La Fin de l'Affaire BW

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  - Mazarine, reste ici, tu veux ? Sinon, je te rappelle que tes amis sont dans un cercle de feu !

  A contrecoeur, la jeune fille obéit.

  - C'est bien, je savais que tu serais sage, si j'usais de tels moyens. Maintenant, mettons les choses au point. Tes amis ont affirmé ne pas savoir où était mon collier. Je l'ai vérifié en lisant dans leurs pensées : ils n'en savaient effectivement absolument rien. Donc, j'ai décidé d'attendre que tu reviennes à la maison avant de torturer qui que ce soit. J'avoue que j'ai pensé que tu rentrerais plutôt par la porte d'entrée, mais bon, tu fais comme tu veux, ce n'est pas le plus important... Là, ce que je veux, c'est que tu me dises très vite ce que tu as fait de mon bijou ! Sinon...

  La jeune fille jeta un coup d'oeil à la fenêtre. Le soleil se levait lentement mais sûrement. Hild surprit son regard, et s'en inquiéta. Elle s'enflamma et rugit :

  - Jeune fille, tu es priée de me dire immédiatement où se trouve mon collier ! Sinon, toi et tes amis vont le regretter. Et sache que je parle sérieusement, très sérieusement !

  - Si je vous dis où est votre bijou, vous... Vous nous laissez tranquilles ?

  - Oui ! cria la vieille magicienne affolée, en lorgnant d'un oeil tendu la fenêtre. D'ailleurs, je le fais tout de suite si tu me dis où il est.

  - D'accord. Il est dans les toilettes.

  Brunhild Wotan fit un geste de la main vers le feu vert qui disparut aussitôt. Elle fonça à l'étage, rapide comme l'éclair. Les personnes libérées soupirèrent de soulagement. Hubert tira de son téléphone de sa poche, et le consulta. Puis il lança :

  - J'espère qu'elle va pas trouver les waters trop vite, le soleil ne sera là qu'à sept heures six.

  - T'en fais pas, le rassura Mazarine. J'ai mis le bidule dans un endroit bien caché. Je suis certaine qu'elle n'arrivera jamais à le trouver !

  Tout à coup, un cri vint de l'étage supérieur.

  - Tu l'as mis où, mon collier !

  La violoniste mit ses mains en porte-voix, et hurla :

  - J'ai tiré la chasse d'eau !

  Un hurlement inhumain lui répondit. C'était un cri d'agonie, comme si ce n'était pas une vieille dame qui le poussait, mais plutôt une bête immonde qui le proférait. Ce qui, d'une certaine manière, était le cas. Brunhild Wotan se remit à dévaler l'escalier, furieuse au point de ne pas arriver à faire des phrases correctes :

  - Vous allez me le payer, bande de...

  Mais les cinq amis ne surent jamais ce qu'ils étaient. Alors que la magicienne hystérique arrivait, le soleil, qui avait fini par se lever complètement, venait de darder l'un de ses rayons dans la pièce. Il atteignit la vieille dame de plein fouet. Celle-ci se figea, avant de se décolorer pour prendre une teinte grise. A présent, ce n'était plus une vieille créature décharnée qui se tenait dans le salon, mais une statue de pierre. Pendant quelques instants, personne n'osa bouger. Puis, une minute plus tard, Virginie bailla et s'étira :

  - Ouf, on a eu chaud ! Je trouve que... Oups !

  En baillant, son souffle d'air s'était déplacé vers la statue de Brunhild. A son contact, celle-ci s'était évaporée dans l'air. Contrairement à ce qu'ils avaient cru, elle ne s'était pas transformée en pierre mais en poussière.

  - Bon débarras ! bailla son grand-frère d'une voix rauque. Je... Je suis fatigué, j'en peux plus, j'en peux plus !

- Et moi alors ! gémit le professeur particulier en se dirigeant, tel un automate, vers un fauteuil avant de s'effondrer dedans.

  Soudain, la sonnette de la porte se remit à retentir. Les amis se regardèrent, soupçonneux.

  - Vous croyez que c'est encore quelqu'un qui vient nous attaquer ? demanda Mazarine avec inquiétude.

  - J'sais pas, soupira le professeur de latin-grec en quittant à regret son siège. Bon, on va refaire comme hier soir : Zaza et Hubert, on y va !

  Equipés d'armes pittoresques, telles que des casseroles et des poêles à frire - ou encore, pour Charles, de parapluie -, le petit groupe s'aventura dehors avec mille précautions. Enfin, devant la porte close, Hubert cria :

  - Qui est là ?

  - C'est Me Mordaume ! cria celui-ci d'une voix qui se voulait terrifiante. Ne m'attaquez pas, ou j'appelle la police !

