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Claude Lucien,

( Claudio Luciano )

J’avais un de ces maux de tête ce matin au réveil ! Les tambours du Bronx ou de l’enfer cognaient comme des sourds dans ma caboche. Bien fait pour ma pomme, je n’avais aucun besoin de boire autant, je n’aurais surtout pas dû mélanger somnifère et champagne. Je le savais pourtant que ces deux ingrédients se mariaient bien, pour le plus grand malheur de leurs utilisateurs.

Du fond du canapé où j’étais avachi, j’admirais le désastre, l’appartement que je louais devenait un cloaque, un gourbi sans nom. Depuis combien de temps n’avais-je pas fait le ménage ?

Je n’osais m’approcher de l’évier, des monstres pouvaient sortir de l’eau croupie ou baignaient verres et assiettes. Je cherchais en vain un récipient propre pour avaler mon comprimé d’aspirine. J’y renonçais provisoirement devant l’étendue des dégâts.

Même si le réfrigérateur était presque vide, il restait, heureusement, du café « carte noire » et des filtres dans un placard. Je rinçais, sommairement, le vase de la cafetière, sans essayer de vraiment le laver. Il ne changea pas de couleur. J’avais trop besoin de caféine pour faire mon difficile !

Pendant que le breuvage que j’avais dosé en aveugle glougloutait, je me précipitais vers la douche, l’eau chaude coulant sur ma peau me fit du bien. il me faudra nettoyer ensuite l’appartement, laver le linge. Heureusement, je ne travaillais pas aujourd’hui, je pourrai leurs expédier ces corvées plus facilement, enfin, si j’en avais le courage.

Eurêka, je trouvais un mazagran à peu près propre dans un coin, de nos jours on dit un " mug ", je crois. Je les trouve laids ces mots anglo-saxons, je leurs préfére leurs collégues arabes ou italiens. il faudrait que je cherche sur une carte où se trouve exactement la ville de Mazagran. Les soldats français opposés a l'Emir Abd El Kader, buvaient pour se donner du courage, leur moka additionné de gnôle dans des tasses en forme de vase, plus tard les civils se sont appropriés le mot. par contre, je ne connais pas l'origine de "Mug ", et je m'en fiche.

Pour fêter cette trouvaille, je remplissais ma tasse à haut pied, d’un jus très sombre, vu la robe de la boisson ça ne sera pas du jus de chaussette, pile poil ce qu'il me fallait.

Pendant que j’avalais à grands traits la boisson amère, au risque de me bruler le gosier, je méditais sur mon sort.

Cela faisait un an qu’elle m’avait quittée, c’est ce que j’avais fêté hier soir, la bouteille de champagne Tsarine que je n’avais pas pu boire avec elle je l’ai sifflé seul, au goulot, en pleurant ! Et le fond de scotch, le cadeau de l’ex-beau-père également !

Quel d’anniversaire ! Ça fait un an, que je pense à elle, et ça fait toujours aussi mal. D’avoir changé de ville, n’a pas suffi. Elle est éternellement là, à chaque coin de rue, dans chaque bar ou restaurants. J’ai même vu son sourire dans un nuage hier encore.

Mais aujourd’hui, je le décrète il est temps de dire stop ! Une nouvelle vie commence !

C’était pourtant ce que je m’étais promis en arrivant ici : ne plus penser à celle qui avait brisé mon coeur en claquant la porte de ma vie un peu trop fort en sortant !

Il y avait bien des jolies filles au travail à qui je plaisais, un mot ou deux et hop, elles seraient dans mon lit, ou moi dans le leur. Mais je passe pour un timide, un névrosé ou un sauvage au bureau. Je fuis les soirées entre collègues, les vamps trop maquillées qui oublient de boutonner les derniers boutons de leur chemisier, celle qui vous lèche des yeux comme si j’étais le dessert ! Non ! Foutez-moi la paix ! Bordel !

Mais, aujourd’hui, ça va changer, la première qui me sourit, chiche, je lui dis oui !

D’abord, je me rase, je me coiffe, depuis combien de temps un peigne ne s’est pas planté dans cette tignasse trop longue. Mon aspect négligé ne laisse pourtant pas indifférent tous le monde, ma voisine d’open space, la fausse timide Françoise m’a dit que j’avais un truc à la Chateaubriand, Curieix compliment tout de même.

Gorgées, après gorgées, je bois mon litre de café, noir, sans sucre, moins brulant, mais toujours aussi amer !

D’un air sévère, je regarde l’état de mon appartement, pitoyable, si je dois attirer des filles ou des femmes dans ce taudis, il y a du boulot !

Mais d’abord faire les courses, remplir le frigo, ne pas oublier un seau une serpillère et des produits. Changer la cafetière aussi, maintenant que je l’ai terminé, je peux le dire, je n’ai jamais absorbé pareil breuvage. Ce n’était pas sa faute si j’avais mal dosé, mais même en frottant au vinaigre blanc, je n’étais pas certain de retrouver la couleur d’origine de la machine, ni sur le verre, ni sur l’inox, ni sur le plastique.

D’un air sévère, je regarde l’état de mon appartement, pitoyable, si je dois attirer des filles ou des femmes dans ce taudis, il y a du boulot !

J’attrape sur une chaise un sweat bordeaux pas trop froissé, que dis-je, le sweat bordeaux, enfin Parme, celui qui plaisait tant à Séréna. Zut, j’ai dit que je ne pensais plus à elle, je l’enfile tout de même, c’est le seul qui soit encore non taché.

Si je ne veux pas pleurer sur mon sort toute la matinée et finir la journée en mangeant une mauvaise pizza arrosée de sodas, il me faut me secouer.

Les clés de la voiture dans la main, enfin, je vais remplir frigo et placard dans ce vilain super marché où l’on trouve de tout. Même de choses dont on n’a pas besoin, surtout de choses dont on n’a ni envie ni besoin. La dernière fois, j’ai ramené de là-bas, un plein cabas de livres. J’ai encore la voix suraigüe de ma mère dans l’oreille, quand je lui ai annoncé ça par téléphone :

  • Au lieu de t’abrutir à lire, tu ferais mieux de te chercher une petite femme, gentille et douce, celle-là, pas comme l’autre. Et puis, je te l’ai dit mainte et mainte fois, un livre, ça se respecte, ça ne s’achète qu’en librairie.

Je ne comprends pas pourquoi elle ne se posait pas plus de questions que ça sur le pourquoi et le comment du manque de chaleur de nos échanges téléphoniques. Je les espaçais de plus en plus souvent désormais, coupant petit à petit, tous lien avec mon avant.

L'air etant devenu trop lourd désormais dans ce cloaque où j'avais tant pleuré, qu'il me fallait sortir de là. La rue m'acceuillit avec infiniment de plaisir, le soleil me fit plisser les yeux, tel Stendhal, encore lui, je regardais au bout de la route, le boulevard butait contre les premiers contreforts du Vercors.

A Grenoble : au bout de chaque Rue, une montagne, avait il écrit !

Rien ne pressait finalement, rien ne pressait. Respirant à plein poumon le bon air citadin du fond de vallée, je descidais de flâner quelques instant, avant de m'enfermer dans un centre commercial sans âmes. Déjà, j'imaginais l'entame de mon futur roman.

Angélo, le nez dans le vent, la tête dans le ciel traversait la rue. Il ne vit pas arriver le danger, une jolie fille qui le percuta de plein fouet...

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