14 juin - 13 heures

3 minutes de lecture

Les ors chatoyaient et les grues s'envolaient vers le ciel illuminé. Le bronze doré se mêlait aux panneaux de laque noire. Des secrétaires cotoyaient des commodes Louis XV, des vases et des paravents ravissaient le public, tout autant que les éventails en papier de soie, le tout dans un style chinoisant, très à la mode au XVIIIe siècle.

Gabrielle du Plessis déambulait, éblouie par ce qu'elle voyait.

Elle tenait le bras de monsieur de Massiban et l'écoutait lui parler de la Chine et des arts décoratifs.

" Cette exposition est une pure merveille, vous voyez, ma chère ?

- Oui, monsieur de Massiban.

- J'ai pourtant eu fort à faire pour vous sortir de vos appartements, la morigéna-t-il légèrement.

- J'avais la migraine !

- La migraine ? Vous ?"

Les deux amis se regardèrent un instant. Gabrielle sourit et laissa sa tête retomber contre l'épaule de son compagnon.

" J'étais un peu lasse. J'ai bien le droit, non ?

- Tout à faire, ma chère. Tout à fait ! Mais vous m'excuserez d'avoir insisté pour vous sortir de votre réclusion le temps d'admirer ces merveilles !

- Vous êtes tout excusé. C'est en effet une très belle exposition."

Monsieur de Massiban rapprocha sa compagne et lui indiqua une délicate pendule.

" Du Louis XVI. Le panneau explique qu'il s'agit d'une lyre. Le tout en bronze doré sur socle de marbre blanc, le cadran est garni d'émaux. Un magnifique chef-d'oeuvre."

Gabrielle sourit, amusée, tandis que le professeur de la Sorbonne se penchait pour étudier le personnage de bronze, un Chinois accroupi tenant un parasol garni de clochettes.

" Pour votre bureau ?," se moqua-t-elle.

Monsieur de Massiban soupira théâtralement en se relevant.

" Je n'ai pas les moyens de posséder une telle chose. Mais j'avoue que j'aimerais fort corriger les âneries de mes étudiants en écoutant s'égrener le temps sur cette chinoiserie."

Gabrielle se prit au jeu et examina les divers articles de la collection.

" Mmmm. Je me vois bien faire la sieste, enveloppée dans mes étoles, sur ce canapé !"

Les deux promeneurs se rapprochèrent du meuble proprement dit. Il s'agissait d'un canapé en bois doré, garné de tapisserie d'Aubusson, représentant des femmes et des enfants chinois, sur un paysage de pagodes et d'oiseaux.

Monsieur de Massiban caressa la tapisserie et ses yeux brillèrent d'espièglerie.

" Vous seriez magnifique, ma chère. Avec vos boucles et vos épaules..."

La cocotte se mit à rire et le vieil homme en fut content.

" Et mes seins ? Je ne vous savais pas intéressé, monsieur de Massiban.

- Je ne suis pas incapable d'apprécier la beauté, ma très chère. Je suis juste trop âgé pour croire en ma chance.

- Vos étudiants seraient impressionnés par les bêtises que vous êtes capable de débiter en si peu de temps, mon cher.

- Vous croyez ?"

Gabrielle rit encore et ses doigts caressèrent les inscrustations de nacre noire qui ornaient les panneaux de laque de Chine d'une table à coiffer.

" Mes boucles et moi-même aimerions beaucoup nous coiffer à cette table.

- Je n'en ai toujours pas les moyens, ma chère. Il vous faudra demander à d'autres de vos amis, plus riches et plus célèbres.

- Et plus goujats ? Je préfère rêver en votre compagnie.

- Ma chère, ma chère, ma chère. Que vous a-t-on fait pour vous fâcher ainsi ?

- On s'est moqué de moi."

Monsieur de Massiban demanda sa main pour l'embrasser doucement.

" On doit le regretter amèrement.

- Et on n'a pas fini de le faire ! Tiens ! Je devrais lui offrir ces vases. Cela lui irait très bien !"

Gabrielle désignait deux vases en forme d'amphore, faits de porcelaine tendre, avec des imitations de craquelé, les montures étaient de bronze doré et les anses représentaient des serpents.

Monsieur de Massiban se mit à rire. Il saisit le bras de sa compagne et l'entraîna vers d'autres vases.

" Ce petit vase émaillé, avec la déesse Guanyin, vous irait très bien, ma chère. Surtout en ces circonstances.

- Pourquoi ?

- La déesse Guanyin est le symbole de la misécorde et du pardon, de la compassion et de la clémence.

- Mhmmmm. Et l'espèce de fruit à côté d'elle ?

- Une pêche.

- Que symbolise-t-elle ?

- L'amour et le mariage.

- Monsieur de Massiban ! Que cherchez-vous à me dire là ?

- Rien, ma chère. Rien du tout. Avez-vous vu ce nécessaire à toilettes ?

- Un nécessaire à toilettes ?, se moqua la femme.

- Tout en cristal.

- Mon Dieu ! Il est magnifique !"

Plus tard, un bristol arriva au One-Two-Two, accompagné de DEUX bouquets de glaïeuls.

" Pardonne-moi.

A. L."

Les bouquets trouvèrent leur place dans le vase-amphore à anses de serpents qui, étrangement, avait été livré avec les cadeaux venus d'un certain riche industriel parisien.

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