  L'enseignant, hagard, plus par automatisme que pour une raison valable, ouvrit maladroitement le portail. Fatigué, il sourit niaisement au nouveau venu :

  - Bonjour, monsieur ! Nous sommes ravis de vous revoir...

  - Ce n'est pas réciproque ! grandiloqua le petit homme d'un air sévère. Mais bon. Je venais vous voir pour nous expliquer, M. Bourdeaux et... Heu, excusez-moi, mais vous allez bien ? Vous avez l'air fatigué... Et aussi, vous avez les mêmes habits qu'hier soir... Regardez, là, votre noeud papillon... Vous avez dormi avec ?

  - Non, pas du tout ! répondit Mazarine. C'est juste que, que... Que nous avons tous les habits en double...

  - Ha, bon, dit lentement son interlocuteur. Donc, je voulais que nous puissions nous expliquer au calme... Et, vous faites quoi, avec ces casseroles et ce parapluie ?

  - On... On allait faire le petit-déjeuner. Vous voulez entrer deux minutes ? proposa Hubert.

  - Oui, merci, condescendit à répondre l'avocat. Mais je ne vais pas rester longtemps. Je veux que nous nous expliquions au calme, pour le tapage nocturne !

- Ok, répondit Hubert, fatigué, sans réaliser ce qu'il faisait. Mais venez à l'intérieur, nous serons plus au calme, pour parler...

- Heu, vous êtes sûrs ? demanda avec hésitation le petit homme corpulent.

- Mais oui, ne vous inquiétez pas !

  Les trois l'entraînèrent dans la maison. Me Mordaume regardait de partout avec méfiance. On avait l'impression qu'il visitait une maison piégée. Il resta un instant figé devant la table, qui portait diverses boissons telles que des jus de fruit. Après avoir observé le tout quelques instants, il pointa d'un doigt tremblant les restes de Brunhild Wotan :

  - Je vois que vous avez fait l'apéro... cette nuit... Et c'est quoi, ce tas de poussière ?

  - Ah, ça, répondit Mazarine, on faisait une expérience... On voulait savoir combien de temps ça mettait, une vieille carcasse, à brûler...

  - Paix à son âme, marmonna Hubert.

- C'était parce qu'ils n'avaient pas bien compris un cours de physique-chimie, bailla Charles. Du coup, je leur ai refait une démonstration.

- Ah, c'est bien, dit l'avocat. Apparemment, vous vous débrouillez aussi bien en science, monsieur Bourdeaux... Mais, en fait... j'étais venu... pour parler de... ce que vous faisiez, la nuit... Mais, enfin, peut-être que...

- Quoi ? demanda Virginie avec une agressivité due à son manque de sommeil. Qu'est-ce que vous venez faire ici ? Mais parlez, enfin ! Que voulez-vous ? Je ne vais pas vous manger !

- Asseyez-vous, proposa courtoisement Paul en désignant le canapé.

L'homme corpulent posa craintivement son séant sur le siège. Sous le regard de ses hôtes, il eut l'air de réfléchir à une façon de formuler ce qu'il voulait dire. Soudain, il sauta d'un bond en s'écriant d'une voix suraigüe :

- Après tout, ce n'est pas grave ! Bonne journée, je ne vous embêterai plus !

Sous le regard stupéfait des cinq amis, il sortit dehors en trombe. Il se mit à courir le long de l'allée de graviers, pour atteindre le portail.

- Ben ça alors ! fit, éberlué, Charles.

Il courut dehors à la suite de son élève, les autres n'ayant toujours pas réagi. Il cria :

- Eh, mais Me Mordaume, n'ayez pas peur ! Je ne vais pas vous manger ! Que vouliez-vous ?

Mais l'autre ne répondit pas, occupé à s'éloigner le plus rapidement possible de la maison. Le professeur cria alors :

- Bon, bah tant pis... Bonne journée ! Et à lundi !

L'avocat, horrifié, se retourna. Il lança :

- On se voit lundi ?

- Mais oui !

- Mais pourquoi faire ?

- Il y a cours, enfin ! Vous aviez oublié ?

- Heu, non non ! Pas du tout ! Bonne journée, et joyeux Noël !

Il franchit le portail, et détala le long de la rue sans demander son reste. Charles, qui n'y comprenait rien, revint voir le reste de ses amis. Il lâcha, ahuri, en se laissant tomber sur le fauteuil :

- Je n'y comprends rien... On dirait qu'il a peur...

- On l'a maté, ouais ! rétorqua son petit frère, qui avait l'air de s'amuser comme un fou.

- Mais... Ce n'est quand même pas moi, qui lui fait peur ?

- Ah ah, mystère ! ricana Hubert.

En fronçant les sourcils, l'helléniste allait lui demander des précisions sur le comportement de son élève, qui lui échappait totalement. Mais il surprit d'abord Paul, qui baillait. Il se rappela alors que lui-même tombait de fatigue.

