18 mai - 22 heures

3 minutes de lecture

La nuit était profonde, les étoiles étincelaient dans le ciel parisien.

Gabrielle du Plessis contemplait la voûte céleste avec un frisson de peur.

Une voix murmura dans son oreille :

" La fin du monde est annoncée pour cette nuit, ma chère.

- Allons, professeur," se défendit la femme.

Mais la peur était là, portée par des articles de presse évoquant la présence de cyanogène dans l'atmosphère, un gaz dont les effets délétères empoisonneraient la population mondiale, provoquant une anesthésie générale sans réveil possible.

" Auriez-vous peur, madame ?

- Ma foi... J'avoue qu'ici, maintenant, je me sens bien vulnérable.

- Adorable enfant ! Vous ne risquez rien !"

Le professeur Massiban sourit à Gabrielle et lui indiqua la lunette astronomique.

" La Comète de Halley nous revient tous les 76 ans. Profitez-en, ma chère ! Elle est magnifique !"

- Elle est surtout effrayante.

- Mhmmm. C'est que vous ne connaissez pas les cieux...

- Vous les connaissez vous, professeur Massiban ?"

Le vieux professeur se mit à rire, doucement. Il secoua la tête.

" Non, non. Je n'ai pas cette prétention. Je voulais juste vous présenter une merveille."

Gabrielle regarda encore la comète par la lunette et admira sa longue queue étincelante.

" J'admets sa beauté.

- En janvier, il y a eu une autre comète. La Grande Comète. L'avez-vous vue ?

- Je dois avouer que je n'ai pas vraiment regardé...

- Ma chère amie... Vous m'avez moi, maintenant, et je vais me faire un plaisir de vous montrer ce qui est invisible aux autres.

- Merci, professeur. Vous êtes un ange !

- Vous revoilà moqueuse ! Mais je ne ne plaisante pas ! Vous voici admise dans l'Observatoire de Paris ! Fondé sous Louis XIV ! Regardez !"

Le vieil homme s'échauffait et la cocotte s'en amusait. Elle le trouvait adorable !

Elle décida de le taquiner un peu plus.

" Je vous avouerais que je m'attendais à autre chose en recevant votre invitation ce matin, se moqua Gabrielle. Je vous rappelle vos propres mots : " Soyez prête pour une soirée d'exception ! Signé Monsieur de Massiban." Votre soirée est en effet d'exception !

- Vous me jugez bien mal, ma chère."

La femme jeta un regard amusé à l'homme. Le professeur Massiban était un vieillard encore jeune. Jouait-il la comédie du désintéressement ?

La cocotte préféra ne pas relever et retourna à ses observations.

Le professeur Massiban se porta auprès de la femme et Gabrielle sentit son parfum.

" Cette comète provoque une véritable hystérie, chère amie. Je ne sais pas si vous l'avez ressentie, mais des gens sont devenus fous. A Chicago, on vend des masques à gaz, en Hongrie, on prépare des suicides collectifs, à Moscou, les habitants s'enivrent à en perdre la raison.

- Mon Dieu !

- Les hommes ont peur de la fin du monde, c'est vrai."

Gabrielle caressa la barbe bien coupée du professeur émérite et lui sourit :

" Et pas vous ?

- J'ai passé l'âge d'avoir peur. Ma vie est derrière moi.

- La vie n'est jamais derrière nous ! Vous n'avez pas fini de la vivre !"

Le professeur répondit au sourire par un clin d'oeil.

" Mon ami, le prince Sernine, a bien raison de vous apprécier autant, ma jolie dame. Vous êtes adorable et adorée.

- Pour la fin du monde alors ?

- Pour la fin du monde !"

Le professeur embrassa la cocotte...sur le front...puis se mit à rire devant son air dépité.

" Voulez-vous que je vous raconte comment la comète de Halley a annoncé la mort du roi Harold II d'Angleterre et la victoire de Guillaume le Conquérant à Hastings en 1066 ?"

Gabrielle retrouva son sourire.

" Faites, monsieur le professeur. Faites. Je suis tout ouïe.

- Alors, imaginez la peur des chevaliers anglais tandis qu'une étoile étincelante passait au-dessus du champ de bataille, en plein jour ! La reine Mathilde l'a même brodée sur sa tapisserie...

- Mhmmm. Racontez, mon cher monsieur de Massiban... Vous me faites rêver...

- Que puis-je demander de plus ? Vous m'en voyez comblé."

Les deux amis se sourirent, tandis que passait au-dessus de Paris la comète de Halley et son cortège de peur et d'effroi.

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