Quand Madame se mêle de littérature...

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La pluie a remplacé la neige. La Seine s'était calmée mais les maisons autrefois inondées gardaient encore les stigmates de la crue.

La boue dans les rues parlaient de forêts et de rives mutilées par le fleuve enragé.

Gabrielle et ses amies profitaient de ce jour de repos pour se reposer à la chaleur du feu. Les gouttes frappant les vitres parlaient de froid et d'humidité.

Les filles lisaient et riaient.

Gabrielle étudiait.

La lettre du prince Sernine était déposée sur la table devant elle, attendant une réponse qui ne venait pas. Il fallait dire que les mots utilisés par le diplomate russe étaient un peu compliqués pour une cocotte.

Gabrielle étudiait et s'agaçait.

" Mais que veut dire "érubescence" ? Je sais que ça doit être gentil, mais j'ai un doute.

- MONTRE ! MONTRE !"

Les filles se précipitèrent sur Gabrielle en lâchant aussitôt tout ce qu'elles entreprenaient. Ce moment de calme se transforma en explication de textes.

" Mais c'est quoi de l'ambre ?, demanda Mathilde.

- Réminiminiscence ? Ca existe ? C'est pas français, ça !, s'exclama Suzy.

- Si, si. Il est Russe et sait le français !, rectifia sèchement Gabrielle. Et ça veut dire un souvenir, tas de gourdes.

- Et l'ambre ?, répéta Mathilde.

- Et l'amarante ? Ca se mange ? Comme une amande ! Une amande marrante sur tes joues ? Je comprends rien à ta lettre !, affirma Suzy.

- Suzy ! Dans ton intérêt, TAIS-TOI !, hurla Gabrielle.

- Oui, mais bon. Tu comprends pas mieux que nous."

Gabrielle leva le front et hautaine répondit :

" Si ! Au moins, je sais que l'amarante c'est une plante.

- HOOOOO !

- Mais je ne sais pas ce que veut dire "érubescence".

- Tu connais aussi Toulmouche ?, interrogea Louison, admirative.

- C'est un peintre. Mais c'est pas possible ! Vous n'avez aucune culture !

- Et les Moires ? C'est quoi ? Sa mère ? Ses tantes ? Elles le retiennent avec des chaînes ?

- HOOOO ! Il est prisonnier ! Il faut le dire aux flics !"

Gabrielle ferma les yeux et se frotta le front, sentant la migraine la saisir. Elle était l'une des plus âgées et manifestement l'une des plus érudites du lot. Ce qui explquait peut-être son succès auprès de ces messieurs.

" Des Moires, ce sont des fileuses. Elles doivent le retenir... au service du Tsar. Voilà tout.

- On doit filer pour le Tsar ?

- CA SUFFIT !"

Mais le cri colérique de Gabrielle attira madame Germaine. Elle entra au salon et s'étonna de voir ses filles aussi agitées.

" Mais que se passe-t-il ici ?

- C'est Gabrielle ! Elle a reçu une lettre et elle y comprend rien.

- Ho ho ! Je comprends, mais pas tout.

- Montrez-moi ça !" ordonna Madame.

Gabrielle essaya de ne pas lever les yeux au ciel, de ne pas cracher son venin et de ne pas sauter à la gorge de Suzy.

Madame Germaine mit plusieurs longues minutes à lire la lettre et elle lança :

" Facile ! C'est une escroquerie, ma chère Gabrielle ! Faites très attention à vous ! On appelle ça "la prisonnière espagnole". On vous demande de l'aide pour délivrer une jeune femme faite prisonnière en Espagne. Plusieurs lettres sont échangées pour récupérer de l'argent afin de payer la rançon. Là, on vous apprend qu'un prince russe est prisonnier de quelqu'un appelé Moires en Russie. Vous verrez, vous verrez ! On va vous demander de l'argent ! Il faut refuser !

- Ha ! Merci, madame. Sans vous, je ne l'aurais pas su.

- Je sais, ma Gabrielle. Vous êtes tellement naïves, vous autres."

Madame se rengorgea et se montra enfin utile.

" Quant à vos joues, il est vrai qu'elles portent bien l'érubescence. Vous êtes jolie quand vous rougissez."

Gabrielle eut un vrai sourire cette fois.

Il ne disparut que lorsque Madame se lança dans le bilan poétique de la semaine.

" Corine ne reviendra pas tout de suite et j'ai engagé une poètesse pour écrire les sonnets. Gabrielle Basset d'Auriac, elle vous aidera. Suzy et Margot, vous y passez trop de temps et les clients s'en plaignent. Pour les autres, on peut mieux faire, j'attends des efforts et des progrès !"

Gabrielle baissa la tête et examina ses ongles. La lettre du prince Sernine attendait toujours une réponse.

" Pour vous, Gabrielle, vos haïkus sont de qualité inégale, mais ils enchantent nos clients. M. Laroche ne tarit pas d'éloges sur vous et la Sûreté a fait livrer un plein panier de roses rouges. On vous aime beaucoup chez les poulets. Surtout que vous nous aviez caché vos talents de polyglotte ! Vous connaissez l'anglais et l'espagnol ! Voyez-vous ça !

- Of course, madam. J'ai de très bons professeurs de langue."

Plus tard, Gabrielle envoya un message au domicile de monsieur Lenormand, folle d'inquiétude et de tristesse.

" J'espère que vous allez bien. Je m'inquiète pour vous.

Gabrielle."

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