L'assiette
En quittant les allées du cimetière, un rideau de pluie fine fait luire les trottoirs bordés d’arbres aux branches presque nues. De loin on dirait que le sol est brillant et doré, de près ce n’est qu’un amas de petites feuilles jaunes mouillées dont certaines ont déjà commencé à pourrir et dans lesquelles mes talons s’enfoncent avec un bruit caractéristique. Ce premier novembre, aux alentours de 17 heures 30, l’uniformité d’un manteau de nuages gris fait progressivement place à la nuit. je presse le pas pour ne pas rentrer complètement trempée. Les lampadaires clignotent avant d’éclairer la rue et révéler la faible densité de sa circulation. Cette morosité, semblable à celle d’un dimanche de tristesse et d'ennui, pèse sur mes épaules, et rien de bon ne se profile à l’horizon, juste une saison qui célèbre les saints et les morts, nous rappelant que la nôtre viendra tôt ou tard. Appuyée contre le rebord entrouvert de la porte fenêtre, j’allume une cigarette en observant la belle assiette en porcelaine décorée de subtils motifs de camaïeux bleus, héritage de ma grand-mère, disposée sur une étagère de l’armoire. Cet objet fragile chargé de nombreux souvenirs que l’automne, cette saison qui fait le lien entre la lumière et l’ombre, ne cessera d’éveiller en moi chaque année.
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