10 avril - 11 heures

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Le restaurant chez Maxim's était bondé en ce lundi de Pâques. Les clients déjeunaient et profitaient d'un bon moment. Le pianiste ne cessait pas de jouer et les courtisanes se faisaient belles et attirantes. On venait de loin pour profiter de l'ambiance de chez Maxim's. Le décor était entièrement de cet Art Nouveau en vogue durant la Belle Epoque, fait de lignes courbes, de fleurs et de vitraux colorés.

Gabrielle du Plessis contemplait les lieux avec un regard amusé et professionnel. Là, accoudée au comptoir du bar se tenait la Belle Otero, auprès de laquelle s'affairait Aristide Briand.

La cocotte lui fit un signe de tête, charmant et adorable.

Aussitôt, une main possessive se posa sur la sienne.

" Qui salues-tu ainsi ?, demanda Florian d'Andrézy.

- Ne sois pas jaloux, tesoro. C'est une amie. Caroline Otero. Je vois qu'elle a réussi à reconquérir son Aristide.

- Vous êtes dures, vous les femmes. Pauvres hommes que nous sommes, nous n'arrivons pas à votre cheville.

- Ne te moque pas, Florian ! La Belle Otero fait tourner bien des têtes. On dit qu'elle a poussé des hommes à la folie. Duels et suicides ! C'est la "sirène des suicides".

- J'avoue, je serais prêt à me battre pour toi, ma Gabrielle.

- Je ne veux pas de ça ! Tu es jeune, Florian. Tu te trouverais une autre femme !

- Non, je ne crois pas. Tu es exceptionnelle, ma Gabrielle.

- Tu es trop jeune et trop fou. Je t'adore !

- Moi aussi, Gabrielle. Moi aussi. A en perdre la tête !

- C'est bien ce que je dis. Fou, fou, fou."

Florian souriait, perdu dans les yeux de sa compagne.

Liane de Pougy passa tout près de la table des deux amants et Gabrielle la salua également. Elle avait un oeuf aussi pour sa belle amie.

Les doigts du jeune homme serrèrent plus fort ceux de la cocotte. Gabrielle oublia la foule pour ne voir plus que lui.

L'agneau de Pâques était bon, délicieusement confit dans le miel et recouvert d'épices, accompagné d'un gratin dauphinois.

Florian d'Andrézy resservit de Saint-Emilion le verre de Gabrielle.

" Tu n'es pas raisonnable, tesoro, sourit la cocotte. Tu vas me faire perdre la tête à mon tour.

- Chiche ?!

- Voyons ! Un peu de tenue, monsieur l'attaché d'ambassade !

- Aujourd'hui, je peux faire ce que je veux.

- Ha bon ?

- Oui, c'est "locsolkodás".

- Qu'est-ce que c'est ?

- C'est le "Śmigus-dyngus" magyar."

Gabrielle but une gorgée de son vin et secoua la tête, amusée.

" Bien. C'est donc le "Smigous Digous", merveilleuse nouvelle.

- C'est une fête de mon pays. Je vais te montrer."

Florian se pencha en avant et sortit de la poche intérieure de sa veste un petit flacon de parfum.

" Ferme les yeux, ma Gabrielle.

- Que veux-tu donc me faire ?"

Le jeune homme vaporisa la cocotte d'une bouffée de parfum.

" Si nous étions dans mon pays, je te viderais un seau plein d'eau sur la tête.

- QUOI ?

- En signe de fertilité et pour te placer sous la protection du Christ.

- C'est charmant. Et que font les dames dans ton pays ?

- Elles remercient les hommes en leur offrant des oeufs peints.

- C'est une belle coutume. Heureusement qu'elle est restée dans ton pays. Je ne suis pas sûre qu'en France, on n'aurait pas réagi avec une gifle. Mais pour les oeufs... Voilà."

Gabrielle sortit un petit oeuf de sa poche qu'elle avait décoré avec soin d'une ribambelle de rubans colorés.

" Merci ma Gabrielle, tu es charmante. Le parfum est pour toi. C'est celui de notre bien aimée Erzsébet, impératrice d'Autriche, mais surtout reine adorée de Hongrie.

- Hoooo. Merci mon tesoro."

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