Chapitre 8 ou la reine elfe
Lundi, je fus excusée de cours. En effet, la reine elfe devait apparaître aujourd’hui, au palais présidentiel. On avait interrompu tous les services publics : les écoles, les mairies, tout sauf les hôpitaux et les transports. Ceux-ci se tenaient prêts, comme des soldats, à toute éventuelle évacuation de civils. Les rues de notre capitale flamboyaient par leur vide, encore plus noire que de monde. Même les pigeons s’étaient envolés. Les seuls oiseaux restants étaient les fières journalistes. Des corbeaux pour les chaînes nationales et des rapaces pour celles à sensations. Ils diffusaient tous la même chose : l’entrée de la cour présidentielle vide et propre. Un tapis rouge avait été déroulé à l'occasion, bordés de petits buissons fleuris qui mettaient en valeur les hautes colonnes décoratives de style rocailles.
Ma mère préparait le déjeuner, elle y mettait toute son attention, sûrement pour se détourner de la peur panique que lui inspirait l’arrivée d’une autre alien sur Terre.
Je me la pris dans mes bras pour la rassurer. Sa tête aussi brune que la mienne se tourna vers moi et elle sourit un peu nerveusement.
- Tu sais, maman, je trouve que les meyers de notre ville sont gentils. Je ne pense pas qu’ils mentent sur leurs intentions pacifistes.
- Je sais, chérie. C’est juste… C'est si soudain. J'aurais aimé pouvoir en parler avec ton père… Il sait toujours comment me rassurer et m’expliquer la situation pour que je comprenne tous les enjeux.
- Oui. L’arrivée de meyers tombent mal, ils auraient pu attendre que papa ait sa permission. Ils ont bien attendu 4 ans, à 6 mois de différence ça n'aurait rien changé.
- Héhé. Heureusement que tu as l'humour de ton père. Je suis désolée que tu aies à voir ta maman si faible.
Je ne l'avais jamais vraiment vu forte. Elle était plutôt du genre à chouiner tout le temps. Surtout quand mon père devait repartir dans son sous-marin, elle était inconsolable. Ses seuls bonus étaient qu'elle avait un mode « pro » très efficace, une gentillesse sans borne et un très (très) bon sens des affaires.
Je lui répondis que ce n’était rien et que je l’aimais fort. Elle sourit et me demanda de mettre la table après m'être lavé les mains. La reine elfe devait soi-disant arriver pour manger au palais, avec notre président et celui des meyers. La télévision montra midi et toujours pas de reine.
A peine l’horloge montrée, une limousine se fit entendre dans la grande avenue. Peinte et vernis en noire, la voiture se destinait que pour une seule célébrité. Elle faisait donc une bonne longueur assez pour ranger une dizaine de personne mais restait une limousine modeste qui émettait quand même une certaine classe. La voiture aux fenêtres noires s’arrêta devant l’entrée de la cour. Un meyer sortit de la place du conducteur et alla ouvrir la porte côté passager. Sortis alors un jeune elfe, reconnaissable par ses longues (une dizaine de centimètre) oreilles pointues. Il portait un costard noir et ce qu’il me sembla un taser. Trois autres elfes de sécurité sortirent puis deux jeunes femmes avec des costumes amples découvrant leur dos et leurs jolies chevilles. Elles mirent à danser en jetant des fleurs. Un autre elfe sortit avec une sorte de trompette à la bouche, puis une avec un tambour, un autre avec un luth de la taille d'un violon, une avec une autre trompette, un avec trombone.
- On peut mettre autant de personnes dans une limousine ? Elle est plus grande à l’intérieur ou quoi ?
S'exclama ma mère fan d’une série de science fiction à propos d'un alien voyageant dans l'espace et le temps grâce à une cabine téléphonique bleue au bruit de freins à main non levé et beaucoup plus grande à l’intérieur.
Tout un petit orchestre eut le temps de sortir alors qu'elle piquait une durite de fan girl. D'autres danseuses sortirent de la limousine (je rappelle cette limousine devait contenir une dizaine de personnes maximum), ça faisait donc un total d'une cinquantaine de personnes. Enfin, un jeune elfe sortit avec pour seul outil une serviette et des dossiers, indiquant qu'il était l'assistant de sa majesté. Il regarda notre président droit dans les yeux et cria.
- Sa majesté la reine !
