisait, je te dis pas ! J'avais l'impression d'être dans un sauna avec la piscine en moins. Ce qui est beaucoup moins chouette, non ?

 - Oui. C'est pas de chance... Mais en même temps, même en octobre, sur la côte d'Azur, ça bouillonne. Surtout ce weekend, il paraît qu'on a battu des recors de chaleur pour le mois. D'ailleurs, hier, je suis allée me baigner à la plage. Merci le réchauffement climatique ! Et sinon ? Avec ta famille ? Tout le monde allait bien ?

 - Oh, oui. Les cousins étaient déjà là. Mais ils sont venus en train, donc c'était pas mieux. Ils nous ont dit qu'il y avait une famille insupportable avec eux. Leur bébé, une grosse braillarde rouge, n'arrêtait pas de faire le tour des banquettes à quatre pattes. Et leur chien, un gros molosse, n'arrêtait pas d'aboyer. Ça plus la chaleur, ça devait être atroce ! Sinon, on s'est bien amusés. On a passé nos journées à nager dans la piscine, et à griller au soleil à côté. Et toi ?

 - Moi, ça va bien, merci. Mais je n'ai pas fait grand-chose de spécial.

 - Je voulais dire, qu'est-ce qu'ont fait les élèves en voyant la disparition d'Achille.

 La violoniste s'étira avec délectation sous le soleil qui tapait fort. Ils avaient beau avoir passé la rentrée scolaire depuis maintenant un mois, l'astre était décidément résolu à darder ses rayons le plus longtemps possible. On était lundi soir, et les deux amies s'étaient rendues à leur rencontre habituelle.

 - Vendredi, ça allait encore, ils se disaient juste qu'Achille avait décidé de sécher une journée. Mais ce n'était pas la même histoire ce matin. Les élèves commençaient à trouver étrange qu'il ne soit pas là.

 - Leur as-tu parlé de ce qui c'est passé ?

 - Non. Pour commencer, je n'ai pas particulièrement envie de leur parler. Et eux non plus, à mon avis. Quand on se parle, c'est comme si on communiquait avec des espèces étrangères, et qu'on ne parlait pas la même langue. Ce qui, d'une certaine manière, est un peu le cas, vu le nombre de gros mots qu'ils débitent à la minute... Bref. Ensuite, je me ferais incendiée pour ne pas avoir réussi à faire quoi que ce soit, lorsqu'Achille s'est fait enlever. Et enfin, ils vont finir par me croire complètement toquée. Ok, ils le pensaient déjà, mais là...

 - Tu n'as pas tort, répondit pensivement Virginie. Et Brunhild Wotan ? Je suis morte de curiosité, crois-moi !

 - Eh bien... C'est une vieille dame sans famille et qui vit seule. Je lui ai demandé, elle n'a ni parent, ni conjoint, ni enfant. Rien.

 - C'est tout ? Ici, ce n'est pas ça qui manque...

 - Oui, mais... Elle est bizarre...

 - Ha ? Pourquoi ?

 - Pour commencer, la porte s'est écrasée par terre quand je l'ai effleurée...

 - Comment t'as réglé ton compte, ma vieille ? Tu as bu de la potion magique avant d'aller affronter "Brunhild Wotan, la grande et terrible Walkyrie" ?

 - Non, je voulais simplement toquer à la porte. Mais elle était déjà à moitié défoncée. Je me rappelle, il y avait un gond, il était complètement dehors...

 - Et ? Elle n'est peut-être pas assez riche pour la faire réparer, et elle est trop fatiguée pour le faire elle-même...

 - Pour le point de l'argent, je pense que t'as raison. Il y a beau y avoir un bazar fou, je suis certaine que ses vases n'ont pas coûté plus de deux euros. Mais elle aurait effectivement pu le faire elle-même : je pense que ce ne sont pas des travaux trop dur, et que le matériel n'est pas onéreux.

 - Encore une fois, elle est sûrement trop fatiguée !

 - Ah, ça, non ! Brunhild a beau être une petite vieille, elle respire la forme ! Quand je suis arrivée, après avoir démoli son portail, elle voulait absolument que j'entre, et elle m'a même empoignée pour que je prenne une tasse de thé. Bon sang ! Quelle poigne de fer ! Elle a une force herculéenne, j'te dis pas ! J'en avais le bras meurtri !

 - Attends, tu dis qu'elle t'a forcée à prendre des biscuits après que tu aies déraciné son portail ?

 - Oui. Toi aussi, tu trouves ça étrange ?

 - Ben, si quelqu'un s'incrustait chez moi après avoir défoncé ma porte, je lui dirais d'aller voir ailleurs si j'y suis...

