Chapitre 10-2 : Tue-loup

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  Avant même de me rendre compte de ce que je faisais, j'étais descendue de mon fût, l'expression incendiaire. Fearghus leva aussitôt la main pour m'arrêter et m'ordonna de remonter sur ma barrique si je ne voulais pas qu'il me ramène par la peau du cou à ma seanhmair. Nous avions d’autre chat à fouetter. Un bien plus gros chat à fouetter. Même si, au fond de moi, je savais qu'il avait raison, il me fallut rassembler tout le sang-froid que je n'avais plus pour m’exécuter. Et non sans adresser un dernier regard meurtrier à Aodhán.

  L'étranger, qui avait observé toute la scène d'un air impassible, se concentra sur Fearghus lorsque ce dernier reprit la parole comme si rien ne s’était passé.

  –Et donc, la tue-loup. Tu veux qu'on fasse quoi avec, gamin ?

  –Elle est plus nocive pour les fenrirs que pour nous. Enfin, en principe, nuança-t-il. Cette plante les brûle aussi sûrement qu'un fer chauffer à blanc, mais leur épais pelage protège leur chair. Alors, à moins de leur en faire avaler pour les brûler de l'intérieur ou de les plonger dans un lac où cette plante aurait mariné de longues heures et en grande quantité, elle est difficilement utilisable en plein combat.

  –Elle sert à quoi, alors ? grogna Aodhán.

  –À les tenir à l'écart. Si son parfum est assez fort, il ne va pas s'en approcher.

  –Et ça risque pas d'être toxique pour nous ? s'enquit le maire. Vous avez dit qu'c'est une fleur toxique.

  L'asperge secoua la tête.

  –Tant qu'elle n'est pas ingérée ou au contact de la peau, elle n’est pas nocive pour les hommes.

  Une lueur d'espoir naquit dans les yeux de Lennox. Dans une inspiration déterminée, il se tourna vers moi.

  –Howit t'avait pas parlé d'cette plante pour rien, pas vrai ? Elle voulait pas qu't'y touche, parce qu’y en a dans le coin.

  –Aye, dans la forêt.

  –Eh bah alors, qu'est-ce t'attends ? Va en chercher.

  Je cillai.

  –Toute seule ? Le fenrir...

  Son air s'assombrit.

  –T'as l'occasion d'servir l'village, le clan, et tu r'fuses ?

  –Non, c'est pas ce que...

  –J'en ai rien à foutre de savoir qui y'a un fenrir. Pourrait y en avoir trente, ce s'rait pareil. (Il se planta devant moi, me surplombant de toute sa taille. Malgré moi, j'eus un mouvement de recul.) T'es la seule à savoir à quoi r'semble cette maudite fleur et où la trouver. Alors tu vas lever ton cul d'ce fût, Alizarine, et me montrer qu'tu sers à quelque chose. Que l'clan compte plus que tous à tes yeux. Que t'es prête à t'sacrifier pour lui. Que tu mérites de porter not' tartan et qu't'es une NicConall comme tu l'prétends. Pas juste une putain de parasite étran...

  –Mais putain, j'ai pas dit que j'irais pas ! Je veux juste que quelqu'un m'accompagne ! C'est tout ! T'as pas besoin de me rappeler que je dois prouver que je suis l'une des vôtres pour m'y pousser !

  Les yeux plantés dans ceux de Lennox, j'essayai de reprendre mon souffle tandis qu'il me fixait en retour, l'expression encore plus dure. Dans mon emportement, j'étais descendue de mon tonneau et me dressais désormais devant lui, anéantissant toute l'autorité qu'il avait en me toisant car nous faisions la même taille.

  –Fearghus, finit-il par appeler après plusieurs lourdes secondes de silence et en me fixant toujours. Trouve-moi un homme pour assurer ses arrières et une femme pour les chap’ronner.

  –Désirez-vous que je m’en charge ?

  Le maire et moi nous tournâmes aussitôt vers la droite et il me fallut quelques instants pour comprendre que non, je ne rêvais pas : Jäger, qui était presque de l'autre côté de la pièce la dernière fois que je l'avais regardé, se tenait à présent juste à côté de nous, une main nonchalamment posée sur la fusée de son épée.

  –Je connais les fenrirs et cette plante, se justifia-t-il. Je peux aider mademoiselle NicConall à en récolter tout en m'assurant que le fléau ne nous tombe pas dessus.

  Le regard toujours aussi dur, Lennox le scruta avec attention.

  –Pas seul, non. Même si tu nous aides, j'ai pas encore vérifié ton histoire, Jäger, alors j'vais pas t'laisser seul avec deux d'mes villageoises. Surtout avec celle-là, précisa-t-il en me désignant. Manquerait plus qu'tu lui fasse quelque chose et on aurait pu personne pour chercher la tue-loup. D'ailleurs, j'veux plus qu'tu traînes tout seul dans l'village. (Il se tourna vers Fearghus.) Après avoir trouvé les volontaires pour la cueillette, prépare-lui une chambre. Tu vas l'garder à l'œil pendant que je s'rais pas là. Il a pas l'droit d'partir tant que j'l'ai pas dit. Et si t'as l'moindre doute sur lui, enferme-le. On a assez d'raison pour l'faire.      

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