Une femme d’une quarantaine d’année sortit alors du TARDIS déguisé en limousine. Elle représentait à elle seule toutes les caractéristiques des elfes de roman de fantasy normaux : belle, fière et le regard froid. Ses cheveux rose pâle coiffés d'une couronne en or et de fleurs délicates tombaient en queue de cheval dans son dos chocolat, ses yeux tout aussi rose scrutaient la cour intérieur d'un air sévère digne des plus grands rois. Elle portait une robe à bustier écru qui mettait en valeur son corps cacao et lui arrivait à ses chevilles nues. Ses longs cils battirent comme des ailes de papillon et sa main délicate saisit sa robe. Elle s'approcha lentement mais sûrement de notre président qui, par je ne sais quel secret propres aux politiques, était arrivé à rester stoïque devant la magnificence de la reine. Celle-ci le salua en silence et, après l'avoir scruté dans les moindres recoins, finit par dire.
- Je suis ravie d'enfin voir la Terre de mes propres yeux. Je me suis permise d'amener mes propres musiciens et danseurs, j’espère que ça ne te dérange pas, Xéréolas m'a dit que ce n’était de la tradition terrienne que d'accueillir les invités avec des musiciens.
- C'est nous qui nous excusons, nous aurions dû préparer de quoi vous distraire.
La reine elfe tapa sa nuque, pile sur le traducteur automatique. Elle sourit nerveusement au président.
- Pardon, nous rencontrons des problèmes avec le traducteur. Je crois qu’il confonds les règles de politesse. Xéréolas est-il invité ? Il sait toujours comment le réparer.
Son assistant intervint.
- Majesté. Si tu permet…
- Ça va aller Kilan. Je pense qu'une mise à jour de nos système suffira. En attendant, nous entendrons juste le président me manquer un peu de respect. Il n’y a pas de problèmes. Ça te dérange, toi ?
Le président fut quelque peu déstabilisé mais ne laissait paraître. Il tendit la main pour saluer la reine et l’invita à entrer. Il informa aussi que le président meyer devait arriver d'une minute à l'autre et demanda si une équipe de journaliste pouvait les accompagner.
La reine répondit qu'il n'y avait pas de problème à condition que des journalistes elfes puissent aussi venir. Après que notre président ait confirmé, elle fit signe à la limousine et on vit sortir 3 elfes, un avec une sorte de caméra, l'un avec une boule noire perchée (un micro) et une dernière transportant une boîte à roulette et une rallonge pour la caméra.
Ma mère rit un bon coup en les voyant un peu misérables en essayant de transporter tout ça discrètement et rejoindre le rang des journalistes cachés derrière les piliers. Les terriens se poussèrent pour laisser de la place à leur pauvres collègues extraterrestres qui les remercièrent en souriant.
Ils furent rejoints par un autre trio de journaliste, des meyers, qui apparurent de nulle part. Il eut des checks[1] et des sourires entre les elfes et les meyers. Xéréolas entra aussi dans la cour. Seul et personne ne l’avais vu arriver. La reine sourit gentiment.
- Xéréolas ! Tu tombes bien, notre traducteur rencontre quelques problèmes, tu pourrais corriger ça ?
- Je suis président, majesté, pas technicien, répondit presque froidement l’homme en serrant la main de notre président. En plus, je t’avais dit de prendre ta base ou un technicien. Mais tu as préférer te la péter et prendre ta cour.
L'assistant se cabra, mécontent de l'insolence du meyer, ses oreilles se levèrent vers le haut et il serra la mâchoire. Sa patronne le paralysa du regard et sourit à Xéréolas, un peu énervée. Puis elle tendit la main vers le torse de celui-ci comme pour demander de lui passer quelque chose.
- C'est drôle, tu m'avais pourtant promis qu'il n'y aurait pas de problèmes avec le traducteur. Je suppose que les meyers ne savent toujours pas faire la différence entre les formes de politesse dans notre langue si noble.
Le président soupira et finit par sortir des pièces de la poche de sa chemise et une tablette ressemblante à celle qu'utilise Eruk pour enregistrer les mots de vocabulaire. Il mit les pièces dans la main de la reine qui rit un peu sous masque froid et tripota la tablette, sûrement pour corriger le bug.
Ils entrèrent dans le bâtiment, suivis par les journalistes.
Ma mère mit la chaîne nationale pour continuer à suivre. Le présentateur informa que le direct reviendra lorsque l’équipe sera installée. On leur avait, en effet, interdit la caméra embarquée.
Ma maman profita alors pour servir la soupe.
Quelques minutes plus tard on les retrouva à table, la reine elfe toujours splendide, notre représentant un peu stressé et Xéréolas les mains libres. D'autres nations les avaient rejoints comme les U.S, la Russie, la Chine, l’Allemagne, le Japon, l'Espagne et la République démocratique du Congo (Il y en avait beaucoup plus mais je ne connais pas tous les drapeaux et encore moins la tête de leur représentant). Ils étaient tous assis autour d'une table ronde en bois sur laquelle on avait disposé une nappe blanche avec des motifs de feuille de laurier (ou olivier je ne suis pas sûre). La reine elfe discutait avec le président meyer en étudiant un dossier. Son assistant lui tira la chaise et elle s'assit gracieusement en souriant aux têtes masculines des représentants terriens.
