Gabrielle était rentrée depuis une semaine. Elle faisait profil bas et s'évertuait à être irréprochable.

Elle ne sortait que rarement du One-Two-Two. Elle dépensait peu et économisait de son mieux.

Elle obéissait à Madame au doigt et à l'oeil.

Elle oubliait ses velléités d'indépendance.

Le rêve d'Italie s'estompait et devenait illusion.

Cocotte elle était, cocotte elle resterait.

Ses amis resteraient ses amis, le temps que se fane sa beauté.

Gabrielle du Plessis craignait le courroux de Madame. Si elle perdait sa place au One-Two-Two, il ne lui resterait qu'à devenir pierreuse.

Arpenter les rues en attendant le dernier souffle.

Gabrielle du Plessis savait sa beauté en sursis. Les rides faisaient naître des étoiles au coin de ses yeux et des cheveux argentés se mêlaient à ses boucles rousses. Non rousses, pardon.

La cocotte cherchait à regagner les bonnes grâces de sa patronne.

La vie, décidément, n'était pas douce avec Gabrielle du Plessis.

La femme reçut une lettre venue d'Auvers-sur-Oise. On lui parlait de ses enfants et ce fut un coup terrible.

" Madame,

Les enfants vont bien. Ils mangent bien et dorment bien. Ils sont plein de santé. Mais nous ne pouvons plus les garder ici. Le père est malade et c'est bien du souci. Les enfants sont gentils, c'est un chagrin de s'en séparer, mais nous n'avons pas le choix. Il vous faudrait trouver une autre famille que la nôtre pour les garder. C'est plus possible ici, parce que le père est malade.

Nous vous laissons encore quelques semaines, mais il faudrait venir les chercher au plus tôt possible. C'est pas facile en ce moment.

Madame Boutrouille"

Gabrielle laissa tomber la lettre et s'assit sur son lit.

Comment pouvait-elle faire pour ses deux petits ? Les accueillir ici était impossible.

En parler à madame Germaine ?

L'image d'Elvire et de son sourire narquois l'en dissuada.

Gabrielle devait trouver une autre solution et vite.