 - Pas Hild. Au départ, elle avait l'air folle de rage, j'ai cru qu'elle allait me mettre une gifle, mais une seconde plus tard, elle a voulu qu'on aille prendre une tasse de thé.

 - Hild ? pouffa Virginie. Elle te plaît, à ce que je vois. Finalement, elle n'est pas si terrible que ça, "la grande et terrible Walkyrie" ? Serait-elle même... gentille ? Sapristi, ça réputation en serait ternie !

 - Du calme, Vivie. Sinon, oui, elle est plutôt sympa. Mais il y a d'autres choses pas claires.

 - Ah ?

 - Eh oui. Pour commencer, elle portait des lunettes de soleil partout, même à l'intérieur. Mais elle a sans doute des problèmes d'yeux. Sauf qu'après, elle laissait quand même toutes les fenêtre fermées. M'enfin, pour les lunettes, c'est d'autant plus étrange qu'il y en avait déjà une paire dans son sac. Mais là encore, ça peut s'expliquer. Si ça se trouve, c'est simplement des lunettes de rechange. Mais surtout, elle s'est troublée quand je lui ai parlé des clefs.

 - Tu ne manques pas de culot ! Et son trouble était peut-être simplement lié à son étonnement par rapport à ta question.

 - Peut-être. Et il y a un autre point.

 - Ha ? s'esclaffa Virginie. La couleur de ses chaussettes qui étaient dépareillées ? Ou alors un canapé en cuir qui sentait la violette ? Détective Zaza a donc déduit que Mlle Wotan était impliquée dans des activités louches ?

 - Presque ! s'écria Mazarine. J'ai trouvé une casquette quand elle avait le dos tourné.

 - Tu pouvais pas trouver un éléphant rose, pendant que tu y étais ?

 - Ce n'étais pas n'importe quelle casquette.

 - Ha oui ? rit Virginie en ouvrant une bouteille d'eau et en buvant une gorgée. C'était celle du président de la république ?

 - Presque, encore une fois, dans un sens. C'était celle d'Achille.

 Virginie avala de travers, et son amie fut obligée de lui donner de grandes claques dans son dos pour qu'elle aille mieux.

 - Ce n'est pas possible, bredouilla-t-elle entre deux hoquets. Tu te moques de moi !

 - Pas du tout ! Quand je l'ai vu, j'ai cru comme toi qu'il y avait une erreur. Mais je l'avais vue tant de fois ! J'en ai même eu la preuve quand j'ai vu son nom à l'intérieur.

 - Peut-être... Qu'Achille était son petit-fils...

 - Non, elle vivait seule et sans famille. Du moins, d'après elle.

 - Ce qui ne nous laisse qu'une seule solution, dit Virginie, soudain très grave.

 - Tu penses comme moi ?

 - Oui. Mlle Brunhild Wotan a enlevé Achille.

 Les deux filles se turent quelques minutes, au bout desquelles Virginie déclara :

 - Cela va être dur, mais l'occasion est trop belle pour la laisser passer.

 - Tu a raison, grimaça Mazarine. J'aime beaucoup Hild, mais il faut la dénoncer à la police.

 - Mais pas du tout ! s'écria Virginie en regardant la violoniste comme si elle était devenue folle. Tu n'y es pas du tout ! La police nous croira aux calendes grecques, et si jamais on se trompe, c'est la honte ! Non, je voulais dire que tu devais faire l'espionne.

 - Ah, je vois, marmonna Mazarine. Aller là-bas, glaner le plus d'informations possibles, et éventuellement sortir l'idiot de là si jamais il y est...

 - Hum. Et aussi, cherche du côté de tes professeurs.

 - Tu es sûre ? Ils n'ont quand même pas participé à l'enlèvement, ni commandité le tout ! Je sais bien que pas mal de professeurs lui auraient bien mis une bonne paire de claque dans la figure, mais de là à ce qu'ils fassent...

 - Mais non, Zaza ! Tu comprends de travers ! Et puis qu'ils kidnappent un de leurs élèves parce qu'il est mal élevé, c'est quand même pas très réaliste. Mais je pensais plutôt, par exemple, qu'ils savaient des choses que nous ne connaissons pas, tu vois... Parce qu'ils peuvent avoir été mis aux courants de faits à ne pas divulguer par la police... Enfin, bref, tu comprends ?

 - Oui, je vois ce que tu veux dire.

 - Super. Maintenant, je dois y aller, des amis doivent nous rendre visite vers six heures et maman voulait que je range ma chambre.

 - Ha ? Alors je crois que je vais y aller aussi. A demain, après les cours ?

 - Oui, ça marche. A demain ! Et te fâche pas trop avec ta classe !

 - Il faut pas trop en demander, non plus...

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