6 mai - 18 heures

2 minutes de lecture

Le tableau de Picasso avançait bien aux dires de ce dernier. Gabrielle n'y comprenait goutte. Ce n'était que formes géométriques et traits colorés. Quelque part, on distinguait une tâche de couleur rousse qui effrayait terriblement le modèle.

Etait-ce ses cheveux ?

Ou son sexe ?

Car maintenant, elle posait nue, assise sur le canapé. Elle n'avait plus d'oiseau sur l'épaule, mais elle portait un ravissant bonnet turc bleu.

D'ailleurs, une tâche bleue devait figurer ce fameux bonnet. Elle se trouvait toute proche de la tâche rousse.

Donc, les tâches géométriques devaient être son visage et les couleurs s'amoncelaient pour représenter son corps.

Une femme assise avec un bonnet turc...

Gabrielle s'imaginait nue, assise, les jambes croisées. Elle avait peur du résultat.

Picasso lui avait parlé de ses Demoiselles d'Avignon peintes en 1907. Des femmes de bordel vivant à Montmartre et immortalisées sur la toile.

Gabrielle s'efforçait de sourire. Le peintre, trop génial et novateur, lui expliquait ce qu'était le cubisme, né dans l'effluance du haschich.

" Vous êtes un bon modèle, Gabrielle. Evitez juste d'être absente si longtemps, claqua le peintre dans son français mâtiné d'espagnol.

- Oui, monsieur Picasso."

Le peintre pencha la tête et attaqua une nouvelle forme géométrique.

Un sein ?

Du côté de la Divine Sarah, la sculpture avançait bien. On pouvait caresser des boucles de marbre, effleurer la pointe d'un sein, admirer l'ébauche d'un sourire...

Sarah Bernhardt sculptait, atténuait un angle trop dur et gardait un regard concentré sur les courbes de Gabrielle.

La nouvelle Ophélie naissait dans la froideur du marbre.

On désirait connaître le secret que ses lèvres à peine entrouvertes murmuraient.

Sarah Bernhardt sourit en posant sa massette et sa gouge le temps de relever une mèche échappée de son chignon.

" Vous êtes une merveilleuse actrice, ma chère. Je vous présenterai à ma chère Louise.

- Louise, madame Sarah ?

- Louise Abbéma, une grande artiste. Elle ferait de vous un portrait délicieux.

- Je vous remercie, madame Sarah.

- Et connaissant ses goûts, elle vous trouverait juste adaptée aux siens.

- Madame ?"

La Divine reprit ses instruments de sculpteur.

" Louise aime autant les femmes que moi. Si ce n'est plus. Relevez le menton, ma chère, vous dérayonnez."

Gabrielle obéit pour ne pas perdre de son aura de lumière qui devait transcender cette nouvelle Ophélie sortie du marbre.

La muse fatiguait de s'exposer dans la froideur des ateliers d'artiste et rêvait de soleil.

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