2 août - 23 heures
Ici, on vivait la nuit. Les nuits étaient si belles, si lumineuses, si chaudes.
Août en Russie..
Les canaux de Saint Petersbourg succédaient aux canaux, les palais aux palais, les jardins aux jardins... Il y avait au palais de l'Ermitage des milliers de tableaux exceptionnels, de statues touchantes, d'oeuvres universelles...
Gabrielle n'avait pas résisté à l'envie de caresser le marbre des Canova ou des Houdon...
La collection d'armes du Tsar Nicolas Ier avait impressionné les enfants.
Mais ce n'était que le jour à Petersbourg, sérieux, fatiguant de marche et de découverte, mais la nuit était toute autre.
La nuit, la ville se mettait à vivre. Les rues, la perspective Nevski s'illuminaient et on devenait quelqu'un d'autre.
Se perdre dans ses rues et ses dédales, c'était connaître réellement une ville.
Qui n'a jamais erré dans une ville ne sait pas ce que signifie une ville !
Entrer dans un café et sentir les parfums, pousser la porte d'un restaurant et entendre la musique. Les violons ici, les chants là. Aller aux Vauxhall Gardens et entendre les concerts toute la nuit.
Dans la nuit des parcs, sous les arnbers centenaires et vivre vraiment le temps d'une symphonie.
Voilà, ce que Gabrielle du Plessis découvrait, au bras de son prince Sernine.
" Mais pourquoi reviens-tu à Paris, Aliochka ? Pourquoi ne restes-tu pas ici ?"
Alexei Sernine contemplait sa compagne, si belle dans toute la splendeur de la quarantaine. Gabrielle du Plessis !
Ses cheveux non roux, ses yeux ambrés, son sourire enjôleur...
Le prince ne répondait pas, il se souvenait.
Il y avait tant de femmes, ici et ailleurs. Il y en avait dans sa vie de diplomate et de prince russe. A Petersbourg, à Paris... Plus jeunes que Gabrielle, plus belles aussi.
Dans les salles de bal de Petersbourg où il entraînait sa Gabrielle pour valser, il sentait le regard de dizaines de femmes et d'hommes lui brûler le dos.
Oui, pourquoi ne pas rester ici ?
Parce que Gabrielle...
Il n'y avait pas que la jeunesse ou la beauté.
Il y avait l'essence de la femme et Gabrielle en était la quintessence.
Sa douceur, sa gentillesse, son esprit...
Ses manières, ses hésitations, ses maladresses...
Elle attirait plus sûrement les hommes que toutes les femmes de Petersbourg ou d'ailleurs réunies. Et elle ne le voyait pas.
Ou si ?
Le prince saisit la main de sa compagne et l'embrassa tendrement.
Gabrielle sourit mais le repoussa :
" Alexei ! Je t'ai posé une question !
- Paris est la ville lumière, moya zvezda ! On ne peut être bien qu'au sein de sa lumière !"
Et le prince se tut.
La musique se poursuivait sous les arbres, la nuit devenait si profonde et les coeurs étaient serrés dans l'étau des sensations...
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