- Je suis Alambar. Reine du peuple elfe. Je viens en paix et espère la sauvegarder. Dans cet objectif diplomatique important, j’aimerais répondre autant et aussi sincèrement que possible à vos interrogations. Xéréolas, ici présent, siégeant aussi au conseil des nations unies, fera foi de garde fou et pourra me contredire s'il juge que je ne suis pas juste avec vous.
L’assemblée resta silencieuse. Des traducteurs (des vrais personnes) se penchèrent pour chuchoter à leur patron. La reine reprit :
- Comme vous le savez déjà, nous sommes équipés de traducteur automatique. Malheureusement, nous n’avons pas toute les langues. Ainsi, selon les conseils de Xéréolas, nous avons pris l'anglais comme langue par défaut.
Le président meyer hocha la tête pour confirmer et s'installa lui aussi.
- Devrions nous commencer ?
La reine sourit alors froidement et attendit qu'on prenne la parole.
L’Allemagne demanda alors le micro.
- Nous nous demandions avec mes compatriotes si votre promesse de paix n’étaient que des mots ou si vos peuples étaient prêts à signer un traité de paix.
- Les paroles s'envolent, les écrits restent, n'est ce pas ? En ce moment même, mon ministre de l’armée s'active à rédiger un contrat de non-agression. Il y sera stipulé qu'aucun mal physique et morale ne sera commis contre le peuple terrien si aucun mal physique et morale n'est commis à notre peuple.
Ils commencèrent à disserter sur les mots exactes de ce contrat et je me surpris à bailler devant l'ennui que me procurait le milieu politique. Le président meyer s'en mêla mais le ton restait sobre et plutôt amical sans pour autant infantiliser les humains. Ce qui devait rassurer les pays et la Terre entière puisque nombreux des dirigeants commencèrent à prendre une position plus confortable. A ce moment présent, ils étaient juste en présence d'un autre dirigeant d'un pays comme un autre, c’était leur domaine.
Treize heure sonna brusquement, l'heure était passée trop vite pour tout le monde. La reine, ainsi que tous les autres elfes et une journaliste meyer dans l'ombre eurent alors un geste étonnement synchrone : ils sortirent à un appareil ressemblant trait pour trait à de la Ventoline et respirèrent dedans les yeux fermés et l'air reposé. Presque comme s'ils venaient de reprendre leur souffle. Les elfes étaient les plus mal en point, le caméraman elfe se mit à tousser et il reprit de la Ventoline.
- Veuillez nous excuser, l’air sur Terre est très dur à supporter pour les Elfes.
- L'atmosphère n'est pas la même ?
- Elle est assez semblable pour qu'elle ne soit pas un problème. Mais il flotte dans l'air des microparticules et une espèce de suie. Ça bouche nos canaux respiratoires. Nous rendant comme asthmatique.
La reine n'en avait que fait qu'une légère allusion mais tout le monde compris que c’était la pollution de notre planète qui les étouffais.
La femme se tourna vers Xéréolas, il n'avait pas pris de Ventoline lui. Il fit signe qu'il allait bien en agitant la main dans un geste de refus.
- Ainsi, je pense que vous pouvez faire une croix sur le tourisme elfique.
L’assemblée eut un sursaut de rire.
La Russie prit alors la parole.
- Notre pays est grand et rempli de forêts. Peut être que vous aurez moins de problèmes là bas.
- Haha. Nous y penseront, merci. Pour l'instant, nous essayons de rapatrier tous les Elfes et les Meyers.
- Il y avait donc bel et bien déjà des Meyers et des Elfes sur Terre avant votre arrivée !
La reine, devant l'air énervé de l'Allemagne qui aimait l'ordre et l'administration, se pencha doucement vers le micro et baissa les yeux dans un geste maternel.
- Beaucoup des nôtres ont fuit la guerre et la mort. Ce ne sont pas des envahisseurs, ce sont des réfugiés de guerre. Des familles qui ont voulu protéger leur enfant, des innocents traumatisés par le sang. Vous auriez préféré qu’ils périssent dans la guerre d'annihilation que nous avons subie ?
Personne ne répondit. Bien sûr qu'ils comprenaient la reine elfe, personne ne voulaient voir les siens mourir.
Ce sont les USA qui brisèrent le vide.
- Une question nous taraude, vous parlez d'une guerre qui a tué trois quart de la population de votre planète. Mais nous n'avons toujours les détails. Qui a déclaré la guerre ? Et devons-nous les craindre nous aussi ?
