ILLUSIONS BRISEES 2
Seize heures, je prends le bus : il est déjà bondé.
Je me fraye un chemin vers le fond pour ne pas avoir à subir les regards et m'assois côté fenêtre.
Dehors, ça marche, court, virevolte en tous sens, telles des mouches. Décembre est là. Ouf ! Dans quinze jours, les vacances scolaires. Je vais pouvoir souffler un peu, je suis épuisée à travailler sans cesse. D'un côté un trente-cinq heures, nounou le reste du temps. À peine ai-je fini un travail que je me précipite dans l'autre, je n'ai pas un moment de répit.
Suis-je la seule à me battre, à lutter chaque jour sans la certitude d'un lendemain meilleur ? La seule à avoir le visage triste, la mine blafarde, le regard perdu dans mes pensées ? Je suis en mode ralenti. Le monde autour de moi semble indifférent, figé dans des couleurs délavées et avec un goût fade. Tout est uniforme, terne. Les bruits résonnent sourdement, les odeurs se dissipent avant même de m’atteindre. Plus rien n’a d’intensité. Plus rien ne me touche vraiment Je me sens seule, vraiment seule. Le vide. Plus rien, ni personne ne peut me rendre ma gaieté d’antan.
Avant… Lorsque j’avais mon fils, et que nos journées étaient empreintes de simplicité et de partage.
Comme ces Noëls où nous décorions le sapin ensemble, de nos dessins que nous collions aux murs du salon — sapins, bonhommes de neige, paysages enneigés et ces moments magiques, où il ouvrait ses cadeaux, les yeux pétillants de bonheur, un sourire éclatant illuminant son visage.
Il était trop mignon !!
Et ces matins de Pâques.
Les courses dans le jardin, à chercher les œufs. Mon Dieu, il en avait autant dans sa bouche que dans son panier ! Je le revois encore, ses petites mains peintes de chocolat, son regard paniqué lorsqu’il comprenait qu’il ne savait plus comment s’en débarrasser. Je les prenais doucement dans les miennes, les embrassais. Que de doux instants passés !
Qu’il était doux à déguster !!
J’en ris. Du moins, j’en riais…
Où l’un de ses anniversaires à jamais marqué dans ma mémoire.
Avec une moto de police électrique. Il était si fier campé dessus, si sérieux à conduire son bolide. Il ne lui manquait plus que le gyrophare (pour faire comme les grands). Il était impossible de le faire sourire. Quand je regarde ces photos, il n’y a pas un seul sourire pour sa maman.
Qu’il était à croqué !!
Et maintenant…
Que me reste-t-il ? Un mur de silence. Plus rien, à part ce vide qui s’étire en moi.Et mes tourments perpétuels—tristesse, angoisses et peurs. Mon quotidien. Mes nuits sont entrecoupées de sueurs froides, mon corps frissonne sous l’absence et mon cœur bat à tout rompre. Je suis à bout de souffle. En bout de course. Elle m'épuise, me vide, se loge dans chaque parcelles de mon être
Je n’ai personne vers qui me tourner. Juste cette unique compagne. Sans bruit, elle est venue dans ma couche, s'est invitée à ma table. Insidieusement, elle s'est installée dans ma vie, laissant derrière elle un vide abyssal.
Je comprends mieux à présent sa puissance.
Solitude.
Autour de moi, rien. Pas une voix, pas une présence juste ce néant intolérable, étouffant tout sur son passage. À l'extérieur, des couples marchent main dans la main, ils respirent le bonheur. Je les envie.
***
Je ferme les yeux un instant et prie.
Oh, mon Dieu…
Je me tourne vers toi, du fond de mon isolement.
Entends mon appel et montre-moi que je ne suis pas réellement seule.
Écoute ma détresse, entends le vide qui m’habite.
Donne-moi, je t’en prie, des signes d’amour, donne à mon cœur la paix et la joie.
Mets sur mon chemin un homme…
Un être qui sache m’aimer, m’envelopper de douceur, me couvrir de ses désirs ardents.
Laisse-moi goûter la passion, sentir la chaleur d’une peau contre la mienne, me blottir contre un corps, pleurer au creux de bras forts.
J’ai froid sans un souffle qui me frôle.
J’ai peur sans une voix qui me rassure.
J’ai mal sans une étreinte pour me consoler.
Offre-moi ce refuge où l’ombre de la solitude ne viendra plus s’étendre sur mon âme.
Accorde-moi la faiblesse, Permets-moi l’abandon.
***
À cinquante ans, sur la vitre, j'aperçois mon visage. Je suis vraiment laide, la peau de mon visage a perdu de sa jeunesse. Des rides soulignent mes yeux et mes lèvres.
Avant…
Ils étaient beaux. Naturels. Bouclés, sans excès de produits, simplement vivants. Je les attachais en un chignon haut.
Aujourd’hui…
Mes cheveux, eux, ont l’air d’avoir été coupés aux quatre vents. Je tente de dompter ma crinière comme je peux, mais rien ne tient vraiment en place. Une mèche blanche ne me dérangeait pas autrefois, mais aujourd'hui, elle semble faire partie du tableau de mon déclin.
Et maintenant…
Que reste-t-il de cette allure d’autrefois ? Dans peu de temps, je ressemblerai à un parchemin. Les années ont filé. Souvenirs, sacrifices, bonheur… tout semble s’être écoulé en un battement de cils.
Comment retrouver l’estime de soi, apprendre à accepter cette nouvelle femme qui m’habite ? Une femme qui, même devant un miroir, ne sait plus quoi penser de son propre reflet.
Alors, sourire. Quelle idée ! Faudrait-il avoir une belle dentition ! Les miennes poussent comme un arbre couché sous une tempête, pas une n’est alignée avec l’autre.Et puis, avec l’une des innombrables remarques de ma mère— « Toi et ton air renfro-gné ! » — comment pourrais-je me risquer à un sourire.
Quel homme voudrait d'une femme comme moi, une femme qui ne fait que survivre ?
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ILLUSIONS PERDUES | Chapitre | 10 messages | 5 jours |
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