Chapitre 11 ou Des uniformes et du café

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Eruk sortit sous les ordres de sa chef et glapit alors que des gouttes d'eau salée touchèrent l’asphalte sale alors qu'il faisait un temps magnifique. J'avais froid et je me sentais encore plus moche que d'habitude.

On me tendit encore un bonbon à la fraise et un mouchoir mais je n'avais même plus la force de bouger. Eruk me poussa gentiment vers la tente et m’assit sur un des tabourets de la table à gauche, un peu à l'abri des regards. Je fus laissée encore seule, perdue dans mes pensées, ma haine et mon cœur brisé.

- Elle ne te méritait pas de toute façon.

Eruk déposa un mug de chocolat chaud et prit une gorgée du sien.

- Tais-toi. Tu ne sais rien d'elle.

Je me demandais s’il arrivait à me comprendre alors que même moi je n’entendais que des grognements entre deux soubresauts de larmes.

- Je sais qu'elle a été volontairement méchante avec toi. Et ça me suffit. Elle ne mérite pas d’être ton amie.

- Parce qu’une amitié, ça se mérite ? Qu’ai-je fait pour mériter la sienne ?

- Arrête de la défendre. Une amitié ça se mérite pour continuer.

- On t’a remis ton truc…

Il comprit que je ne voulais plus parler d'elle. Et fit le pitre en faisant semblant de s’étouffer et essayer d'enlever le collier. Il sourit quand je trouvais la force de rire devant cet idiot qui se roulait par terre.

- C’est la supérieur Elena qui me l'a remis quand elle est revenue.

Il rit sincèrement et s'approcha de mon visage, la bouche cachée par sa main et dit tout bas qu'elle lui avait tiré les oreilles si fort qu'il était presque devenu un elfe.

- Elle était vraiment fâchée ! Je te jure, elle a même froncé les sourcils !

- Waouh. Mais quelle colère…

Il rie en dévoilant ses dents mal alignées. Il reprit rapidement sa position de soldat tout en continuant de sourire alors que sa supérieure se rapprochait. Elle voyait que je ne pleurais plus.

- Merci, Eruk. N’as-tu pas à faire ? J’aimerais parler à ton amie.

Son ton était calme et doux mais assez autoritaire pour qu’Eruk me salue et reparte vers sa tablette. Elena le regarda s’éloigner et commença à chuchoter en me fixant droit dans les yeux comme les Meyers et les gens honnêtes en ont l’habitude.

- Je ne sais pas ce que toi et lui avez fait quand nous étions partis mais merci. Il a vraiment changé, il est beaucoup plus…

- Reposé. Je n’ai rien fait supérieure. J’avais besoin de réponse, il était là. Et nous avons des passions en commun. C’est tout.

- Je suppose que tu sais pour le Xyrès.

- J’aurais su sans lui.

- Arf, soupira-t-elle en sirotant son café. J’espère qu’il ne t’a quand même pas dit pour la prophétie.

- Quelle prophétie ?

Ses yeux fixaient maintenant le lointain alors que mes yeux riaient d'avoir réussi à mentir. La tasse de café, portée à ses lèvres, laissa le café s’écouler alors que la supérieure restait figée. Elle finit par fermer les yeux et s’éclaircit la gorge.

Décidément, les Meyers étaient des gaffeurs, j’adorais voir leur visage confus et honteux, essayant de ne pas s’énerver contre eux-mêmes. Là, c’était de l’or en boite, non seulement j’avais gardé le secret de mon ami mais j’avais embarrassé la supérieure. Celle-ci finit par reprendre mon regard.

- Un ticket pour Gamma en échange de ton silence.

Et j’avais la confirmation qu’ils allaient bien saboter le tirage au sort. Je ne pus m’empêcher de rire devant le comique de la situation : une adulte d’une quarantaine d’année qui me soudoyait pour que je garde un secret.

- Vendu. Mais je veux qu’Eruk soit un des guides dans le groupe.

- Bien sûr qu’il le sera. Il est censé vous étudier.

- Pas vous défendre si les humains attaquent ?

- Normalement oui, c'est une génération moins reluctante à attaquer. Mais les meyers savent se défendre tout seuls. Enfin… maintenant, ils savent se défendre.

Elle reprit du café en détournant les yeux. Et prit un ton doux.

- S'il te plait. Sois gentille avec Eruk. Cet enfant a vu des horreurs. Je sais que c'est difficile d’être un Meyers après ça mais… Il faut bien que la vie continue. Un jour, il comprendra. S’il ne perd pas les pédales avant.

- Mais vous savez, ce n’est pas si horrible de s’énerver. Des fois, ça peut même régler des conflits. Pourquoi ne pas le laisser s’énerver de temps en temps ?

- Chez les humains peut être. Mais chez les Meyers…

Elle inspecta les alentours pour vérifier qu'aucune oreille indiscrète ne sois témoin.

- Écoute, je ne suis pas censée te raconter ça. Alors promet moi que tu feras tout pour que ça n'arrive pas à Eruk.

