13 juin - 11 heures

2 minutes de lecture

Gabrielle se faisait belle. Elle se contemplait dans le miroir en arrangeant ses boucles. La nuit avait été houleuse et M. André Laroche avait bel et bien su se faire pardonner.

La cocotte leva les yeux au ciel.

Ce cher André était impossible, mais la femme devait s'avouer que la vie au côté du bel industriel était palpitante.

D'ailleurs, ce dernier lui avait promis un déjeuner au Café Riche et la courtisane se voulait resplendissante.

Cette merveilleuse journée prit dramatiquement fin lorsque Suzy vint tambouriner à sa porte.

" GABRIELLE ! VIENS !"

La cocotte soupira et abandonna ses épingles. Son chignon bas ferait l'affaire.

" Quoi ?

- VIENS !," hurla Suzy en lui saisissant la main pour l'entraîner jusque dans le salon.

Là, l'attendaient tous les pensionnaires du One-Two-Two, hilares et moqueurs. Gabrielle ne s'inquièta vraiment qu'en apercevant le petit regard ironique de la charmante Elvire posé sur elle.

" Mais que se passe-t-il ?," demanda la cocotte inquiète.

On ne lui répondit pas, mais Madame Germaine vint lui planter deux baisers sonores sur les joues. Elle la contemplait avec un ravissement profond.

" Merci, ma petite ! Un tel dévouement à mon établissement ! Merci !"

L'inquiétude se muait en panique. Gabrielle du Plessis cherchait de l'aide, mais ne rencontrait que des sourires.

" Je vous remercie, madame, mais je ne crois pas avoir fait quelque chose méritant cet éloge, je..."

Puis la cocotte se tut. .

Elle venait d'apercevoir enfin l'objet de toute cette agitation.

Le Petit Parisien affichait en sa Une une photographie en pied d'elle-même, vêtue en pilote d'avion. Le titre en était prometteur : " Quand une cocotte s'envoie en l'air..."

Gabrielle saisit l'outrageux journal et lut l'inéfable récit que le journaliste avait fait de son envolée de la veille.

Un véritable vaudeville !

L'interview exclusive que le richissime et célèbre industriel parisien, monsieur André Laroche, avait offerte au Petit Parisien, parlait avec grandiloquence du courage de la merveilleuse Gabrielle du Plessis. On parlait de sa coiffure rousse et de ses yeux ambrés.

Puis, sur une dernière pirouette, l'auteur de ce pamphlet dévoilait le métier de la merveilleuse déesse du ciel : artiste lyrique au One-Two-Two.

C'en était trop !

Gabrielle laissa retomber le journal, dépitée. Madame Germaine la serra dans ses bras en assurant, haut et fort :

" Un tel courage ! Risquer votre vie pour le One-Two-Two ! Merci, ma Gabrielle !"

Il fallut toute sa volonté à la femme pour répondre :

" C'est tout naturel, madame. Je sais ce que je vous dois.

- Merveilleux ! On sable le champagne ce soir !"

Madame Germaine relâcha sa meilleure pensionnaire et la regarda nerveusement :

" Mais vous êtes des nôtres, ce soir ? Vous n'avez pas un de vos clients qui vous attend ?"

Amère, la cocotte murmura :

" Non, madame.

- Alors ce soir, c'est relâche et on fait la fête !"

Bien plus tard, un bristol accompagné de glaïeuls, arrivèrent au One-Two-Two, avec ces simples mots :

" Je peux tout t'expliquer.

A. L."

Le tout finit à la poubelle.

Elvire, si douce et si charmante, vint saisir Gabrielle par la main pour lui donner une nouvelle coupe de champagne.

" Ce Laroche est un salopard ! Vous me voyez désolée pour vous, Gabrielle."

Des gentillesses démenties par le regard trop ironique pour être honnête.

" De quoi ?, rétorqua durement la cocotte. D'avoir pris mon pied dans les airs ?"

Elvire et Gabrielle se mesurèrent du regard.

Et par Dieu, cela fit des étincelles !

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