Elle a la peau

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En fin de journée, la cuisine revêtit son manteau de serpentins originaux et de ballons colorés. Elle s'y dissimulait avec évidence, les lèvres et les ongles jaunes, en remuant énergiquement un fond de verre d'eau. L'air hagard, elle attendait la fête et son vacarme. L'euphorie débuta, les souliers galopèrent dans l'escalier, les talons vagabondèrent sur le paillasson, alors que c'était au tour des mains et des rires de rebondir contre la porte d'entrée. Elle osa enfin se diriger à la frontière de l'appartement, où la sonnerie et l'interphone hurlaient. C'était un défilé d'inconnus, où chacun se perdait en politesses magnifiques et inutiles, dont elle ne savait évidemment que faire.


Et puis la lumière s'alluma quand vint la pénombre, la musique et l'alcool adoucissant les cœurs ensemble. La comédie était facile devant tant de charnel et de surprenant. Elle devait être perdue quelque part, invisible, enlaçant un individu au hasard. Il la rejetait certainement, puisqu'elle ne pouvait qu'offrir sa froideur. Elle s'écartait, chantait et dansait, et ses solo lents et tristes prenaient leur sens. Elle était peut-être jolie, mais elle n'était pas comme les autres.


Les fils, tous ces liens, étaient dénoués. Il n'y avait pas de sentiments, pas d'amitié, que du vide partout et nulle part. Il semblait par ailleurs qu'elle n'avait pas été invitée à sa propre fête, qu'elle n'assistait pas à sa propre joie. C'était une nouvelle étrangère. Les regards fuyaient, les mains faisaient des gestes lâches ou légers, et les lèvres esquissaient de polis sourires. Elle mordillait les siennes, tordant le jaune vif éclatant à leur surface.

Soudain, sa respiration s’accéléra, et une douleur aiguë commença à éclore au niveau de son torse, insupportable, cabrant son souffle et saccadant ses pas. Sa main crispée broyait ses côtes, tandis qu'elle essayait de se frayer un chemin à travers cette marée d'épaules et de chevilles, avec ardeur et précipitation. La photographie familiale était toujours posée là, sur le buffet, simplement. Elle se rapprochait à tâtons, à l'écart, les flashs des projecteurs éblouissant les couleurs abîmées du cliché, emportant la netteté. Elle suffoqua. Comme elle l'avait prédit, car elle le sentait, sa vision n'était qu'effroi. Son œil passait, repassait la scène en revue, scannant en détail chaque personnage, elle ne faisait que renier l'évidence. Elle avait définitivement disparu de la photographie. Disparu.

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