Chapitre 13 ou Renoncer ou Avancer

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Je partis après que mes yeux soient devenus aussi arides que le plus sec des déserts. Il devait être midi et ma mère était partie travailler. Tant mieux, je n'aurais pas à justifier ma présence et mon apparence. Je m’allongeai dans mon lit, presque en m'évanouissant, et vérifiais si je n'avais pas reçu de message sur mon téléphone. Rien à part l’appel manqué de mon lycée qui devait se demander où j’étais. J’ouvrai « mes contacts » et tombai sur Geneviève, une de mes contacts en favoris. Je la supprimai de la liste et regardai sa photo. Eruk avait raison, j’allais passer à autre chose, doucement mais sûrement, mais d'abord…

Je me levai, fixai mon reflet dans le miroir et prit une paire de ciseaux. On m'avait dit que les cheveux longs allongeaient un visage rond, ça ne marchait pas sur moi, mes mèches grasses ne cachaient pas mes joues bouffies et tout aussi grasses. Mon corps, plus en largeur qu'en longueur, prenait plus de quatre-vingts pour cent du miroir du couloir (Je n'en ai pas dans ma chambre pour éviter mon reflet évidemment). Ces cheveux longs et de couleur égouts ne mettaient pas du tout en valeur le réceptacle qui servait à déplacer ma pauvre âme mortelle. C’était Geneviève qui m'avait conseillé cette coupe. Je n’essayerais même pas de deviner ses intentions derrière cette erreur de jugement.

Je levai la paire de ciseaux en l'air et passai une des lames à quelques centimètres de ma nuque. Un bruit métallique coupa mon amour perdu.

J'ai ensuite cassé ma tirelire pour me payer un coiffeur. Dans les films, quand les personnages font ça, ils sont toujours beaux et bien peignés, ils ont même reçu un brushing. Moi, non seulement j'ai dû m'y reprendre à trois fois pour couper le surplus, mais en plus je ressemblais à Mowgli l'enfant sauvage. Je me suis donc précipitée vers le coiffeur de la gare et lui ai demandé de réparer tout ça.

Oh. De la teinture… Je hais la couleur de mes cheveux, peut être que je devrais essayer ?

On me décolora ainsi les cheveux pour ne laisser que quelques mèches noires pour contraster avec l’écru rosé qu'on m'appliquait. Quand se fut terminé, je ressemblai toujours à une sauvage. Mais sauvage comme une guerrière dans un livre de science fiction, les cheveux ébouriffés et libres qui centraient mon visage, dévoilant des sourcils décidés et dynamiques. J’étais vraiment à l'image d’un personnage secondaire aimée par les fans d'une série de SF sur le voyage dans le temps. Ça me plaisait et, pour la première fois depuis beaucoup trop longtemps, je souris sans moquerie devant mon reflet. J'avais fait mes propres choix sans me soucier du regard des autres. J'avais fait les bons choix.

Je ne pu voir Eruk les jours qui suivirent. J'avoue que si la réaction de ma mère avait été plus que positive et celle de mes camarades accueillante et admirative, celle d'Eruk comptait quelque part plus que les autres. Mais celui-ci était partit je ne sais où avec le reste des Meyers. Ils avaient enclenché leur « repousseur » pour empêcher quiconque d'entrer. Comme je faisais partie de la whiteliste, je n'étais pas touchée mais Eruk m'avait prévenu de son absence et m'avait demandé de ne pas m’approcher de la tente au risque d'affaiblir les effets chez les humains témoins. En effet, le système reposait, entre autres, sur l'effet mouton : « si personne n'y entre, c'est que c'est interdit d'y entrer alors je ne le ferais pas ». Alors bien sûr que s'il voyait quelqu’un entrer sans même toquer, cet effet serait réduit. Ils ne revinrent que le vendredi, deux jours avant la date limite pour que les pays donnent leur réponse. Je l'avais vu grâce à la lumière qui s’échappait de la tente ce soir là, mais il était déjà 19h30 et il faisait nuit, je n'avais pas le temps.

C'est donc que le samedi que je me suis glissée discrètement sous la tente, souriante et excitée de voir mon ami. Le garçon se tenait au centre de la tente, nettoyant l’étagère de la poutre centrale, exactement comme lorsque je m’étais glissée en douce la dernière fois. Il portait un jean et un tee-shirt jaune sous sa veste en cuir. Il sourit en me voyant en ouvrant grands ses yeux globuleux.

- Eh ! Nouvelle coupe ! Ça te va trop bien ! On dirait une héroïne dans une série de science fiction !

