2 février - 16 heures

2 minutes de lecture

La journée au One-Two-Two était longue et ennuyeuse à souhait. Gabrielle se brossait les cheveux avec soin tandis qu'une domestique nettoyait sa baignoire.

" Madame va avoir froid. Ne voulez-vous pas que je vous porte une tasse de thé ?

- Janine ! Je te remercie, gamine. Mais un café avec une goutte de rhum serait plus apprécié.

- Madame, se mit à rire la jeune fille. Est-ce bien raisonnable ?

- J'ai besoin d'un remontant pour oublier la pluie et les inepties de cet imbécile de monsieur de Jussac. Peut-on être plus stupide ?"

La servante essayait de cacher son rire, mais elle n'y arrivait pas. Gabrielle la contempla, amusée et attristée à la fois, la gamine avait quinze ans et il n'était pas difficile de connaître son avenir. Surtout dans un bordel.

" Figure-toi que monsieur de Jussac a un oeil de verre. Et comme il est vaniteux, il l'a gardé au lit. Il lui a fallu une demi heure pour le retrouver. Et tu sais où il était ?

- Non, madame.

- Dans un endroit que la morale réprouve.

- Hoooo madame ! C'est-y possible ?

- Oui."

Janine riait, riait, tout en passant le plumeau sur les quelques meubles ornant la chambre de Gabrielle.

Gabrielle rit avec elle.

Ce fut alors qu'on frappa à la porte et la cocotte leva les yeux au ciel.

" Déjà ? Mais je n'ai pas fini de me faire belle. Quels animaux ! Ils ne pensent qu'à ça, je vous jure !

- Je ne pense pas qu'à ça ! Ma chère Gabrielle !

- HOOOO ETIENNE !"

Etienne de Vaudreix, vêtu comme pour une expédition polaire, était là, tout sourire. Il reçut dans ses bras une femme, pleine de roses et de dentelles.

" Je t'emmène en promenade, ma toute belle. Il te faut un meilleur équipement.

- Il pleut, mon cher. Où veux-tu m'emmener ? Au club ?

- Non, c'est la Chandeleur aujourd'hui. Je t'emmène manger une crêpe.

- Vraiment ? Tu es adorable, Etienne."

Oui, il l'était et Gabrielle en venait presque à oublier son statut de cocotte en marchant dans les rues de Paris, noyées de pluie, au bras d'un bel homme.

Etienne lui parlait de la chasse au renard blanc en Laponie. Il allait devoir partir et quitter Paris et ses femmes.

Surtout une.

Gabrielle l'écoutait discourir, ses yeux perdus dans le vert des siens, ses mains encerclant son menton et les nuits glacées d'au-delà du Cercle Polaire la faisaient frissonner.

" Veux-tu venir avec moi, ma Gabrielle ?, proposa Etienne de Vaudreix, mi figue, mi raisin.

- Dans un pays de sauvage où la nuit est éternelle et les ours viennent manger de l'homme ? Très peu pour moi, mon Etienne."

La crêpe était bonne, le cidre brut faisait briller les regards et le temps avait le goût des occasions perdues.

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