Quand une cocotte se méfie...

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Le salon du One-Two-Two, comme chaque dimanche, était calme et apaisant. Ces dames jouaient aux cartes, lisaient ou discutaient gentiment au-dessus d'une tasse de thé.

Gabrielle paressait sur le canapé et découvrait avec admiration les poésies de la Sapho de Natalie Clifford Barney, Renée Vivien.

C'était poignant et déchirant, cela parlait à son coeur et à son âme.

Le temps s'écoulait dans le silence d'une journée de pluie.

Jusqu'à ce que, évidemment, Suzy ouvre sa grande bouche.

" Tiens ? Mais où est Madame ?"

Mathilde leva la tête et rétorqua :

" Tiens, c'est vrai ça ! Elle est même pas venue nous faire chier. Elle est malade la vieille ?"

Des rires éclatèrent parmi quelques groupes.

Jérôme cessa de jouer aux échecs avec son ami, Antonin pour ajouter :

" Tant mieux ! J'en ai ma claque de ses sonnets ! Surtout que Louison et Suzy...

- De quoi ?, grogna l'interpellée.

- Sont plus fortes que moi à ce jeu," conclut l'inverti en revenant à ses pions.

Gabrielle cacha son rire derrière une toux bien venue.

" Sérieusement ! Où est Madame ?, reprit Suzy. D'habitude, elle est là !"

Personne ne put répondre.

Puis la porte du salon s'ouvrit et dévoila Louison. Celle-ci s'approcha en prenant des airs de conspiratrice.

" Dites ! Madame a de la visite !

- De la visite ? Un dimanche ?

- Oui. Dans son boudoir, figurez-vous !

- Mais quelle visite ?

- Une grosse huile du ministère !"

Louison s'assit près de Gabrielle, l'obligeant à se redresser. La jeune femme ramenait des victuailles qu'elle avait été voler à la cuisine. Gâteaux, café, thé, chocolat, bonbons, brioches... Des produits destinés à la clientèle et que les pensionnaires n'avaient pas le droit de manger en dehors des heures d'ouverture du lupanar.

Qu'à cela ne tienne ! Louison avait des prédispositions pour le vol à l'étalage et tout le monde le savait. Madame faisait mine de l'ignorer !

Si cela permettait à la bonne entente de durer au One-Two-Two...

" Quelle grosse huile ?, demanda Gabrielle.

- Du ministère des colonies ! J'en sais pas plus !

- Des colonies ?"

Gabrielle chercha des yeux Suzy, mais celle-ci haussa les épaules. Elle ne savait rien de cette affaire.

Puis Louison ayant servi toute la société en café et thé, continua son récit par un rire amusé.

" Figurez-vous que Madame a des compétences insoupçonnées ! Je suis passée devant sa porte et j'ai entendu le monsieur pousser des cris à réveiller les morts."

Quelques minutes de silence suffirent à maintenir l'attention du public. Louison conclut ainsi :

" Le monsieur hurlait : "Oui, vas-y ! Fort ! Hoooo Germaine !"

- Quoi ?

- On entendait des coups de cravache !"

Sobrement, Mathilde fit :

" Madame aime donc le poney !"

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