L’Héliocratie
Tandis que la lune se couche, un profond silence règne sur le monde terrestre.
Personne ne peut rater l'instant qui annonce la fin du travail. Tous les occupants sont réunis autour de la pierre sacrée qui trône sur la place centrale, leurs regards fébriles contemplent l'horizon vers l’Est. Chacun prie puissamment pour que cela se passe comme la veille, pour que la pierre terne devienne flamboyante et que l’alchimie divine se propage.
Ka, serrant la main de l’Oméga et Alpha, observe les premières émanations de la chevelure du Dieu unique caresser la roche. Il les dirige depuis que le monde est monde et tout ce qu’elles font est pour lui.
L’exaltation de cette chaîne formée par toutes les âmes attentives se délie dans un béa soupir collectif. L'écho d'une mélodie apaisante retentissante de toute part le confirme, il est bien là ! La joie remplit les cœurs et nourrit la chair. Les formes entrent instantanément dans une danse effrénée.
Ka n’est pas en reste, elle se démène, se meut, se dandine, offrant toute sa grâce à ses partenaires lors de cette union céleste. C’est le moment qu’elle préfère, sans règle, sans retenue, se mêlant à tous, libre d'embrasser la vie comme elle l’entend.
Le trop plein d'émotions accumulées durant la nuit doit sortir, l’aube est propice à cet échange transcendantal. Le crépuscule l’est aussi, en certaines occasions, mais le risque de croiser un habitant errant est trop fort.
Bientôt, les brûlants rayons du Père la contraindraient à rejoindre la caverne.
Son travail est dur et pénible, elle doit se défouler. Elle suinte de bonheur, donne tout et irradie à son tour comme le soleil. Elle sait que dans quelques instants, seules les plus téméraires braveront la Lumière, ce qui n’est pas son cas. Elle tente un rapprochement vers Gamma, celle qu’elle préfère parmi toutes. Elle peine à la distinguer dans cet amas d’être qui semble si confus. Tout de même elles se rejoignent, attirées comme deux aimants et fusionnent dans une ultime étreinte.
Happée par l’antre de sa demeure, Ka s’en va seule, chargée par le souvenir de ce rassemblement.
L’héliocartie est impitoyable.
Les lettres sont contraintes la nuit d’œuvrer dans le sens du monde, à la merci d’illustres scribouilleurs et confinées le jour dans la médiocrité.
Leur seul désir est pourtant de rendre le monde meilleur. Elles veulent s’assembler avec grandeur dans l’unique but de former la plus belle des phrases.
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