31 mai - 10 heures

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Il y avait longtemps que Gabrielle n'était pas allée visiter la Sûreté. Ses soucis et ses jeux d'espionne lui prenaient tout son temps.

Là, elle avait envie, et besoin, de voir M. Lenormand. Un peu de tendresse lui ferait du bien.

Dans un couloir, elle déchanta.

Devant elle se pavanait Elvire, dans une très jolie robe de dentelle, la taille enserrée dans un corset qui en faisait ressortir la finesse.

Les vingt ans de la jeunette se révélaient une terrible concurrente aux quarante ans de la cocotte. Malgré les gentillesses de monsieur de Massiban, elle s'inquiétait terriblement.

Quelque part, elle avait peur de se retrouver sans amis. Car ses clients n'étaient pas seulement des clients, ils étaient ses amis et ses amants. Ils pouvaient aussi représenter un avenir.

Si Gabrielle arrivait à se décider et si l'un d'entre eux le lui demandait réellement.

Elvire n'avait pas remarqué Gabrielle, elle parlait à un des inspecteurs de rendez-vous et de M. Lenormand.

La mort dans l'âme, Gabrielle s'apprêta à disparaître. Elle ne s'était pas attendue à ce coup bas de sa rivale. Elvire et Arsène... C'était douloureux pour la cocotte.

Lorsque soudain apparut l'inspecteur Puchot.

Et l'affaire prit un autre tournant.

Puchot, si doux et si gentil, croisa les bras et se fit menaçant.

" On passe pas la bourgeoise !"

Elvire, sûre d'elle et de sa beauté, annonça fièrement :

" J'ai rendez-vous avec M. Lenormand, inspecteur.

- Ne mentez pas ou je vous colle un outrage."

Elvire s'écria :

" Je ne mens pas, monsieur l'inspecteur. Vous verrez que votre patron sera très content de me voir."

Puchot se tut et réfléchit. Elvire posa sa main sur son bras et son sourire s'élargit.

Là-bas, le coeur de Gabrielle se brisait.

" Donnez-moi votre nom et je vais vérifier, madame.

- Elvire de Seloncourt !"

Puchot disparut dans son bureau et ne mit que deux minutes à vérifier. Il revint, sombre et mauvais.

" Je n'ai pas ce nom. Vous n'avez pas rendez-vous. Je vous prie de partir, madame. M. Lenormand ne reçoit pas sans rendez-vous, et il ne reçoit pas de femmes de cette manière cavalière.

- Mais... Mais il y a des dames qui sont reçues et je le sais !

- Je vous somme de partir, madame ! Vous vous montrez insultante !"

Elvire hurla, en colère :

" On accepte une cocotte de bas-étage et on ose me refuser le passage ! Je me plaindrai !

- Mais c'est qu'elle me les brise, celle-là ! JAVERT !"

L'inspecteur, ainsi appelé, apparut. Il était terrifiant à voir, la taille imposante et les favoris touffus.

" Quoi ?

- J'ai une bourgeoise qui me chauffe ! Il faudrait la jeter dehors !

- MAIS JE VOUS INTERDIS !," clamait Elvire.

Javert fit claquer ses doigts et rétorqua, de sa voix de baryton :

" Je peux même organiser une fouille au corps s'il le faut !

- SI VOUS ME TOUCHEZ ! JE PORTE PLAINTE !"

Le bureau de M. Lenormand s'ouvrit et ce dernier apparut, courroucé.

" Mais que se passe-t-il ? Je suis en réunion avec le préfet et c'est impossible de travailler !"

Puchot s'avança et désigna Elvire, rouge de colère.

" C'est madame qui dérange, monsieur. Elle veut vous voir et refuse de se plier aux ordres."

M. Lenormand toisa la cocotte, si belle dans sa robe de dentelle, et dédaigneux, s'écria :

" Foutez-la dehors ou foutez-la en tôle, cela m'importe peu mais faites-la taire ! Elle m'indispose !"

Puchot s'avança vers Elvire, suivi par Javert, mais cette dernière préféra s'enfuir. La bouche fermée sur un tas d'insanités.

Seulement, en passant dans le couloir, elle frôla Gabrielle. Les deux femmes se mesurèrent du regard et Elvire s'en alla.

Ce qui fit que tout le monde remarqua Gabrielle, restée calme et discrète dans l'ombre.

Aussitôt, M. Lenormand vint la chercher, les mains tendues et le regard heureux.

" Toi ? Ma toute belle ? Mais que fais-tu ici ?

- Je... Je venais te voir, mais tu es en pleine réunion. Je ne vais pas te déranger.

- C'est une réunion avec le préfet. Tu peux venir, ma douce. Puchot ! Javert ! Apportez-nous du café et des douceurs.

- Tu es sûr, Arsène ?

- Sûr d'avoir envie de te voir ? Evidemment ! Tu m'as manqué ces jours derniers.

- Alors je vais m'asseoir dans ton bureau et me faire toute petite."

Puchot était déjà parti chercher du café.

Javert resta un instant, cherchant les yeux de Gabrielle et essayant de lui faire passer un message.

"Parle-lui de tes mômes !"

Mais Gabrielle fit mine de ne pas comprendre et se laissa mener dans son bureau par le fringant chef de la Sûreté.

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