The End

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Nous aurions dû nous y attendre, ça nous pendait au bout du nez. Après des années de guerre, nos bombes ont eu raison de notre planète.

Ma femme regarde par les vitres, de ce qui fut notre maison durant des années, le ciel azur orné de son soleil flamboyant. Il parait qu'avant il y avait des champs et des terres agricoles. Notre cité est des plus belles, par ses pierres précieuses, telles que la calcite orange, la citrine ou encore la cornaline. Fondée dans le sable et la terre sèche, nous avons fait le mieux que nous pouvions pour l'embellir. Malgré tout, les usines autour gâchent le paysage et les crevasses au loin sont des traces indélébiles des bombes meurtrières. Oui, avant il y avait la plantation et l'irrigation puisque la Terre était riche en eau. Aujourd'hui, nous atteignons les 48°C à 9H du matin, c'est étouffant et personne sur cette planète ne semble comprendre que la fin est proche.

"Nous devons les avertir, me dit-elle le regard toujours posé au lointain.

– Pourquoi ? Personne ne nous écoutera, encore moins les Lockhri.

– Cette guerre touche à sa fin Yuri. Nous allons tous mourir !

– Oui, et c'est pour cela que nous devons rassembler nos affaires et se cacher ! Les Lockhri ont assassiné bon nombre de nos habitants ! Nos femmes et nos enfants ! Peu importe ce qui peut leur arriver.

– Et nous qu'avons-nous fait de mieux ? Nous sommes tout autant des assassins."

Elle se détourne de ce dernier spectacle de vie que nous offre notre planète, pour me foudroyer de ses magnifiques yeux verts émeraude. Parée de sa longue tunique de satin lilas, recouvrant ce joli corps que j'ai toujours admiré. Bien que nous ayons vieilli, sa poitrine est restée ferme et son buste remarquablement mince. Sa silhouette demeure des plus splendides, et ses longs cheveux dorés ondulent telle une cascade. Amara est mon premier amour, sa bonté, sa force de caractère et son intelligence avaient atteint mon coeur, glacé par toutes ces guerres.

Depuis le 22e siècle, nos deux royaumes se sont déclarés la guerre, après avoir terrassé ce que nous appelions jadis, le tiers-monde. Je ne sais même plus qui a commencé. Cela fait maintenant 300 ans que nos aïeuls et livres d'histoires content la guerre des deux mondes. Aujourd'hui après des siècles de batailles, de barbaries, de viols et de pleurs, la Terre a perdu patience. La guerre des deux mondes s'achève car dans quelques heures il n'y aura plus de monde.

Je me résigne à contre-dire Amara et la suit dans la salle de conférence où tout le conseil s'est réuni et nous attend pour diffuser le message. Ce château était déjà présent à l'époque des premières avancées numériques, au 21e siècle. Après des centaines d'années, celui-ci est toujours intact. C'est dans ces corridors que nous avons marché, couru, ri, pleuré et même fait l'amour. Suite à cette réunion, je vais devoir dire adieu à des années de bonheur, malgré la guerre, au sein de ces murs, à ses côtés.

Les membres du conseil se retournent à notre arrivée. Tous sont marqués d'un visage grave et inquiet. Ces gens ne nous croyaient pas au départ, lorsque ma femme leur a annoncé qu'après-analyse des constances atmosphériques et de la température anormalement trop élevée, les signaux d'une apocalypse étaient envisageables. Personne ne veut croire à ce genre de choses, cela fait des millénaires que cette légende effleure les pensées, mais n'a jamais eu lieu. Toutefois, Amara a reconsidéré ses calculs une centaine de fois, et en a fait la démonstration auprès du conseil. Cette ultime fois a suffi pour susciter une prise de conscience. Malheureusement, la prise de conscience est comme une balle qui est déjà arrivée en plein coeur, le mal est fait et plus rien ne peut le réparer.

L'annonce auprès du peuple fut acclamée lors d'une prise de parole d'urgence diffusée à toute la population. Deux types de réactions furent à prévoir. Celle des alarmistes qui réagissent fort à la nouvelle, ils pillent les ressources du royaume pour se réfugier dans des bunkers ou tout simplement suggèrent le suicide collectif. Et puis celle des sceptiques, se révolutionnant contre un gouvernement soi-disant devenu impuissant et qu'il faut renverser. Depuis ce jour, nous n'avons presque plus quittés les murs du château. Le royaume est devenu anarchique, et nous savions que cela arriverait. Je ne voulais avertir personne pour éviter ces réactions démesurés, et par pur égoïsme. Mais mon Amara, si bonne, ne voulait pas voir tous ces gens prendre conscience seulement le jour-j, qu'ils allaient tous mourir. Alors que nous le savions.