- Mais de quoi vous parlez ?

- Selon la religion meyer, nous venons tous d'une seule et même personne : la grande et douce Lotussia. Une humaine comme toi ou l'amie d’Alice. Arrivée par hasard sur Gamma, elle a fait connaissance d’un elfe avec qui elle a eut huit enfants qu'elle a élevé avec des principes pacifiques et de douceurs. En gros, de bonnes personnes. Mais le neuvième enfant a rejeté ces principes. Jaloux de ses frères et sœurs tous surdoués, attristé par la faiblesse de sa mère, enorgueilli par sa propre puissance, il s'est révolté et a commencé à détruire tous ce qui était sur son passage. Ses frères et sœurs, après une bataille sanglante et sans pitié, finirent par mettre leur cadet à terre. Et au moment où la lance de l’aîné trancha son crâne, l'enfant dit : « je vous maudit, vous et votre descendance. Dès que vous ressentirez ce que j'ai ressenti, dès que l'un de vous exprimera une trop grande colère, tristesse ou désespoir, Je prendrais possession de son corps. Et je vous tuerais tous »

- C'est horrible comme légende.

- Mais elle explique l’origine de la mahara. Une maladie dégénérative des meyers qui porte le nom du neuvième enfant. Si un meyer ressent trop de colère ou de tristesse, il perd peu à peu sa conscience pour ne laisser que sa rage. Il n'arrivera plus à contrôler son Xyrès et finira par semer la mort et la destruction.

Je n'arrivais plus à respirer. Mais alors ça expliquait pourquoi les meyers évitaient à tous prix d’être en colère et consolaient tout de suite leurs congénères et proposaient qu'ils parlent de leur problème. Sûrement qu'en plus de leur générosité innée, se trouvait un monticule de peur qu'ils tombent malades.

La supérieure ne détachait pas ses yeux des miens. Ils me brûlaient, me jugeaient.

- Promets-moi que ça n'arrivera jamais à Eruk. Ce petit a bien trop souffert.

- Ça se guérit ? Ça se soigne, hein ?

- Non.

- Mais alors vous faites quoi des Meyers atteints ?

Elle ne répondit pas. Mais ses yeux disaient tout. Son silence disait tout.

- Vous êtes des monstres.

- Que veux-tu qu’on fasse ? Ils perdent le contrôle d'eux même et tuent ! On ne peut pas les contenir, Agathe !

Elle reprit son souffle et des larmes coulèrent sur ses joues rondes.

- Je t'en supplie. Eruk est le plus instable du groupe. Il a déjà perdu le contrôle de son Xyrès deux fois car il était en colère. Des fois, il arrive que les Meyers perdent un peu le contrôle quand ils perdent à des jeux ou qu’ils se sentent seuls mais Eruk… Eruk a déjà perdu le contrôle deux fois sans élément extérieur apparent.

- Bien sûr que je prendrais soin de lui mais pas parce que j'ai peur de votre mahara à la noix ou parce que c'est un pauvre garçon, parce que c’est mon ami. Vous comprenez Supérieure Elena ? Je ne le protégerais pas, s’il veut être en colère, il le sera, S’il veut pleurer, il pleurera, S’il veut se rebeller, il se rebellera. Moi je serais là pour être avec lui. Et peut être que c'est ce que vous devriez faire. Parce que là, il se retenait de crier et tout balancer. Vous savez qu'il emmagasine de la rage ? Et c'est sûrement le cas de toute la génération qui a fait la guerre. Et c'est encore plus dangereux car qui sait ce qui se passera quand le vase débordera !

- Je sais… je sais.

Je m'étais emportée. Ce n’était pourtant pas mon genre d’être irrespectueuse envers les adultes. Mais l’incapacité de la supérieure à gérer sa garnison me faisait perdre mon calme. Comment une personne comme elle était arrivée à la tête d'un bataillon ?

- C'est quoi cette histoire de prophétie ?

Peut être qu'elle en savait plus.

- La prophète nous a interdit d'en parler. Ça peut briser la prophétie.

Eruk avait donc bien raison, sa gaffe pourrai porter préjudice au Meyers. Enfin. Ce n'est pas comme si c’était moi qui allais devenir reine Fée. Déjà je n'avais pas le physique pour ; et encore moins les capacités pour diriger. Je me demande si prendre des humains au hasard faisait partie de la prophétie ? Ou les Meyers se contentaient de viser dans le vide ? A quel point cette prophétie était précise ?

Eruk revint vers nous et dit à sa supérieure qu'il avait terminé son travail puis demanda s’il pouvait alors traîner avec moi. La supérieure refusa en disant que la garnison attendait des invités et qu'il pourrait s'absenter après les avoir salués.

- Qui vient ? Je pourrais les accueillir ?

- Mes supérieurs, répondit Elena. Je t'ai mis dans la liste des autorisés alors tu pourras les rencontrer, oui.

- On dit whiteliste. Pas liste des autorisés. Merci, j'essayerais de ne pas poser de problèmes.