Je sourie en retour, c’était exactement ma pensée. Il me dit la fête en prenant mes mains et dansant tel l'idiot qu'il est. Les autres meyers, dont la belle Bliss et l’élégante Macha, vinrent me voir avec admiration et confirmèrent les dire d'Eruk.

- Vous avez des films de SF sur Gamma ? Alors que vous maîtrisez un truc qui vous permet de voler et faire flotter des objets ?

- On ne peut pas voyager dans le temps, répondit Macha en haussant les épaules.

- Ni aller dans l'espace, continua Ellia.

- Vous êtes nos seuls extraterrestres, et encore c'est pas drôle, on est à moitié extraterrestre aussi.

- On a même de la fantasy. On aime beaucoup la fantasy terrienne en plus ! C’était quoi déjà le livre que tu lisais, Ellia ?

L'intéressée sourit en agitant ses mains et partit le chercher en criant d'excitation. Elle revint avec le premier tome de la saga Harry Potter en sautant partout.

- C'est l'histoire d'un jeune humain abusé par sa famille d'adoption qui découvre qu'il est en faite un « sorcier » et il va dans une école spéciale où il se fait des amis et il apprend tout du monde de la « magie » alors que rode la force maléfique qui a tué ses parents ! C'est trop bien ! J'adore ce livre ! Dommage qu'il n'y ait qu'un tome. Il y a pourtant de quoi faire…

- Oh Ellia…

Je mis ma main sur son épaule pour éviter qu'elle tombe à la renverse.

- Il y a six autres tomes, huit films et même trois autres sur l'univers.

Elle ne dit rien mais ses yeux brillèrent fortement, la lumière se mit à danser et elle devint chaude alors que son sourire s’étirait jusqu'à ses oreilles.

- Tous à terre ! Sous les tables ! Ellia va exploser !!! Supérieure Elena !!

Et les meyers partirent vite se réfugier sous les tables, Eruk me tira pour me séparer d’Ellia alors qu'elle rejetait des étincelles et la supérieure accourut en criant de panique. Elle posa sa main sur l’épaule d'Ellia et de la vapeur s'échappa de son corps tout comme quand Eruk s’était énervé. Ça ne suffit pas à Ellia qui se met à sauter partout en se dirigeant vers ce que je pensais être son sac, jetant la table en l'air et faisant chavirer la poutre centrale avec la tente si un des Meyers ne l’avait retenu à temps. La jeune fille sortit son porte monnaie en criant d'excitation et sortit en trombe de la tente en bousculant sans s'excuser la pauvre Bliss qui essayait de la calmer.

- Qu'ai-je fait ?

Demandai-je alors que nous entendions au loin les bruits de fangirl d’Ellia.

- Il ne faut pas oublier que cette petite reste… une petite. Ce livre. Elle le lisait avant de se coucher. C’était sûrement son seul moyen d’oublier la guerre. Pas étonnant qu'elle parte en vrille quand tu lui dis qu'il y a d'autre tomes.

- Mais ça va aller ? Elle ne va pas casser la librairie ?

- Elle va revenir dans cinq minutes quand elle se sera souvenu qu'elle ne sait pas lire le français.

- Ah. Vous n'avez pas de traducteur instantané pour la lecture ? Ça ne marche qu’à l'oral ?

- Tout le monde sur Gamma à le même alphabet, à part les trolls mais ils traduisent eux-mêmes leurs livres. Alors non. On n’a pas de traducteur instantané pour l’alphabet. Mais il marche quand on lit. Il traduit la voix dans ta tête.

- Triste pour Ellia. Mais comment se fait il qu’elle ait le premier tome alors ?

- Oh. On a un grand traducteur meyer qui a traduit de l'anglais des milliers de livres en meyer. Malheureusement, il a été tué au tout début de la guerre. Quand elle n'a même pas été déclarée encore.

La supérieure nous proposa alors de prendre un thé avec des bonbons pour nous remettre de nos émotions et complimenta ma nouvelle coupe.

Elle alluma la télévision sur une chaîne d'informations meyer qui parlait, bien sûr, sans traducteur puis sortit les tasses alors que Macha préparait le thé. On remit la table en place et tout le monde s’assit autour en discutant joyeusement. Je ne comprenais pas un traître mot de la télé mais mes hôtes étaient drôles et je ne m'ennuyai pas. Ellia revint un peu plus tard, dépitée et toute triste mais avec tout de même le seconde tome de la saga dans les mains, comme un symbole. Elle s'assit à côté de moi, boudeuse comme une ado de treize ans normale et déposa le livre sur la table. Je le pris et commençait à le lire à haute voix en parlant tout juste assez fort pour qu’Ellia seule m’entende.

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