43.2
Marcello
J'ai mal, c'est affreux comme j'ai mal, même avec les antidouleurs. Bien entendu, vous, vous en seriez doutés, les résultats des analyses ne sont pas bonnes. Je le remercie l'autre là haut, il m'as permis de connaitre un petit peu mon fils, mais comme me l'avait dit Gianni, je ne le verrais jamais devenir un homme. ( oui vous ne révez pas mon ami le bon docteur des beaux quartiers, je l'appele par son prénom maintenant !).
Les beaux quartiers... une des oeuvres maitresse de Louis Aragon... Non, non, Edmond Barbentane n'est pas Ganni Salvini, c'est juste l'évocation des beaux quartiers qui m'a fait penser à celà. Gianni c'est un homme de droite, culturellement de droite, un bloc de granit... au fond, je ne fais pas partie de la grande bourgeoisie romaine comme lui mais je suis un peu du même milieu, à part mes idées politiques qui ont dus se teinter de rose avec l'age, qu'ais-je encore de l'uomo del Popolo. Edmond lui, c'est un peu Julien sorel ou Eugéne de rastignac... voilà que je vais me mettre du Balzac dans le crane maintenant :
Et pour premier acte du défi qu'il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen
Ah toutes ces fariboles m'ont bien farci l'esprit, autant la littérature française, que la littérature Italienne :
Dans la vie, si l'on veut comprendre, comprendre vraiement ce que sont les choses de ce monde, il faut mourir une fois au moins. Et, alors, étant donné que c'est là la loi, mieux vaut mourir jeune, quand on a encore beaucoups de temps devant soi pour se relever et ressuciter... comprendre quand on est vieux est affreux, beaucoup plus affreux. Pourquoi cela ? Parce qu'on à plus le temps de reccomencer à zéro*
Tiens, ça fait longtemps que je l'ai lu ce bouquin, un chef-d'oeuvre qui donna un pretexte à Vittorio de Sica de gagner l'ours d'or de Berlin en 1971, je ne sais lequel est le meilleur du livre ou du film, tout ce que je sais c'est qu'il ne peut y avoir meilleure citation pour terminer sa vie.
Car c'est bien ce que je suis venu faire ici, au bord du tibre, longtemps je reste accoudé à la balustrade du pont. Oh ! ce n'est ni le plus vieux ni le plus beau de la ville mais il fera bien l'affaire. a équidistance des deux rives, là ou c'est le plus profond je regarde passer du haut de mon promontoire l'eau boueuse du fleuve- il a du pleuvoir hier dans les collines d'Ombrie- comme un vieillard contemple le cours de sa vie. J'ai tout mon temps, si je suis triste, quelle évidence, bien entendu que je le suis. J'ai aimé la vie, je l'aime encore, mais il faut se rendre à l'évidence, il xiste toujours un moment où il faut partir. Qu'on crie qu'on geigne qu'on rouspéte, ça ne change rien. Il faut y aller, il faut y aller.
J'aurais pu choisir d'aller me faire soigner encore un peu à l'hopital, ce brave Gianni tout de droite qu'il est à un coeur d'or m'aurait menti, m'aurait dit que j'en avais encore pour cent ans. Mais j'aurais lu dans son regard, dans ses hésitations qu'il me mentait, même les docteurs ont peurs de la mort. surtout les docteurs, c'est pour celà qu'ils jouent à cache-cache avec elle.
Et puis un jour, des tuyaux dans la bouche, des drains dans le bras, je serais parti... je ne voulais être ni un fardeau, ni un crévecoeur pour mes proches.
Ah oui, j'allais oublier, j'ai laissé une lettre pour expliquer à Alessandra mon geste. je l'ai laissée dans une pile de papier, au milieu de mes derniéres analyses. J'ai pris soin avant de partir de fermer la porte à clé, je sais qu'elle en forcera la sérrure quand les carabiniéris auront repéchés mon corps et seront allés toquer à sa porte. Cette lettre ça ne regarde qu'elle et moi.
On me regarde de l'autre coté de la rue, je lui fait un petit signe de la main et je fais semblant de quitter les lieux. il est parti.
Alors je saute.
* Le jardin des Finzi-contini de Giorgio Bassani

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