Prologue

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Année 415

— Ezra Wixend, pour crimes contre l’humanité, pour génocide de masse et pour chaque chef d’accusation dont vous êtes inculpé, le Conseil Impérial vous reconnait coupable et vous condamne à l’enfermement à perpétuité au sein de la Tour d'Alk'tir.

Une petite voix grinçante annonçait la sentence et celle-ci semblait être totalement irrévocable. Il n’était aucunement question de pitié, de pardon ou de compassion. Le condamné devait répondre de ses actes. Les assumer et en subir les conséquences alors que le marteau du porte-parole du Conseil Impérial venait s’abattre avec force sur son socle, confirmant la condamnation entendue de tous. Nombreux étaient ceux à assister à ce procès. Celui-ci devait résonner dans le monde comme un renouveau, comme une paix retrouvée, comme un symbole de victoire malgré les atrocités passées. L’écho d’une libération tant attendue traverserait le continent jusqu’aux oreilles de ses habitants, à travers tout l’empire. Les marins en parleront aux ports d’autres royaumes, aux exilés de l’archipel, nul ne devait ignorer ce qui se passait en ce jour : Ezra Wixend, le Fléau d’Orphe, allait périr pour ses crimes.

Ezra Wixend, dît, le Destructeur, un être à l’allure effrayante. Le dire terrifiant ne serait qu’une sous-estimation de ce qu’il était réellement, de ce qu’il représentait. Celui-ci, se tenait là, de marbre, il ne semblait nullement atteint par les propos que tenaient ses juges. Ses yeux plissés, marqués par le temps, les dévisageaient tous, un à un d’un regard pesant, oppressant. Il les toisait comme un démon convoitant une proie. Il était aisé de voir le mépris et la haine dans ce regard. « Qui sont-ils pour me juger ? Pour me condamner ? », transcrire ses pensées était sans doute tout aussi simple. Toute sa vie, il n’avait été que colère et désinvolture. Tous le disaient engeance d’un démon, si de telles créatures existaient, il en serait un. C’était là ce que pensait la foule tandis que personne n’osait le regarder, l’approcher. Ils plaignaient les malheureux qui devaient se tenir à ses côtés et le mener à sa sentence sans même oser l’observer du coin de l'œil alors même qu’il était enchaîné telle une bête, poignets et chevilles liés. Les chaînes bien plus serrées que de raison, sans doute par crainte qu’il ne s’en défasse. Une crainte grandement justifiée. Ne mesurant pas moins de deux mètres, le détenu possédait une musculature parsemée des vestiges de nombreuses batailles, en totale adéquation avec sa carrure. Son visage n’avait aucune sympathie à afficher. Encore et toujours ce mépris, ce dédain total pour les fourmis qu’il voyait sous ses yeux, à peine digne de son intérêt.

— Amenez-le. Il est temps pour l’Empire d’Orphe de clore ce sombre chapitre de son Histoire, de mettre fin à cette guerre destructrice engendrée par ce tyran.

Une fois de plus, cette voix agaçante, se faisait entendre dans la salle. Appartenant à cet homme ; si petit, à l'allure si chétive que ça en était presque ridicule. Véritablement humiliant. S’il était à sa portée, si Ezra pouvait le saisir, une seule main suffirait certainement pour serrer sa gorge et le faire taire définitivement. Pourtant, la demi-portion se tenait là, si fier, si hautain, si haut dans sa tribune, assis au centre de ses confrères formant le conseil — au nombre de quatre —, donnant ses ordres tandis que la tension déjà bien présente s’accentuait plus encore. Chacun savait, nul ne tenait à être présent en ce jour. Afficher un empire fort, un empire vainqueur, c’est l’argument dont le Conseil avait usé pour les contraindre tandis que seule une poignée y assistaient de leurs propres volontés bien qu’aucun ne soufflait mot, n’osant pas même respirer en entendant l’ordre.

— N’ai-je pas été assez clair, messieurs ? Amenez le condamné !