Elena sortit sa tablette et rectifia le vocabulaire. Puis elle aligna ses minions et leur demanda de reprendre cet ordre après avoir enfilé leurs uniformes.

Je sourie, des uniformes ? Ils ont des uniformes ? J'adore les uniformes. Peut-être que c'est mon côté « justicière » qui ressort, le côté ordonné et équitable de l'uniforme l'excitait.

Une des Meyers me vit intéressée et demanda si je voulais aussi le mettre. Ils en avaient en trop et il devait bien avoir un à ma taille. Je refusais poliment, m’éloignant alors du paradis interdit du vestiaire des filles.[NM1] L'uniforme ne m'allait pas de toute façon…

La supérieure me demanda alors de rejoindre le groupe féminin. Je me levais pour me rassoir sur le banc du côté droit de la tente où se tenaient 5 Meyers (Meyeres ??). La supérieur distribua des paquets en tissu à tout le monde et fit briller ses yeux. Un rideau se tira tout seul, séparant la tente en deux pièces. Elena zippa ensemble les deux pans de tissus qui servaient de porte à la tente et tendit le bras pour appuyer sur le bouton d'un appareil situé juste au dessus de l’entrée. Elle hocha la tête et les filles commencèrent à se déshabiller en parlant entre elles comme le feraient toute jeune humaine de leur âge. Je restais assise en essayant de ne pas fixer les jambes albâtres d’une d'entre elle. Une au teint beaucoup plus sombre m'aborda en soutien gorge, une dentelle rose fine qui mettait en valeur sa belle poitrine. Décidément les Meyers ressemblaient beaucoup aux humains. Jusqu’à tromper mon cerveau qui fumait.

- Tu es une drôle d’humaine. Tout le monde t'aime bien. Même la supérieur Elena !

- Pardon. Je ne connais même pas ton nom.

- Bliss ! Et elle, c'est Ellia, Macha, Flo et Nadechi, répondit-elle en m'indiquant les filles de gauche à droite.

La plus jeune et celle qui avait reçu une médaille était une petite fille aux cheveux blonds presque blancs, des yeux marrons, presque rouges et au sourire mélancolique.

Macha, celle aux jambes albâtres, devait être la plus vielle, une vingtaine d’année. Elle possédait une poitrine abondante, des fesses rondes et des hanches courbées comme un imprimé de la lettre « S ». Flo devait avoir mon âge. Sa chevelure en feu donnait un aperçu de l'incendie qui brûlait la forêt de ses yeux. Ça donnait un drôle de mélange face à sa peau aussi noire que les plus belles nuits d’été.

Et Nadechi, de 17 ans environ, était moche. Enfin, pas à mon goût.

Elles finirent de se changer. Nadechi se plaignit qu'on avait encore confondu son uniforme avec celui de Klairk et celui-ci tendit la main à travers le rideau pour le récuperer. Une autre retint sa respiration pour boutonner son pantalon. Enfin, quand elles furent toute habillées, Elena attendit le signal d'un des vieux Meyer et tira la rideau. Ils se mirent tous en ligne devant la supérieure qui les compta. Les uniformes, tous majoritairement bleus lapis, se distinguaient par des petits détails. Tous composés d'une chemise bleu ciel et d'un pantacourt arrivant jusqu'aux genoux et d'un collant/grosse chaussettes sous des bottes tout terrains, certains avaient rajouté une jupe, accrochée par des bretelles, qui servait de poche ; d'autres une bandoulière. Leurs cravates aussi changeaient : Eruk portait un nœud papillon se fixant comme un pin’s, Flo et Nadechi une cravate courte et blanche, Klairk et Ellia pas de cravates du tout. Et ils portaient aussi des médailles sur leur poitrine gauche. Eruk avait un petit badge rectangulaire où se dessinaient un oiseau volant sur une mer ensoleillée, sur Ellia c’était une nuit étoilée ; et elle avait une médaille en or en plus. Ces badges devaient sûrement représenter leur rôle, Bliss était mécanicienne d’après là clé à molette sur son badge, je me rappelais alors qu’elle avait été impressionnée par Kiki.

La supérieure Elena regarda l'heure sur un petit rectangle noir de deux à trois centimètres d'épaisseur, sûrement un portable ; elle sourit quand elle vit qu'ils étaient à l’heure. La femme rappela alors de bien se comporter, surtout toi Eruk, si je te vois jouer un mauvais tour avec Bliss ou Agathe, tu deviendras vraiment un elfe.

Et nous nous mimes à attendre alors que la supérieure vérifiait que les gâteaux étaient prêts.

Les Meyers commencèrent à perdre patience et vouloir s'assoir quand on entendit un bruit de derrière la tente, celui que fait une bouteille de boisson de gazeuse à l'ouverture. La supérieure se cabra et ouvrit nerveusement le rideau de derrière la tente, dévoilant un homme d'une quarantaine d’année aux yeux verts bien familiers et une femme un peu plus jeune aux beaux cheveux roses, Xéréolas et Alambar.

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