12 juin - 14 heures

3 minutes de lecture

" André, je te hais !

- Oui, ma Gabrielle. Mais parle plus fort, je ne t'entends pas bien.

- AN-DRE-JE-TE-HAIS !

- Non, décidément, le vent m'empêche de t'entendre. Tu me diras tout ça après.

- JE TE HAIS, JE TE HAIS, JE TE HAISSSSS !"

Le rire de l'industriel André Laroche retentit dans le ciel maussade de Paris.

Monsieur Laroche pilotait avec brio un avion monoplan léger, le Blériot XI, et il offrait à sa compagne la joie des hauteurs. Il dansait dans les nuages et s'attirait les bravos de la foule.

Vingt mille personnes étaient venues assister au meeting aérien de Paris.

Gabrielle du Plessis pensait seulement être l'un de ses spectateurs éblouis par la virtuosité des pilotes. Elle n'aurait jamais imaginé participer activement au spectacle.

Mais voilà, les choses avaient vite échappé à la cocotte.

Tout d'abord le sourire d'André Laroche lui avait fait baisser sa garde, avec ses baisers et ses promesses. Puis, les lunettes et la tenue de pilote, que son amant lui avaient offert. Pour voir si cela pouvait lui aller. Gabrielle l'essaya dans une salle, totalement vide, à l'abri des regards.

Cela lui allait, évidemment, et mettait ses formes en valeur. Les yeux de M. Laroche brillaient de plaisir en la regardant et Gabrielle en était heureuse.

Là, Gabrielle se devait d'avouer que son André la manipulait à merveille. Jouant sur son orgueil démesuré.

Il l'avait complimentée, avant de lui annoncer qu'elle allait étrenner sa nouvelle tenue dans le nouveau Blériot.

Gabrielle, avec un sourire espiègle, voulut refuser...et le piège se referma sur elle.

Tout à coup, la porte s'ouvrit et tous les pilotes se retrouvèrent rassemblés dans le mess. Des journalistes les accompagnaient et des photographies étaient prises.

Aussitôt, on vint l'entourer et plusieurs journalistes l'interrogeaient déjà.

" Vous pilotez, mademoiselle ?

- Vous avez un avion ?

- Vous avez votre brevet de pilote ?"

Gabrielle resta, bouche bée, tandis que M. Laroche réapparaissait à ses côtés, vêtu lui aussi d'une tenue de pilote. Avec son sourire enjoleur.

A mériter des paires de gifle.

La main possessive qui vint enserrer la taille de la cocotte fit comprendre à tous ces mâles que la jolie mademoiselle avait déjà un propriétaire.

" Mademoiselle du Plessis passe son baptême de l'air aujourd'hui, messieurs, annonça haut et fort l'industriel.

- Un sourire, mademoiselle du Plessis !, demanda un journaliste. Pour la photo !"

Gabrielle sourit machinalement, tandis que Laroche expliquait que son Blériot XI était fin prêt.

" Et votre chute de l'année dernière ?, interrogea un autre journaliste.

- Des broutilles ! Tout est sous contrôle !"

On rit, on frappa dans l'épaule de ce cher André Laroche, on contempla la belle inconnue qui accompagnait le riche industriel et séducteur parisien.

On trouva cette femme très belle avec ses yeux flamboyant d'éclairs et ses boucles rousses (non-rousses) glissant hors du casque en cuir.

Personne ne comprit que ses éclairs étaient de colère.

On ne vit qu'une déesse du ciel, prête à en découdre avec les bourrasques et les courants d'air. Il faisait maussade aujourd'hui. Le vent soufflait fort et les manoeuvres aériennes étaient dangereuses.

Courageuse était la déesse.

Mais pour rien au monde, Gabrielle du Plessis n'aurait refusé de monter à bord de ce maudit avion monoplan, en toile, avec son moteur à l'avant et son empennage à l'arrière.

André Laroche l'installa, légèrement honteux de sa basse manoeuvre, à la place de l'équipier.

" Cet avion est solide, ma Gabrielle. Louis Blériot, son inventeur, a traversé le premier la Manche le 25 juillet 1909 avec lui.

- Il a survécu ?

- Mais oui, ma chère. Il a parcouru 38 km en 37 min à la vitesse moyenne de 61,6 km/h.

- Merveilleux !, fit la cocotte, venimeuse. Et tu as eu un accident l'année dernière ?

- Une simple panne. Rien de grave ! EN AVANT !"

Gabrielle du Plessis se retrouva prise dans la vitesse, entraînée jusque dans le ciel.

Et ce fut un terrible moment. Un merveilleux souvenir. Une horrible sensation. Parmi les nuages et le ciel pour tout horizon.

Gabrielle ne savait plus si elle voulait descendre ou si elle voulait monter plus haut.

Inversion des valeurs ! Suppression de la gravité ! Abolition de la peur !

La gifle que reçut André Laroche à leur retour sur le plancher des vaches fut mémorable.

Mais, elle fut suivie par un baiser désespéré de la part de la cocotte qui en annula l'effet.

" Tu as aimé ma Gabrielle ?

- Oui. Et j'ai détesté.

- Tu m'aimes ?

- Je dois encore réfléchir..."

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