Le pardon est un mirage 

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Le pardon... Cet idéal auquel on nous enjoint d'aspirer. Mais qui, dans les faits, se révèle être un défi de tous les instants.

Pardonnons, nous dit-on. C'est la voie de la grandeur d'âme. De l'apaisement. Du dépassement de soi. Mais comment pardonner l'impardonnable ? Comment faire taire les cris de notre chair meurtrie ? Les plaies de notre cœur écorché vif ?

Le pardon exige un lâcher-prise. Un renoncement profond. Qui va à l'encontre de nos instincts les plus viscéraux. Renoncer à notre juste courroux. Tourner la page sans demander de comptes.

En sommes-nous seulement capables ? Où est la force dans cet acte d'abnégation ? Ou n'est-ce qu'une reddition honteuse ?

Pour certains, le pardon représente une forme d'abnégation, oui. Un reniement de sa propre souffrance. Les blessures sont là. Indélébiles. Feindre leur inexistence relèverait de l'hypocrisie. De l'insulte suprême à notre vécu. Pardonner, n'est-ce pas trahir nos tourments ? Nos larmes ? Notre dignité même ?

Et pourtant... D'autres y voient une nécessité vitale. Un impératif cathartique. Refuser le pardon condamnerait à l'emprisonnement éternel dans nos rancœurs. Une vie rongée par les affres de celles-ci. Quelle piètre existence ! Mais renoncer à cette rance , n'est-ce pas aussi se renier soi-même ? Se dépouiller d'une partie de son identité ?

Pardonner ou ne pas pardonner. La question se pose inlassablement. À chaque tournure. Chaque nouvel heurt. Chacun doit y répondre selon son cœur. Selon ce qu'il estime être la meilleure voie pour lui. Et c'est là que réside peut-être la plus grande des dualités du pardon.

D'un côté, l'émancipation. La liberté ardente de se défaire des chaînes du ressentiment. Une Renaissance après les ténèbres. Mais aussi l'impression de se départir d'une part intrinsèque de soi-même. De renier ses blessures. D'amnistier l'impardonnable.

De l'autre, la fière posture de la victime qui rejette l'affront. La dignité sauve. La légitime fièreté. Mais aussi la condamnation à l'enfermement dans le tourment. L'âme à jamais sclérosée par la rancœur. Une vie à survivre plutôt qu'à vivre.

Deux voies opposées mais déraisonnablement similiaires dans leur risque de déchirure. Comme si renoncer à la haine ou s'y accrocher étaient deux formes de trahison de soi-même. Comme si se libérer ou rester enchaîné, c'était dans les deux cas une amputation.

Alors pardonner ou pas ? Damned if you do, damned if you don't? Peut-être n'existe-t-il pas de réponse unique. Juste un insondable cheminement intérieur fait d'aller-retours tortueux. Ou l'heure n'est qu'à l'introspection. Sans jugement.

Certains croiront pouvoir pardonner un jour, avant d'être à nouveau submergés par les vagues d'amertume et de ressentiment.

D'autres au contraire, après avoir renoncé à toute idée de pouvoir un jour pardonner, connaîtront peut-être des éclairs de mansuétude éphémères. Avant d'être happés à nouveau par le cycle sans fin du traumatisme.

On avancera d'un pas tremblant, trébuche et à refaire surface, pour mieux repartir dans une autre direction. Encore et encore, jusqu'à l'épuisement peut-être ou une accalmie provisoire.

Le pardon ressemblera à un champ de ruines qu'il faudra reconstruire inlassablement. Avec l'espoir qu'un jour, lentement, pierre après pierre, une nouvelle demeure pourra voir le jour. Ou bien que les décombres resteront à jamais une plaie béante. Nul ne saurait le prédire.

Alors n'essayons pas de dicter ce qu'il "faudrait" être ou faire. Respectons les chemins et les plaies de chacun, dans ce qui reste peut-être l'épreuve la plus ardue : se pardonner à soi-même.

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