Le conseil, après plusieurs recherches, a pu enregistrer la somme de tous les bunkers présents et accessibles. 15 500 sont présents. C'est si peu pour 5 milliards d'êtres humains. Quelques-uns d'entre eux nous ont été réservés. Alors que je me perds dans mes réflexions, Amara se prépare pour son discours, elle a toujours été plus aimée que moi. Même les Lochkri ont fait l'effort de l'écouter, bien que cette foutue race en ait profité pour faire de la propagande une nouvelle fois contre notre royaume, et affirmer le leur. Ils ont appuyé la réaction des sceptiques à leur avantage. Toutefois, Amara a insisté pour recevoir des ambassadeurs de chez eux, ces derniers jours. Ils demeurent encore chez nous à quelques heures de la fin. Des sceptiques qu'elle a essayé de convaincre, en vain. Nous devons les raccompagner aux portes de la ville à l'abri des regards, leur fournir des provisions et une carte des abris disponibles.

Je ne rends pas compte que ma chère et tendre a déjà terminé son discours et que chaque membre du conseil se serre dans les bras. Nous nous disons au revoir, une dernière fois, ou du moins pour quelque temps si certains survivent.

Nous marchons sous cette chaleur écrasante, protégés par nos soldats et accompagnés de nos ennemis. Amara converse avec l'un d'eux. Ils ne la croient pas, ils la prennent pour une dégénérée ou une fille simple d'esprit. Il n'y aurait que moi, je ne les aurais pas avertis de tout cela. J'aurais coupé toute communication extérieure et aurait fermé les frontières. De plus, la grande majorité des bunkers se trouve en nos terres. Tout à coup, la femme de l'un des ambassadeurs s'arrête brusquement et cherche autour d'elle en criant un nom. Elle se met à paniquer et commencent à bousculer nos soldats, ceux-ci réagissent en la repoussant mais, les ambassadeurs sortent leurs armes et celui qui se tient aux côtés d'Amara pointe la sienne sur la tempe de ma femme.

"Si vos soldats font le moindre geste, je la tue.

– Que voulez-vous ? Je demande.

– Elle a perdu son petit garçon dans votre ville. Retrouvez-le !

– A quoi ressemble-t-il ?

– Il n'a sûrement pas votre sale gueule ! Clame un autre ambassadeur.

– Je vous conseille de rester poli.

– Et moi je vous conseil de retrouver ce gosse, m'intime l'homme pointant l'arme sur ma femme."

En levant la tête, je constate qu'il est déjà midi. Il ne nous reste plus beaucoup de temps. J'ordonne à certains de rester et à d'autres de me suivre pour parcourir la ville à la recherche de ce satané gosse.

Par ma présence, les gens m'épient, crachent par terre et s'éloignent dès que j'approche de trop près. Ils me haïssent. J'essaie de demander à des marchands s'ils ont vu un gamin aux cheveux noirs et à la peau bronzée, la plupart me disent d'aller me faire foutre ou ne me répondent pas. C'est alors que je demande à une petite fille si elle a vu un garçon de son âge avec cette fameuse description discriminatoire. Celle-ci s'apprête à me répondre mais son père que je n'avais pas aperçu m'assène un coup-de-poing en plein visage. L'un de mes soldats riposte en le frappant mais ceci déclenche une bagarre générale, une révolte du peuple contre la royauté. Mes soldats et moi-même nous retrouvons encerclés. Nous nous défendons du mieux que nous pouvons, cependant ils sont bien plus nombreux.

Tout à coup, l'un des établis prend feu avec son propriétaire, puis celui du voisin explose sur le coup. La haine a laissé place à la panique générale, la foule se disperse dans tous les sens. Je guette partout autour de moi et décide de prendre un peu de hauteur. L'horreur me frappe au visage, nous avons perdu trop de temps à chercher ce gamin. Des roches galactiques s'écrasent de plein fouet partout dans la ville et le paysage a pris un ton rougeoyant et obscur.

Dans quelques minutes, plus au moins, tout le royaume aura brûlé et nous sommes loin de notre bunker. Mon Dieu, Amara !

Je destitue, en quelques mots, mes soldats de leurs fonctions et leur souhaite bonne chance. Nous nous séparons et j'accours vers elle. Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé. En revenant là où je l'avais laissé, mon souffle se coupe d'abord en découvrant que plus personne n'est présent. Puis lorsqu'une femme magnifique sort de sa cachette pour m'étreindre, je respire à nouveau.

