Bulgur

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— Qu'as-tu donc fait à tes cheveux ? Tu parais plus chétive encore, on dirait un oisillon sans plume tombé du nid.

C'est à peine s'il l'a regardée en lui lançant sa remarque acerbe. Son premier réflexe fut de baisser les yeux mais elle décida de ne pas lui accorder ce petit plaisir. C'est d'une voix calme et posée qu'elle lui répondit.

— J'ai pensé que cette coupe radicale et cette tenue conviendraient mieux à un soldat, Général.

Il marqua un temps d'arrêt, la détailla de haut en bas et maugréa :

— Un soldat ...

Le soupir qui suivit en disait long. Il se tourna vers un colosse balafré. Il était si grand et si massif qu'on aurait pu le croire sorti d'un conte ou d'une légende. Son crâne était plus lisse encore que celui de la jeune fille, au point d'en briller, mais la barbe poivre et sel rassemblée en deux petites tresses lui conférait une allure de barbare. Il émanait de lui une force qui contrastait avec un calme que rien ne semblait pouvoir ébranler.

— Voici Bulgur, mon aide de camp. Il va te dire ce que tu dois savoir. C'est à lui que tu rendras compte, et c'est lui qui te donnera tes ordres. J'attends cependant que tu fasses preuve d'initiative et de bon sens, Bulgur m'est trop précieux pour que je le laisse se disperser dans des tâches subalternes. Va, maintenant.

Se tournant vers le guerrier balafré, il précisa :

— Montre lui ses quartiers, ensuite tu sais ce que tu as à faire. Et n'y passe pas la matinée.

***

Bulgur s'acquitta de sa tâche avec une rigueur et un détachement très militaire. Le colosse était avare de mots, il les employait à bon escient mais toujours avec parcimonie, comme s'il voulait ne pas les gaspiller. La tâche d'une ordonnance consistait selon lui à libérer le Commandeur des contingences routinières et matérielles afin de lui permettre de consacrer l'entièreté de son attention aux seules choses qu'il estimait réellement importantes. Fille devrait tenir ses quartiers, veiller à l'entretien de son équipement, se charger si nécessaire de l'une ou l'autre course, intoduire les visiteurs. En campagne, elle devrait veiller au confort et au repos de son Maître.

— Tu ne devras cependant pas t'occuper des armes ni du cheval.

— Le Commandeur fait cela lui-même ?

— Avant une bataille seulement.

Elle trouvait énervant de devoir toujours lui tirer les vers du nez, mais insista.

— Et ici au château par exemple, qui s'en occupe ?

— Son ordonnance mais ...

Il s'interrompit puis revient sur sa réponse. C'était effectivement l'ordonnance qui s'en occupait jusqu'à aujourd'hui, mais le Général souhaitait que ces tâches soient confiées à des hommes. Un sergent-fourrier prendrait soin de l'épée et l'écuyer en chef désignerait un palefrennier pour s'occuper de la monture. La jeune fille murmura entre ses dents.

— Je suis bonne pour vider son pot de chambre mais pas pour affûter sa lame ...

— Qu'as-tu dit ?

Elle se reprit.

— C'est à moi que revient cette charge. Je suis parfaitement capable de prendre soin d'un cheval ou d'entretenir une épée.

Le géant se tourna vers elle. Glacial. Il était si grand et si proche qu'elle devait lever la tête pour le regarder droit dans les yeux. Il posa un index menaçant sur la clavicule de la jeune fille.

— Tu n'es pas la bienvenue ici. Alors tiens ton rang et obéis aux ordres.

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