Juste une illusion
Je tourne en rond autour du canapé, tête vide, je cherche, je cherche, sans trouver visiblement. J’ai tout essayé pourtant comme drogues, comme sniffer les poils de chat, ça ne marche pas, fumer des croquettes, ça ne marche pas non plus et d’autres trucs encore que je préfère vous épargner parce que la drogue, c’est mal et que de toute façon, ça ne marche pas, mais du tout. C’est avéré, mon chat est juste un très, très mauvais dealer. En attendant, je ne trouve pas.
Quoi ?
Ben c’t’question, des idées pardi ! De quoi et pour quoi faire d’abord ? Ben… avoir une idée de mon avenir, savoir si je me grottifie au fond de mon canapé au fond de mon appartement ou si je me sociabilise ne serait-ce que le minimum syndical, comme dire bonjour aux voisins, ces cons. Déjà. Et alors que je me pose toutes ces questions sans parvenir à y répondre, le chat me gueule dessus. Encore. Bon pourquoi cette fois-ci ? Ce qu’on peut dire, c’est que lui sait ce qu’il veut ! Grand bien lui fasse, j’ai quand même d’autres chats à fouetter, comme d’avoir au moins une idée pas trop pourrie de mon futur, non ?
Et alors qu’il m’agace, que je le regarde de travers, alors que lui me regarde énamouré genre Chat potté++ pour obtenir sa dose de câlins quart d’heurienne, pour une fois que ce ne sont pas des croquettes que de toutes façon il va les bouder pour mieux aller faire bombance chez la voisine, bref, il m’agace, et alors que je le gratouille quand même entre les oreilles, étant faible de caractère, la cloche sonne qu’on dirait que des fleurs et des papillons volètent dans l’air, c’est rafraichissant, on dirait presque du désodorisant pour toilettes.
Je vais d’un pas alerte à la porte que j’ouvre dans le même mouvement d’humeur et je ne comprends pas ce qui m’arrive. J’ai en face de moi une furibarde qui m’engueule direct, moi, en calcif et en chaussettes, là, fiché comme un con sur le pas de ma porte, qu’elle n’a pas à se plier au dictat du patriarcat, et toute la vaisselle qui va avec, merdàlafin !
Euh… Hein ? Quoi ?
Je voulais juste avoir une petite idée de mon avenir moi, pas devenir un Rodin de deux ronds, un Picasso à la manque ou un Dali défraîchi, on se calme cocotte ! Et de lui citer en reprise de volée l’Adieu aux muses de Guillaume Colletet (Paris 1598-Paris 1659)
Je préfère à vos eaux un trait de malvoisie,
Je mets pour me chauffer tous vos lauriers au feu,
Et me torche le cul de votre poésie.
Et toc ! Nan mais oh !
Et on se regarde, nous méfiant l’un de l’autre, l’œil prêt à bondir. Elle tout à son combat féministe, que je ne lui conteste pas en plus, et moi en essayer bassement de me projeter dans un futur possible et pas trop pourrave, pas vraiment à demander qu’on me conte l’aventure de l’inventif. Le chat se met entre nous et nous regarde à tour de rôle, perplexe. Finis par se coucher sur le paillasson pour ronfler-ronronner, je ne sais jamais. C’est con que je lui dis, vous ne voulez pas plutôt vous amuser à des riens, muser comme on dit, plutôt que de m’empailler sur des trucs qui sont trop grands pour moi, genre que je serais un « artiste mâle-blanc-dominant » , la grande blague à laquelle personne ne croit vraiment d’ailleurs, parce que le tiercé, je ne l’ai pas. Deux sur quatre, et encore, dans le désordre. Elle esquisse un sourire comme si elle me donnait son morceau de sucre, ce serait effectivement difficile de parler de génie vu que vous n’êtes pas le lampadaire le plus lumineux du boulevard, et seulâbre comme vous l’êtes, avec en plus votre chat râpé et mal peint comme sérieux handicap dans les pattes, en plus de tout le reste (bedaine, hygiène de vie plus que douteuse, penchant pour le rhum et la bière et j’en passe), compliqué effectivement d’imaginer la moindre femme-objet traîner dans les parages. Elle fuirait la demoiselle et elle ferait bien. Putain, elle ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit de faire valoir son point de vue ma pétroleuse, ça fait mal aux ratiches, un joli coup de brocco, dediou ! Chat compris dans le prix, emballé, c’est pesé. Sans rancune qu’elle me fait ? On va peut-être stopper cette mornifle verbale, je ne travaille pas dans la nuisance, dans le dommage et la blessure, je suis plutôt pour la fin de la guerre du slip même si ce n’est pas flagrant à première vue. Ben moi aussi à la base, que je fais tout groggy, KO debout dans les cordes, essayant tout de même de sourire de manière avenante. Allez ! qu’elle me bouscule gentiment, je vous chamaillais, pour voir ce que vous aviez dans le ventre. Vous z’êtes pas un méchant bougre au fond, faut que vous arrêtiez les saloperies que vous refourgue votre chat par contre, ça ne marche pas qu’elle me fait malicieuse, et on va voir pour vos idées qui vous font tourner en rond comme une carpe dans un bassin carré, ça vous dit ? Et ensuite, on regardera ensemble vos « prétentions d’artistes ». Et là, je dois avouer, je craque complet avec peut-être un début de sourire idiot. Je crois que je commence à l’adorer son impertinence à mon effrontée. Ça a le mérite de remettre les compteurs à zéro.
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