15 mars - 10 heures

3 minutes de lecture

" Tu es sûre de toi, Gaby ?"

Cela faisait déjà cinq fois en cinq minutes que Suzy lui posait cette question. Gabrielle fit appel à tout son calme pour répondre gentiment :

" Oui, je suis sûre de moi.

- La route pour le sanatorium passe par-là ? Je me souviens pas !

- Normal. C'est pas toi qui conduis.

- Haaaa !"

La révélation ne dura que trois minutes et quarante secondes. Suzy reprit :

" Tu es vraiment vraiment sûre de toi ? Il me semble qu'on a traversé plusieurs villages quand l'omnibus nous a emmenées la dernière fois.

- Oui. Je suis sûre ! Monsieur Laroche m'a fait un plan !

- Haaaa ! D'accord. Si c'est monsieur Laroche qui l'a dit, c'est que ça doit être vrai.

- Bien entendu."

Le coup de volant fut si brusque que Louison se réveilla.

" HAAAA ! On se renverse !

- Non ! Il y avait une ornière !, expliqua sèchement Gabrielle.

- Ha bon ? Je l'ai pas vue !," fit Suzy, surprise.

Manifestement, il devait y avoir une autre ornière car un nouveau coup de volant fit faire une embardée à la voiture.

Gabrielle se reprit difficilement. Les moqueries et les recommandations d'André lui revenaient en mémoire. L'industriel avait accepté de prêter sa voiture en riant. Mais, malgré tout, il lui avait conseillé de s'arrêter pour la nuit au premier relais. On ne savait jamais. Ainsi, il serait venu aider à la manoeuvre. Gabrielle en avait été fâchée. Ne savait-elle pas conduire ?

M. Laroche avait tendu un petit bout de papier sur lequel se trouvait noté son numéro de téléphone privé. Au cas où !

Le résultat était que quatre pensionnaires du One-Two-Two se trouvaient dans une voiture, perdue dans la campagne d'Île-de-France à la recherche du sanatorium Parmentier.

" Et si Corine ne va pas mieux ?," demanda tout à coup Mathilde.

La malheureuse femme n'avait pas décroché un mot depuis le départ. Elle se tenait pâle et tremblante, les mains crispées sur la poignée de la portière.

" Elle va mieux, selon le directeur, répondit Louison. Elle ne compte plus maintenant. Elle peut même entendre une pendule sans baver.

- C'est merveilleux, fit Gabrielle. On voit de grands progrès !

- Et Madame a été très gentille ! Elle lui a promis une promenade la semaine prochaine ! Si en plus, on a la voiture, on pourra l'emmener à Paris !

- C'est une bonne idée, ça ! Bravo les filles !," lança Mathilde en regardant suspicieusement la roue avant droite.

Il lui semblait entendre un bruit venant de là.

" En plus, Madame a dit que Monsieur de Jussac sera là pour l'accueillir !"

Suzy affichait un sourire heureux. Gabrielle la regarda et rétorqua :

" Alexandre ?! Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

- Ben pourquoi ? Il est gentil ! Il lui a même pardonné son coup de sang !

- Ha ben ça ! Si Alexandre de Jussac pardonne d'avoir été quasiment égorgé à coups de dents, c'est que le monde va bien.

- N'est-ce pas ?"

Gabrielle chercha du regard Mathilde, mais cette dernière était hypnotisée par la roue et n'entendait plus rien.

" C'est normal qu'elle tourne comme ça ?

- Oui. Les roues, ça tourne !," fit Gabrielle, énervée.

Les filles se turent, conscientes de l'agacement qui saisissait leur collègue.

Au bout de cinq minutes, Suzy leva la main.

" J'ai envie de faire pipi !

- QUOI ? Mais on roule depuis seulement une heure ! Il en reste tout autant à faire !

- Oui. Mais j'ai quand même envie.

- Moi aussi !, ajouta fermement Louison.

- Bien, bien ! Je vous préviens ! Vous allez faire pipi dans les buissons et il pleut !"

Gabrielle, de main de maître, gara la voiture dans un petit chemin creux.

Les filles sortirent en courant et ce furent des gloussements à n'en plus finir.

" On y arrivera, hein Gaby ?, demanda doucement Mathilde, furieusement inquiète.

- Mais oui ! J'ai déjà conduit cette voiture ! Je sais !

- Oui, je ne dis pas ça pour ça. C'est juste la roue là..."

Gabrielle soupira, les tempes migraineuses.

Louison et Suzy revinrent, toutes crottées de boue.

" Il pleut ! C'est terrible !

- Et bien vous voilà propres ! Madame sera contente !, claqua Mathilde.

- Il manque juste l'eau de rose !, ajouta perfidement Gabrielle.

- On va sentir la campagne ! C'est bien aussi ! Suzy a failli marcher dans la bouse.

- Failli, failli. Je ne sais pas vraiment. J'ai couru."

Les filles rirent de concert.

Gabrielle fit taire la volaille et actionna le levier.

La voiture recula.

Puis pâtina.

La cocotte insista et insista encore. On ne rit plus.

La voiture ne reculait plus.

Elle était bel et bien embourbée.

Suzy murmura :

" Tu as le numéro de M. Laroche ?

- Oui. Mais tu vois un téléphone ?

- Misère ! On va toutes mourir !"

Louison se jeta dans les bras de Suzy et les deux filles se mirent à pleurer.

Gabrielle, toute penaude, regarda Mathilde.

Cette dernière assura :

" Y a plus qu'à pousser !"

Ce fut alors qu'elles virent...

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