22 février - 9 heures

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Les filles de madame Germaine rivalisaient de modestie et de piété. Chacune gardait le visage baissé et les mains jointes. Sauf Suzy qui affichait un air de madone en pleine pâmoison.

" Suzy ! Crétine !, souffla Madame. Redresse-toi, c'est indécent !

- Ben quoi, madame ? Elle n'est pas comme ça, Marie-Madeleine ?"

La cocotte désigna une statue dans le plus pur style sulpicien. On voyait une Sainte, cheveux dénoués, avec les yeux révulsés, pleurant des larmes amères.

Des filles pouffèrent de rire et retournèrent à leur oraison.

" In nomine patris..."

Gabrielle étouffait des baillements qu'elle cachait de son mieux dans ses prières.

" SUZY !, claqua madame Germaine. Baisse la tête et redresse-toi !"

La jeune femme obéit.

Gabrielle leva sa mante pour observer autour d'elle.

Il y avait l'habituelle foule des grands jours chrétiens. Des fidèles les foudroyaient du regard, scandalisés par leur simple présence, quelques hommes les contemplaient, intéressés.

Pour bannir l'ennui, Gabrielle secoua ses épaules et la mante glissa plus bas. On voyait la courbure de sa taille. Juste un petit mouvement de la jambe et la cheville aparaissait. La robe remontait peu à peu.

Les hommes la dévoraient des yeux maintenant.

Mais avant d'aller plus loin dans ce jeu impie, madame la saisit par le bras.

" Gabrielle ! On voit votre mollet enfin ! Faites attention !

- Ah ? Je n'avais pas vu."

La robe retomba, la mante recouvrit les boucles qui n'étaient pas rousses et la cocotte soupira, profondément lasse.

Le prêtre poursuivait son homélie. "Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris."

Les rameaux de buis avaient été brûlés, on chantait encore et il fallut se pencher chacun à son tour devant l'officiant. Une croix de cendre fut tracée sur chaque front.

Les cocottes se regardèrent.

Suzy, évidemment, clama :

" Ca s'en va avec du savon cette cochonceté, j'espère ?!"

Ce qui lui valut un regard noir de la part du prêtre, des ricanements dans la foule et une gifle derrière le crâne.

Madame se frotta les phalanges et forte de toute son autorité, répondit :

" Elle partira oui, mais pas ta bêtise, Suzy. Quelle gourde tu fais !

- Mais, madame ! Si monsieur de Jussac me voit avec une croix, il ne voudra jamais que je le su...

- TAIS-TOI ! On s'en va !"

Madame Germaine, toutes ses filles l'entourant d'un parterre de fleurs jolies, quitta l'église Notre-Dame de la Croix, de la paroisse de Ménilmontant.

" Quelle nouille tu fais, Suzy, vint l'apaiser Louison. S'il ne veut pas que tu le suces, laisse-le te prendre par-derrière !"

Ce qui provoqua une deuxième gifle et un concert de cris indignés.

Gabrielle du Plessis nota qu'il ne faudrait jamais qu'elle vienne seule dans cette église ou elle se ferait étriper.

" C'est le mercredi des Cendres aujourd'hui ! On mange maigre ce soir. Poisson pour tout le monde !"

Madame avançait dans les rues de son pas de général.

" Du flottant ?, demanda Mathilde, dégoutée. C'est les clients qui seront contents.

- Jour de Carême oblige ! Mais je crois que la Sûreté a fait livrer des beignets..."

Gabrielle sourit, toute à son souvenir de M. Lenormand.

Elle irait le lendemain saluer le chef de la Sûreté et lui apporter quelques douceurs dans ce cas...et peut-être plus si affinités...

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