Les prunelles terrifiées de l’assemblée ne cessaient de bondir de l’accusé au conseiller qui s’était levé pour appuyer sa consigne et poser un regard implacable sur les hommes de la garde impériale. Dans un élan de courage, l’un d’eux inspirait profondément avant de s’approcher en tremblant d’Ezra. D’un geste méfiant, il venait saisir l’extrémité de la chaîne liant les poignets du condamné. L’attention de la foule était perchée à cette chaîne et nombreux furent ceux à voir le pire se produire à l’instant où le Fléau se leva de sa chaise. Cette chaise qui fut bien petite pour un tel mastodonte. Le voir se lever vint effrayer plus encore le courageux garde qui s’était dévoué pour le tenir. Lui qui paraissait bien frêle face au colosse. Levant la tête pour regarder le visage du condamné, le vaillant fit quelques pas en arrière, cherchant à mettre une distance entre lui et le prisonnier alors qu’une demi-dizaine d’autres hommes encadraient le tyran. Un sourire victorieux fut la seule réaction de celui-ci, comme s’il était persuadé d’avoir remporté quelque chose qui échappait de toute évidence aux spectateurs apeurés de la scène qui s’inquiétaient bien plus quant à la solidité des chaînes.

Que pensait-il avoir gagné ? Quelle victoire pouvait-il apercevoir dans cette sentence ? La libération d’une guerre qu’il ne voulait plus ? La contemplation d’une peur palpable à son égard ? Qui pouvait le savoir, à part lui-même ? Qu’importe de toute façon. Le dos tourné au Conseil Impérial, il avançait, d’une démarche assurée, confiante faisant détourner le regard aux malheureux qui croisaient le sien. Même là, dans pareille situation, il conservait la tête haute, sa barbe brune balançant en rythme avec sa longue chevelure tressée. On pouvait le dire inhumain, sans une once de bonté, pourtant, il était indéniable que le Fléau était empli d’un charisme et d’une aura que peu de dirigeants possédaient.

— Gardes, attendez !

Cet ordre résonnait dans la salle alors qu’une jeune femme avait quitté la tribune du Conseil Impérial. Son allure fine, son teint pâle et ses boucles pareilles à un champ de blé, ne laissaient aucun doute quant à ses nobles origines elfiques. Ce peuple à la réputation de prétentieux. Un trait que l’on pouvait retrouver dans la démarche de la demoiselle. Elle était toute aussi confiante que son confrère et n’hésita nullement à se tenir face à Ezra, faisant bien trois têtes de moins que lui. La conseillère, plantait avec insistance ses iris d’un vert étincelant dans celles du colosse, comme pour prouver qu’elle, elle n’était nullement effrayée en sa présence, même si proche de lui.

— On vous doit la naissance de cet empire. Pour vous stopper dans votre folie, nous avons été contraints de nous unir, ainsi, vous comprendrez que vous avez vous-même causé votre perte. Cette idée vous réconfortera peut-être, sur la route qui vous mènera à votre dernière demeure.

La voix si délicate de l’elfe se faisait bien entendre d’Ezra et de toute personne suffisamment proche. Nul autre ne pourrait entendre les mots qu’elle venait de prononcer. Des propos suivis d’un silence pesant brisé par ce rire. Un rire bruyant, tonitruant et si spontané. Le Fléau se riait ouvertement de la courageuse demoiselle, il s’esclaffait à gorge déployée. C’est en riant et entouré de cette aura, escorté par les gardes, qu’Ezra Wixend passa la porte du tribunal. Dans une brume matinale, il prenait la route pour la Tour d’Alk’tir, mythique, légendaire, dont rares sont les personnes à pouvoir affirmer son existence, et d'où nul n’était revenu. Aussi nommée la Geôle des Oubliés, les rumeurs racontent que les criminels y étant condamnés sont simplement exécutés. Voir la tête de cet homme rouler à leurs pieds, c’était là un rêve que faisait un grand nombre de citoyens du continent. Bien qu’ils ne puissent le voir, tous ne pouvaient imaginer d’autres fins que celle-ci pour celui qui fut pour l’Empire d’Orphe, la plus grande calamité de son Histoire.

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