Il ordonna donc à tout le monde d'aller se coucher. Les autres obéirent sagement. Cinq minutes plus tard, toute la maisonnée dormait à poing fermé.

Vers deux heures de l'après-midi, alors que tout le monde s'était réveillé, Charles expliqua le programme :

  - Pour commencer, on va nettoyer cette porcherie... Heu, ce salon, et ensuite, s'il n'est pas trop tard, on ira voir ce que font les rats de Brunhild Wotan. D'accord ?

  Personne n'ayant rien à y redire, ils mirent un peu d'ordre dans la salle, puis passèrent l'aspirateur pour enlever les restes de Mlle Wotan. Enfin, ils nettoyèrent la pièce à grande eau.

Vers quatre heures, comme le salon brillait comme un sou neuf, tout le monde se rendit au Gîte de Mûshika en passant par le portail qui s'écroula une nouvelle fois. Ils entrèrent dans la maison qui n'était pas fermée à clef. Ils se dirigèrent dans le salon où ils furent accueillis par les rats.

  - Comment ça va, ici ? claironna la danseuse, l'air en forme. Nous, on s'est débarrassés de Brunhild Wotan ! Franchement, bassiner son collier, c'était une super idée ! La méthode est hors compèt', je devrais écrire un livre là-dessus !

  Les animaux, curieux, demandèrent avec des cris d'impatience comment ils avaient fait.

  - Oh, répondit négligemment Charles en époussetant un grain de poussière sur son épaule, c'est une longue histoire...

  - Si c'est toi qui la raconte, l'interrompit son frère, c'est sûr que ça va être long. En fait, la vieille n'a débarqué qu'à cinq heures du matin. Je crois qu'elle voulait attendre qu'on dorme, sauf que nous, on avait décidé de passer une nuit blanche. Du coup, quand elle est arrivée, Zaza a caché le collier dans les WC, et ne nous a tout révéler que quand il a été trop tard pour la vieille folle. Elle s'est transformée en poussière vers sept heures. Fin de l'histoire, les mulots, et paix à son âme.

  - Dites, fit Mazarine, ayant soudain une idée. Vous allez faire quoi, maintenant, les rats ?

  - Comment ça ?

  - Vous ne pouvez pas redevenir... Humain ?

  - Non. Nous ne savons pas comment faire. D'autant plus que nous ne pouvons pas inverser le sort, vu que vous avez brûlé tous les documents de la magicienne...

  - Ha, murmura Paul, mal à l'aise. On est désolés... On n'y avait pas pensé.

  - Non, c'est mieux comme ça. Imaginez que quelqu'un ne s'empare de tels secrets à nouveau, cela pourrait devenir pire que les machinations de Brunhild Wotan !

  - Alors ? répéta Mazarine. Qu'allez vous faire, maintenant ?

  Les rats réfléchirent, se concertèrent, discutèrent. Finalement, l'un d'eux s'avança et dit :

  - Je pense, que nous allons tous partir ensemble loin de cette maison.

  - Pourquoi ? demanda Hubert, curieux.

  - Nous voulons partir de cet endroit où nous avons tant souffert ! Nous irons découvrir le monde... En tant qu'humain, nous n'avons jamais réussi à le voir. Mais sous forme de rat, cela sera beaucoup plus facile. Nous pouvons nous glisser partout. D'ailleurs, si cela ne vous embête pas, nous partirons tout de suite.

  - Bonne idée, s'écria Mazarine. Bonne chance, et... Puissiez-vous trouver dans ce monde, un endroit où vous vous sentirez chez vous.

  - Ne vous en faites pas, nous l'appellerons le Royaume des Rats, et nous y vivrons heureux !

  Les rongeurs saluèrent les cinq amis, puis partirent aussitôt par la porte. Ils disparurent petit à petit dans le jardin. Cinq minutes plus tard, il n'y avait plus aucune trace des animaux. Personne ne se serait douté que, quelques instants auparavant, l'endroit était envahi de rongeurs.

Lorsque les amis furent loin, Virginie demanda :

  - Et nous ? Nous faisons quoi ?

  Charles retira ses lunettes, s'épongea le front, se pinça l'arrête du nez, remit ses lunettes en écaille puis lâcha enfin :

  - On rentre chez vous, et on profite enfin du reste des vacances !

  - Et à la rentrée, ajouta malicieusement son petit-frère, on démissionne de chez Me Mordaume !

  Hubert, Mazarine, Paul et sa petite soeur gloussèrent, tandis que le professeur se mettait à bouder.

  - Allez, lui dit Virginie, compatissante, ne te vexes pas ! Il n'y a pas mort d'homme !

  Charles la regarda comme si elle était devenue folle. Mais Hubert se mit à hurler de rire. Et enfin, quelques minutes plus tard, les cinq amis s'esclaffaient tous de bon coeur.

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