24 février - 19 heures

Une minute de lecture

Le salon du One-Two-Two était plongé dans la pénombre. Fin d'un jour pluvieux et froid de février.

Quelques filles avaient déjà un client. Ici ou dans leur chambre.

On discutait gentiment et on faisait semblant d'aimer.

Caresses tarifées et sourires professionnels.

" Hoooo. Ils ont accepté votre amendement ? Comme c'est passionnant, monsieur le député."

" Vous avez vraiment obtenu la tête de cet homme ? Mon Dieu ! Quel homme puissant vous êtes, monsieur le juge !"

" Mais si vous avez du talent ! Regardez votre dernier livre ! Il a été vendu à combien d'exemplaires ?"

Paroles d'encouragement et de soutien. Payées par le client et attendues.

Madame Germaine contemplait tout son petit monde avec un air satisfait. A ses côtés se tenait la plus ancienne de ses pensionnaires, Gabrielle du Plessis.

" Suzy est une gourde, mais on arrivera à en faire quelque chose. Ce Saint-Germain en est fou.

- Suzy doit surtout apprendre à tenir sa langue, souffla Gabrielle. Elle parle trop et trop mal.

- Son style plaît à certains. Que voulez-vous, Gabrielle ? Nous sommes d'une ancienne génération."

Coups d'oeil acérés.

Madame Germaine avait cinquante ans, Gabrielle quarante. A quand la passation de pouvoir ?

Puis, la cocotte oublia ses peurs pour passer à d'autres lorsqu'elle entendit sa patronne annoncer :

" Janine est bien jolie. J'ai déjà eu des demandes la concernant.

- Mais Janine n'a que quatorze ans, madame."

Janine passait et époussetait. Indifférente aux regards intéressés de quelques hommes. Une gamine qui devenait à peine femme.

" Justement ! Il y a des hommes à qui ça plaît."

Gabrielle frissonna, elle comptait mentalement ses économies et était désespérée. Sauver Janine n'était pas dans ses capacités.

" Je lui parlerai bientôt, annonça Madame, contente de sa soirée. Nous avons encore du travail pour demain, Gabrielle. Venez, mon petit.

- Oui, madame."

Mais Gabrielle n'avait qu'une envie.

Poignarder dans le dos cette mère maquerelle sans pitié.

Il y avait du travail pour le lendemain. Oui, c'était vrai.

Madame avait une nouvelle lubie en tête !

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