Il était une fois

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Il était une fois une jeune fille qui n’osait pas écrire. Cette jeune fille s’appelait jeune fille car elle était comme toutes les jeunes filles. Elle n’était ni belle ni laide, ni intelligente ni stupide. Elle aurait très bien pu s’appeler “jeune homme” car tous les jeunes hommes pourraient se retrouver dans cette jeune fille qui n’était ni féminine ni masculine. Cependant, étant moi-même une jeune fille, j’ai choisi de l’appeler ainsi. Cette jeune fille avait pour seule caractéristique d’être jeune, n’étant pas encore dans l’âge de renoncer à ses rêves d’enfant pour mener la vie rangée des grandes personnes. Elle aurait très bien pu avoir atteint le centenaire car toutes les personnes de tous les âges pourraient se retrouver dans cette jeune fille qui n’était ni naïve ni cynique. Cette jeune fille était dans l’âge du doute. Elle doutait de tout, mais d’abord d’elle-même. N’étant pas d’une nature distincte de tous les autres individus, elle se demandait sans arrêt quelles étaient ses qualités propres. Il y avait d’un côté ses rêves et de l’autre sa réalité, d’un côté ses idéaux et de l’autre son incroyable banalité. Elle rêvait de ses idéaux mais réalisait chaque jour à quel point elle était banale. Ses idéaux étaient construits autour des concepts de réussite et de bonheur. La réussite ? Devenir une autre reconnaissable. Le bonheur ? Etre satisfaite d’elle-même sans doute ni réserve. Elle avait inventé des personnages à partir de sa simple personne, comme un enfant se déguise et crée un monde complexe et peuplé à partir de la réalité seule et solitaire. Mais cette jeune fille n’était plus une petite fille. Elle ne croyait plus ni dans les gentils ni dans les méchants. Elle était devenue grande le jour où elle avait passé l’âge de recevoir sa lettre d’admission à l’école de magie. Le monde était alors devenu gris et moldu, et elle en faisait définitivement partie. Elle n’était ni plus ni moins qu’une personne grise parmi les gris, d’un gris banal qu’aucun cri ne pourrait jamais transformer. Elle avait mené, menait et mènerait une vie banale de jeune fille normale. Elle était comme tout le monde. Comme tout le monde, elle grandirait. Comme tout le monde, elle étudierait, travaillerait, se marierait, aurait des enfants, vieillirait, mourrait. Comme tout le monde elle avait perdu un rêve, puis un autre. Comme tout le monde elle perdrait peu à peu tous ses rêves tandis que sa tête blanchirait à chaque renoncement. Cette jeune fille deviendrait inexorablement vieille. Chaque jour passait comme une confirmation qu’elle ne valait pas plus qu’une autre. Métro, boulot, dodo. Lever, activité, coucher. Pourtant, cette jeune fille restait encore jeune. Elle n’avait pas encore renoncé à tous ses rêves. Entre deux activités, elle pensait toujours à ces autres qu’elle n’était pas mais qu’elle rêvait d’incarner. Ces autres, c'étaient les auteurs, ces magiciens du réel. Cette jeune fille rêvait d’écrire, de laisser sa plume s’envoler au-dessus de toutes les réalités. Elle rêvait d’emmener avec elles d’autres personnes qui deviendraient ses personnages. Elle inventerait des récits et deviendrait enfin autre. Or, cette jeune fille qui rêvait n’osait pas écrire. Elle lisait, écoutait, recopiait, mais n’inventait pas. Elle gardait son rêve enfoui en elle, le laissant s’éveiller le temps de noircir une page ou deux d’un carnet toujours neuf qu’elle ne finissait jamais de remplir. La première fois qu’elle entreprit une rédaction, c’était pour recopier un ouvrage qu’elle avait particulièrement apprécié. Elle abandonna très vite et se tourna vers les citations, plus courtes et plus simples à recopier. Elle admirait tous les auteurs pour avoir franchi l’obstacle de la page blanche. Pourtant, ce n’était pas faute d’idées, c’était faute de “mais”. Chaque fois qu’elle trouvait un nouveau sujet d'écriture, elle trouvait toujours un élément pour le discréditer. Écrire sur l’amour ? Tout a déjà été écrit. Écrire sur le vide ? C’est vide de sens. Écrire sur sa personne ? Elle n’avait pas une vie assez intéressante pour mériter un récit. Chaque ligne d’écriture était sujette à une vive critique. Ce n’était jamais assez intéressant ni assez bien écrit. Elle écrivait, effaçait, reprenait, effaçait de nouveau. Elle commençait souvent mais ne terminait jamais. Elle rêvait d’écrire par citations, que chaque mot soit rigoureusement utilisé, que chaque phrase soit justement placée, que chaque pensée soit fidèlement retranscrite. Elle rêvait d’écrire pour écrire, pour se sentir envahie par la force de l’écriture qui la faisait tendre vers son rêve à chaque tentative mais ne l’amenait jamais au bonheur d’être elle-même dans sa pleine réalisation. L’écriture pour l’écriture et sa force libératrice qui lui permettrait d’échapper à cette réalité grise à laquelle elle appartenait. Elle voulait écrire mais sur quel sujet ? Pour qui ? Pourquoi ? Comment ? Dans quel but ? Peut-on écrire pour la simple satisfaction de coucher son âme sur le papier ? Elle voulait écrire car elle savait que c’était là son rêve le plus cher. Mais elle doutait d’elle-même et de sa capacité à rédiger. Chaque fois qu’elle commençait un écrit, elle abandonnait très vite, touchant les limites de l’écriture à travers les limites de sa connaissance. Elle ne se sentait en effet pas légitime d’écrire à cause de son manque de savoir. Elle avait beau se cultiver, elle ne se sentait jamais assez imprégnée pour se lancer dans l’écriture. Cette jeune fille était donc dans une impasse. Soit elle continuait à vivre sa vie de jeune fille normale et persistait chaque jour à repousser son rêve le plus cher, soit elle se décidait à enfin réaliser son rêve et à se lancer dans un projet d’écriture. Et si cette jeune fille écrivait l’histoire d’une jeune fille comme toutes les autres ? Et si cette jeune fille arrêtait de chercher à raconter des histoires qui ne lui appartenaient pas pour se concentrer sur sa propre histoire ? Après tout, la vie n’avait rien de plus à lui réserver que ce qu’elle lui offrait déjà. Pourquoi attendre et repousser sans arrêt le moment de réaliser son rêve ? C’est l’histoire de cette jeune fille que je vais vous conter ici.

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