Dwan
Dwan est visiblement contrarié. Depuis que Fille lui a fait savoir que Dame Layna avait à nouveau requis sa présence pour le bain rituel, il est nerveux et tendu.
— Il y a une demi-lune encore, tu n’avais jamais mis les pieds au château et te voilà admise au sein du Premier Cercle !
Il est excédé. Amer.
— Elle n’a pas dit ça. Elle m’a juste enjoint de revenir demain.
— C’est pareil. Tu fais ou feras de facto partie de son entourage proche. Ce n’est plus qu’une question de jours.
Fille peine à cacher sa joie. Accéder au Premier Cercle, c’est pour elle l’unique façon de pouvoir sortir du château. De pouvoir revoir Gunnar. Et qui sait, de rencontrer ce forgeron des terres lointaines qui peut-être pourra l’éclairer sur les symboles qu’elle cache au creux de ses reins. Et par là-même, sur ses origines.
— Serais-tu jaloux ?
L’homme s’immobilise et la dévisage avec gravité.
— Je ne suis pas jaloux. Mais les couloirs et les chambrées vont bientôt regorger de serviteurs et de servantes envieuses. Cette femme est une sorcière, elle te dévorera ou au mieux, elle va te pourrir l’âme jusqu’à l’assécher.
— Tu exagères. Je l’ai trouvée plutôt avenante. Gentille même.
Dwan sourit tristement, il semble porter le poids du monde.
— Gentille … pauvre de toi. Je perds mon temps, tu es déjà perdue.
***
Les doigts de Fille vont et viennent dans la longue chevelure noire.
C’est une chance que sa Cheffe lui ait prodigué les consignes relatives au lavage des cheveux.
Sa Maîtresse se laisse bercer par la douceur des mains qui vont et viennent sur son crâne, dans sa nuque.
— Tu as des doigts d’or petit oiseau. Tes gestes sont d’une précision que seule égale ta douceur.
— Merci Madame.
— Tu seras désormais affectée à mon service personnel.
Le coeur de Fille s’emballe. Le Premier Cercle. La liberté. Peut-être. Elle n’ose cependant rebondir et continue sa tâche en silence.
— Sais-tu ce que cela signifie ?
— Non Madame.
— Tu bénéficieras de quelques privilèges. Mais surtout, tu hériteras de devoirs supplémentaires. Ne me déçois pas.
Sa dernière phrase sonne comme une menace.
— Je ferai de mon mieux Madame.
— Le gros Dwan fera le nécessaire. Je serais curieuse de voir sa tête. Que crois-tu qu’il pensera ?
— Il sera probablement très content pour moi Madame.
Dame Layna éclate de rire, manifestement amusée.
— Ah bon ? Et pourquoi ça ?
— C’est … c’est une sorte de promotion non ? Il m’en a parlé.
— Et qu’a-t-il dit exactement ?
— Que … que c’était un aboutissement.
Layna relève la tête, méfiante.
— Que t’a-t-il dit exactement ?
— Que … et bien juste que si je travaillais dur, j’aurais une chance de rejoindre le Premier Cercle. Que c’était le voeu de toute servante ou de tout serviteur. Que …
Le visage de Layna affiche maintenant une dureté extrême. Fille baisse les yeux, effrayée par le subit changement d’attitude de sa Maîtresse.
— Tu ne m’as pas comprise petite. Dorénavant, tu m’appartiens. J’attends de toi la plus grande loyauté, une transparence totale et une franchise absolue. Si tu me mens encore, tu regretteras jusqu’à la fin de ta courte vie d’avoir mis les pieds dans ce château. Que t’a-t-il dit ?
Le ton est glacial et péremptoire. Fille frissonne sous la menace.
— Que … que vous étiez une sorcière. Que vous approcher revenait à vendre son âme. Que j’étais trop naïve et que je m’en mordrai les doigts.
Layna se radoucit et se laisse aller dans la baignoire, elle glisse dans l’eau, seul son visage émerge encore de la mousse.
— Dwan a la langue bien pendue. Rince-moi les cheveux.
— Vous ne lui en tiendrez pas rigueur Madame ?
— Il m’a déçue il y a bien longtemps. J’ai moi même tranché d’un coup de dague une petite chose dont manifestement il faisait bien peu d’usage. Mais c’est sa langue qui justement lui a sauvé la vie. Il la manie comme personne. Je puis bien lui pardonner quelque écart de langage.
***
Dwan avait raison ! Cette femme est un démon !
Lorsqu’au sortir du bain, Layna l’avait invitée à s’allonger, Fille n’avait pu lui opposer la moindre résistance. Sa Maîtresse n’avait pourtant en rien usé de sa position qui au final, lui conférait tous les droits. Elle ne l’avait ni brusquée, ni forcée. Tout s’était passé très naturellement. En douceur même.
Tout au plus avait-elle tenté de protester lorsque les douces mains de la Favorite se glissèrent sous sa tunique pour ensuite la lui relever sur le ventre.
Mais le contact de ses cheveux humides sur ses cuisses, la douceur de ce baiser indécent entre ses jambes eurent aussitôt raison de sa volonté. Fille savait que c’était mal, qu’il ne fallait pas, mais le plaisir n’en finissait plus de monter.
La bouche gourmande et sa douce intimité s’étaient aimées jusqu’à … par les Dieux, qu’était-ce donc ? Il lui avait semblé que son ventre explosait, c’était si bon, si bon. C’était merveilleux.
Elle rasait les murs en trottinant, persuadée que quiconque la croiserait devinerait sur le champ à quel acte abject elle venait de se livrer.
Emportée par son élan, elle percuta Dwan de plein fouet au croisement des deux corridors.
— Où files-tu comme ça jeune fille ?
La demoiselle sentit le feu lui monter aux joues.
— Je … je me rendais dans la chambrée.
— Dans ta chambrée ? Allons donc, la nuit vient à peine de tomber, il reste encore de l’ouvrage. Et puis ne le sais-tu donc pas ? Tu déménages dès ce soir. Maaaadame a droit désormais à une chambre particulière. Qu’as-tu donc fait à notre Maîtresse pour mériter tant d’égards ?
Fille tressaille, elle panique même. Ecarlate, elle peste contre sa bêtise. Mais Dwan ne relève pas.
— Suis-moi donc princesse, je vais te montrer ton nouveau logis. Tu t’y installes dès ce soir.
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