"Où sont-ils ?

– Peu importe, Yuri, ils ont déguerpi à la première roche.

– Parfait. Partons, nous n'avons plus beaucoup de temps.

– La mère de ce petit est morte. Elle a été écrasée.

– Tant mieux, pas de regret, nous devons y aller au plus vite.

Je tire Amara, l'incitant à se dépêcher mais dans ma détresse, j'oublie ce terrible détail.

– Yuri ! Nous sommes trop loin du bunker, il est à l'extérieur de la ville. Nous n'aurons jamais le temps d'y parvenir. Yuri, nous devons retourner au château et nous réfugier dans les sous-terrains.

– Amara, c'est impossible. L'avis des experts était clair. On ne saura pas protéger.

– Il faut tout de même essayer, et il est hors de question que je passe mes derniers instants dans la détresse. Yuri, j'ai eu si peur de mourir sans toi."

Elle prononce ces paroles en larmes. D'un geste de la main, j'essuie son visage et l'embarque vers le château. Tout à coup, un enfant surgit de nulle part, et nous demande où se trouve sa mère totalement paniqué. C'est lui, ce gamin que j'ai cherché au détriment de la sécurité et de la vie de ma femme. J'essaie de lui passer devant, mais Amara s'arrête brusquement et m'ordonne à ce que l'on prenne cet enfant avec nous. Une explosion se fait entendre au même moment, à quelques mètres de nous. Nous n'avons plus le temps pour les querelles, j'acquiesce d'un mouvement de tête et l'emmène ainsi que le gosse.

Les sous-terrains sont à températures ambiantes comparés à l'extérieur qui est sur le point de brûler dans son entièreté. J'allume les bougies à dispositions. Ces sous-terrains furent beaucoup utilisés pour les guerres, les tortures et les évasions. Mais aussi pour nos délires lorsque nous étions gamins, Amara et moi. Je ne l'aimais pas à cette époque, et j'imagine qu'elle non plus, nous étions bien trop jeunes pour ce type de pensée. C'est en grandissant que j'ai compris que ma meilleure amie serait la femme de ma vie. Après être revenu d'une énième bataille, elle m'attendait et sa beauté m'a frappé au visage, après les horreurs que j'avais pu voir.

Pendant qu'elle rassure l'enfant apeuré, je rassemble pierres et matelas stockés parmi les différents objets se trouvant dans cet endroit. Je construis un barrage autour de nous, dans l'espoir que cela puisse nous protéger des rayons puissants du soleil. Puis je nous couvre d'une grande bâche, qui j'espère, sera assez solide.

Nous entendons au-dessus de nous, la terre se craqueler et les explosions s'abattant de plein fouet.

"Yuri ? Prends-moi la main.

Je la regarde tendrement, et lui serre sa petite main. De son côté, elle protège le petit garçon sous son bras.

– Je suis là mon amour.

– Je sais. Je t'aime Yuri.

– Je t'aime Amara."

Nous nous embrassons. Je sens la secousse, la chaleur envahir les lieux. Tout est en train de brûler mais, nous sommes ensemble. Tout à coup, je suis ébloui de plein fouet à travers les matelas et rochers nous encerclant. Je le savais que nous nous ne serions pas protégés. Nous resserrons notre étreinte et fermons les yeux.

***

La terre avait brûlé, mère-nature n'a malheureusement pas pu résister davantage à l'espèce humaine. Celle-ci fut punie. Les survivants tentent peu à peu de sortir de leurs abris.

Pendant que certains songent déjà à regagner la surface, d'autres, comme Yuri, se réveillent après l'apocalypse. Les pierres n'ont été d'aucune utilité, mais les matelas désintégrés ont absorbé les flammes et la bâche a limité les dégâts. Yuri découvre, en s'éveillant, des brûlures profondes, mais qui ne lui coûteront pas la vie. Amara, a ses côtés, figure dans le même état et la prend dans ses bras. Celle-ci ne réagit pas à son bonheur extrême d'être encore en vie. En contemplant son magnifique visage, il constate que celui-ci est endormi. Il tente de la réveiller, bercer par l'illusion que sa bien-aimée va l'embrasser avec fougue, mais il n'en est rien. La femme qui avait prédit la fin du monde s'est éteinte.

Avec effroi, Yuri se retourne en entendant une pierre roulée derrière lui et constate que l'enfant qu'Amara a emmené est en vie. Que des milliers de personnes qu'elle avait prévenu et l'ayant cru, sont en vie. Que lui-même est en vie. Mais elle, elle est morte.

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