La reine et le président extraterrestres se redressèrent et se regardèrent. Il eut comme un flottement puis le président prit la parole.
- A vrai dire, nous ne savons pas grand-chose de nos envahisseurs. Le pays elfique et le pays meyer partagent comme frontière un désert réputé inhabitable. Un beau jour, des villages vivants près du désert ont commencé à être attaqué. Et un moins d'un mois, la moitié du pays Meyer était envahis. C'est assez gênant à dire, surtout après 14 ans de guerre et de résistance, mais nous ne connaissons toujours pas l'identité de nos attaquants ni même leur revendications. Après que nous ayons tué leur leader, ils ont juste disparu. Et ils étaient toujours masqués, nous ne savons même pas s'ils étaient anthropomorphiques.
- On les appelle les Encapuchonnés et personne n'a jamais su leur identité, continua la reine elfe. Tout ce que nous savons, c est qu'ils ne sont plus un danger. Le désert est bien surveillé et nous connaissons leur points faibles. Ainsi, vous n'avez rien à craindre, se sera la dernière guerre de notre planète. Les nations encore sur pieds ont signé un accord de paix et se sont réunis sous le nom du conseil des Nations Unies. Xéréolas et moi-même en sommes des membres.
Il eut des bavardages et des débats dans la salle qui se turent à l’arrivée des entrées ; du tartare de saumon sur de la mousse d'avocat accompagné de sauce soja sûrement acidulée. Un plat de fête pour ma mère et moi que nous nous offrons une fois par an, lors de l’anniversaire de ma mère, en allant dans son restaurant préféré. La reine prit délicatement sa fourchette en souriant devant le joli mélange de vert et de rose. Elle fut interrompue par son assistant qui la prévint que ce n’était peut pas bon pour elle et qu'elle devrais faire appel à ses cuisiniers. Elle répondit que c'était impoli, que se serait une dépense inutile et se retourna vers son assiette en se léchant presque les babines. L'assistant soupira mais ne fit rien. Les équipes de journalistes se détendirent aussi et on vit, via la caméra des humains, les elfes sortir des sandwich et ce qui ressemblait à des patates. Les Meyers cassèrent le silence en se demandant où était les micro-ondes en tournant la tête comme des suricates. Le président meyer leva les yeux au ciel, se demandant peut-être pourquoi c'était sur lui que ça tombait et pourquoi les Elfes avaient eut la bonne idée d'apporter des plats se mangeant froid, eux.
Il s'approcha d'eux et engagea la conversation. Le trio commença à lui parler en gesticulant. Le président finit par se taper le front et soupira. Il sembla expliquer quelque chose en les grondant un peu et finit par leur tendre un billet pour qu’un d'eux aille acheter quelque chose.
La reine rit quand il se rassit.
- Pardonnez-les, il est vrai que dans mon palais, il y a beaucoup de micro-ondes installés un peu partout, expliqua Xéréolas.
- Vraiment partout ! La dernière fois, il m'a même demandé si celui installé dans la salle d’invité ne faisait pas tâche !
Pourquoi autant de micro-ondes ? Il avait une manie ou quoi ?
Notre président eut la bonne idée de demander ceci.
- Très peu de gens de mon palais peuvent se permettre de manger à la cantine présidentielle et la cafétéria est toujours noire de monde. Mettre des micro-ondes un peu partout était la seule solution pour qu'ils puissent manger sainement et rapidement.
Ils ne pouvaient pas utiliser le Xyrès ? Pour réchauffer le plat, Eruk sait créer des vents chauds alors être son propre micro-onde…
- Mais comment ça se fait que si peu de gens peuvent se permettre la cantine ?
- Le salaire maximum d'un fonctionnaire est de 3000 euros par mois. La majorité des gens y travaillant gagnent autant qu'un prof. Mon palais est beaucoup plus fonctionnel que symbolique. On travaille vraiment dedans et la vie grouille.
- On a cru comprendre que ce n’était pas le cas chez vous ? demanda la reine.
- Eh bien, répondit notre président, nous considérons que comme nous faisons partie de l’élite de la société, nous méritons de gagner plus. Nous avons fait de longues études pour arriver ici, après tout.
- N'est-ce pas, Xéréolas ?
Le visage du président rougit sous la honte et la surprise. Il reprit rapidement ses esprits.
- Chez nous, l’élite se situe plus vers les ingénieurs ou les chercheurs.
Il eut comme un flottement et Le Meyer sourit malicieusement.
- Ça me rappelle l'offre que je voulais vous faire. Ça vous dirait de venir sur Gamma ?
[1] Mais si ! Les suites de gestes avec les mains. Ici on parle juste de top 5 qui consiste à lever la main et taper dans celle de l autre.
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