26 janvier - 10 heures

4 minutes de lecture

Les grands boulevards parisiens étaient noyés. La Seine était en crue et Paris devenait une île. On ne se déplaçait plus qu'en barques, seuls quelques quartiers se retrouvaient montagnes.

Le vent glacé forçait les passants à rentrer la tête dans leurs épaules.

On circulait peu et on circulait mal.

Heureusement pour Gabrielle, monsieur Laroche vivait au nord de Paris, loin du fleuve et de ses colères.

Un taxi s'arrêta devant le 95, boulevard Pereire, un immeuble moderne et luxueux parmi tant d'autres.

Le chauffeur ouvrit la porte et une fine cheville gainée de bas apparut. Une femme, joliment enveloppée dans une étole de cachemire, sortit de la voiture.

" Merci, sourit-elle. Et ne m'attendez pas."

Le taxi repartit et Gabrielle du Plessis fit appel à tout son courage.

Au 95, boulevard Pereire, vivait le célèbre industriel, André Laroche, éleveur de chevaux à ses heures. Il n'était pas en Normandie à acheter des yearlings et ce n'était pas la saison du polo.

Gabrielle leva fermement le front, prête à en découdre.

Un mouvement derrière une fenêtre lui indiqua que le message était passé.

" Monsieur est absent, madame, fit sèchement un serviteur en livrée.

- Non, il ne l'est pas, opposa la cocotte.

- Mais, madame ! Puisque je vous dis qu'il n'est pas là. Monsieur Laroche est en Normandie.

- Bon. Je vous préviens, monsieur, que si vous ne m'écoutez pas, je me dévêts et me promène toute nue devant votre porte en hurlant des insanités.

- Mais...mais...

- Et parmi ces insanités, le nom de ANDRE LAROCHE reviendra souvent ! Qu'en dites-vous ?

- Madame ! Vous n'oseriez pas !

- Bien. Puisque c'est ainsi, je m'exécute !"

Gabrielle avait à peine défait quelques épingles de chapeau qu'une voix moqueuse l'arrêta.

" Si tu tiens vraiment à te mettre nue, je préfèrerais que ce soit dans mes appartements et que cela n'attire pas la police.

- Ah ! André ! Tu es donc de retour ? C'était bien le polo ?"

André Laroche rit en s'approchant de Gabrielle, il l'embrassa sur la joue.

" Bath. J'ai misé sur Ambrumésy et j'ai remporté le pari.

- J'en suis bien contente pour toi.

- N'est-ce pas ?"

André Laroche, un bras entourant la taille de la femme, entraîna Gabrielle jusque dans son salon.

" Tu es bien courageuse...ou bien stupide...pour te risquer en pleine crue. Je te manquais tant ?

- Incroyablement, figure-toi. Je me demandais où en étaient tes fameux voyages en Normandie. L'air marin t'a fait du bien ?

- Mais oui, ma Gabrielle. Je suis en pleine forme. Et toi ? La chasse a-t-elle été bonne ? J'ai lu tes haïkus, très chère. Ton talent est remarquable ! Tu écris même en anglais maintenant.

- Un talent insoupçonné, je ne le savais pas moi-même.

- Je ne comprends pas que tu n'écrives pas plus en russe. Tu en es pourtant très friande.

- Mon Russe est à Saint Petersbourg et crois bien que je le regrette.

- Plus de haïkus en anglais non plus ? Je sais que Jim est parti en catastrophe ce matin. Que te reste-t-il ?"

André Laroche souriait, narquois, en attendant la réponse.

" Toi. Les autres ont fui Paris et la crue n'arrange pas mes affaires.

- Gabrielle, Gabrielle, Gabrielle. Je t'adore, mon chou, mais je n'ai pas le temps de composer de la poésie.

- Je sais ! Tu as des yearlings à acheter en dehors de la saison.

- C'est exactement ça."

La cocotte vint caresser la robe de chambre de velours de son ami de toujours.

" Pas d'amis pour toi non plus. Tu es bien seul en ce moment, André.

- J'ai du travail, ma chérie."

André Laroche saisit les doigts de Gabrielle et les embrassa.

" J'ai une terrible nouvelle à t'annoncer, mon cher André.

- Diable ! Cela doit être important en effet pour que tu viennes me relancer ici. Veux-tu un autre bouquet de glaïeuls ?

- Il va me falloir plusieurs bouquets de glaïeuls et plusieurs haïkus. J'y tiens !"

Gabrielle pencha la tête et Laroche lui embrassa le cou, mordillant doucement la carotide.

" Mhmm. On dirait que tu tiens là une nouvelle sensationnelle. Dis-moi !

- Ta sauterie de samedi ne peut pas avoir lieu. J'ai interdit aux filles de venir te voir.

- QUOI ?

- Nous sommes jeudi. Tu as jusqu'à samedi pour me fournir quatre haïkus. Et autant de bouquets de glaïeuls. Et de violettes. J'y tiens."

André Laroche sourit, bon joueur, et serra la taille de Gabrielle contre lui.

" Il va me falloir plus, ma toute belle. Une soirée avec mes amis est en jeu, je veux bien l'admettre, mais des haïkus, cela se mérite."

Lentement, l'industriel défit la robe de la cocotte.

" Mhmmm. Dis-moi ton prix, mon tout beau.

- Tu restes ici jusqu'à samedi."

La robe glissa sur une épaule, dévoilant un sein que Laroche caressa.

" Vraiment ? Cela va te coûter cher, tu sais ?

- Je suis prêt à payer le prix. Haïkus, fleurs, argent... Tout ce que tu veux. A une condition."

Laroche se pencha et suça le téton qui pointait sous ses soins.

" Dis-moi, gémit Gabrielle.

- Tu voulais te mettre nue dans la rue. Tu resteras ces trois jours nue et à ma disposition. Dans mes appartements.

- Hoooo... André..."

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