27 mai - 17 heures

2 minutes de lecture

A l'heure du thé et des petits gâteaux, Gabrielle du Plessis se promenait en ville. A son bras, Suzy se pavanait et lançait de larges oeillades aux passants éberlués.

" Comporte-toi !, murmura Gabrielle. Si madame te voyait...

- Mais, madame ne me voit pas ! Je peux me permettre, pardi !"

Gabrielle n'eut rien à opposer à cette parole pleine de bon sens.

" Très bien. Fais ta minaudière et nous verrons bien.

- Sûr ! Et j'ai des jetons à écouler. Qui sait ?"

Suzy continua son manège, exhibant ses chevilles, souriant largement et tortillant du croupion. Gabrielle s'éloigna de quelques pas et se cacha derrière son ombrelle.

" ATTENDS-MOI GABY !, hurla la jeune femme.

- Oui, oui. Pas de souci."

Suzy revint à la hauteur de son aînée et Gabrielle poursuivit sa descente aux Enfers.

" Suzy ! Retiens-toi, je t'en prie ! Il y a des gens malintentionnés qui pourraient réagir violemment.

- Des flics ? Tu es pote avec l'un d'eux. Pas de souci."

Gabrielle se tut à nouveau et baissa la tête, gênée.

L'arrivée chez le fleuriste fut vue comme une délivrance.

Le vendeur les contempla, effaré.

" Vous désirez, mesdames ?

- Trois gerbes de roses, monsieur, répondit précipitament Gabrielle, pressée de rentrer au bordel.

- C'est pour offrir ?

- Non, c'est pour Dieu !, affirma haut et fort Suzy.

- Ha ?

- Demain, c'est la Pentecôte et monsieur le curé a demandé à Madame de fournir les fleurs."

Gabrielle essaya de tirer le bras de sa camarade, mais Suzy, intarissable, termina ainsi :

" Rapport à notre réputation qui n'est pas en odeur de sainteté. Madame a promis de fournir le curé en fleurs. Comme ça, il sera jouasse et on pourra continuer à montrer notre...

- Merci, monsieur, la coupa Gabrielle. Trois gerbes, s'il vous plaît.

- Bien, bien. De suite !"

Le pauvre homme, rouge de congestion, disparut dans son atelier pour préparer les roses.

Gabrielle se tourna vers Suzy et leva les yeux au ciel, suprêmement agacée.

" Suzy ! Range ton nichon, ça fait désordre !

- Ha ? Je n'avais pas remarqué !"

La jeune cocotte se remisa et l'homme mit plusieurs longues minutes à préparer la commande.

Il revint, pâle mais apaisé.

Cela ne dura pas.

En voyant son comptoir, il blanchit à nouveau.

Gabrielle examina Suzy avec suspicion, mais celle-ci se tenait innocemment debout et souriante.

La cocotte n'apprit le fin mot de l'affaire que bien plus tard, lorsque Suzy avoua en éclatant de rire.

" Je lui ai laissé un jeton. J'espère qu'il aime se faire souffler dans le poireau."

Gabrielle accéléra tellement le pas dans la rue que la malheureuse Suzy eut du mal à la suivre.

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