Songe d'une soirée de mars

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Les mots glissent dans les cieux, s'imprégnent à la pluie pour s'épandre dans l'asphalte du pont de l'entre-monde. Debout, sous la bruine et le poids des mots, je reste là. J'aurais aimé voir le monde. J'en ai rêvé depuis mon premier soir de fatigue, jusqu'à mon dernier souffle expulsé près de la rambarde chromée.

Sous la voûte nuageuse, devant moi, la cité lumineuse s'étend à la manière des aurores d'un livre pour enfant. Quelque part, en moi ou ailleurs, il y a cette idée que ce n'est que partie remise, que la vie continue, mais je n'y crois plus. Face aux abysses, entre l'étau de la réalité et du rêve, j'hésite à passer une jambe puis une autre par-dessus la barrière. Ce serait rapide alors, un simple pas puis une chute sans fin. Vers l'infini. Vers l'éternité.

Dans mon dos, les voitures défilent. Enfin voitures... à vrai dire j'ignore ce que ces choses sont réellement. Je ne les ai pas imaginées. Tout est spontané. Une humeur, un sentiment lancé dans les airs, au milieu du chaos. Une goutte dans un océan de mélancolie. La seule chose qui me fait face, reste la cité. Une ville où les lumières ocres et roses à la manière de l'aube par un jour de pluie, fluctuent, se déplacent et tournoient. En haut des gratte-ciels de verre, des zeppelins hurlant en gros caractères des annonces pour un lancement à venir vers la planète Mars. Sans doute pour aller retrouver Bowie.

La vie c'est un peu surfait, mais j'aimerais la croquer un peu plus. Un chouïa au moins. Je marche et m'éloigne du parapet, continuant ma route vers... ailleurs, quelque part, un endroit où les mots prennent vie, transcendent la morne réalité, percent l'aveuglante lueur d'un écran bien trop lumineux pour mes yeux fatigués.

A la réflexion je n'aurais jamais dû naître humain. Pas à cette époque. Trop d'imagination et de contraintes pour un monde en perdition. Trop de trop. De la paperasse, des devoirs, des comptes à rendre, de l'organisation pour le moindre jet d'esprit. Trop de choses parasitant la pensée.

Trop. C'est tout.

J'en ai assez, d'où cet interlude. J'écris comme je pense et c'est un peu le boxon. J'ai vu une pochette d'album figurant deux amoureux se tenant la main sur un pont entre deux villes sur les flots, alors j'ai commencé à écrire. C'est tout. Pas besoin de surinterpréter ou d'aimer.

Je suis seul.

Seul avec moi-même, dans le silence de l'horizon.

Je suis seul et j'en ai assez de tout. Surtout du monde, de la société. Ces contraintes m'étouffent, écrasent ma raison d'être. Laquelle ? Je n'en ai aucune idée, j'ai arrêté de la chercher au printemps d'une année passée. 

Je marche toujours vers... ce qui me semble être le bout du monde. Sur ma gauche, un véhicule bombé s'arrête pour s'ouvrir comme une huître. Une huître tout d'acier et de rouge, avec à l'intérieur, rien d'autre qu'un siège et un moniteur. Une invitation vers la liberté ou à rentrer chez moi dans la conformité de la lettre B.

Mais vous savez quoi ? La conformité a fait son temps. 

Alors je marche. Encore, toujours, en direction de l'horizon rougeoyant. Ainsi va la vie, du moins la mienne.

Un pas après l'autre et advienne que pourra.

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