Chapitre 4 - Blackmail
« Salut Jean-Christophe, salua Cyril.
_ Salut Cyril, comment tu vas ? Tu t'en sors avec les registres ?
_ Ça avance. Un peu... Il faut remonter jusqu'en 2013 donc c'est parfois compliqué. Flavie avait zappé pas mal de délibs et certains dossiers sont introuvables. »
Sans déconner.
« Bon courage alors... Oh regarde ! »
Jean-Christophe avait saisi une pile de papiers fraîchement sortie de l'imprimante. Il les tendit à Cyril, satisfait.
« Qu'est-ce que c'est ? interrogea Cyril. Des mails ?
_ Pas n'importe lesquels, enseigna Jean-Christophe. Ceux de Flavie.
_ Il y en a une dizaine, tous d'hier, même ceux des bugs du service informatique. Pourquoi imprimer tout ça ?
_ C'est la grande question. Tous les matins elle imprime sa boîte mail. Mais j'y ai trouvé une utilité, regarde. »
D'un geste majesteux, Jean-Christophe envoya les mails dans la broyeuse.
« C'est thérapeutique, ludique aussi, on peut observer la propriétaire les chercher puis les réimprimer. Autant dire que ça peut durer la journée. »
Je vois ton regard, Cyril. Tu n'oses pas le dire mais tu aimes ce que tu voies. Ce n'est que le début, tu verras.
« Je crois que la broyeuse s'est bloquée, intervint Cyril.
_ Ah merde. »
Jean-Christophe arracha et mit à la poubelle ce qui restait d'une correspondance aussi mystérieuse que stérile.
« Sur ces belles paroles, conclut-il, commençons la journée. »
Jean-Christophe regagna son bureau en traînant les pieds. À peine s'était-il assis à son bureau que Flavie entra.
« Oulala tu as l'air fatigué !
_ Je me mettrai bien en PLS sous mon bureau oui.
_ PLS ?
_ Euh oui. Et sinon...
_ Ah j'ai compris ! C'est Prêt Locatif Social ? »
Oh bordel.
« Non, Flavie. C'est juste une expression : Position Latérale de Sécurité. Je... Je voulais dire que j'étais fatigué.
_ Ah ? Tu es sûr ? »
Ba oui je suis sûr bougre de conne !
« Enfin voilà, coupa-t-il. Tu es passée au courrier ? Quelque chose pour moi ?
_ Oui j'ai ton accusé réception.
_ Ah parfait.
_ Du coup je me demandais, est-ce que tu veux que j'appelle le destinataire ?
_ Pourquoi ?
_ Pour savoir s'il a bien reçu le courrier, expliqua-t-elle. »
Que dire de plus ?
Après un instant de fausse réflexion, Jean-Christophe répondit.
« Non.
_ Comme tu veux, gloussa-t-elle en sortant. »
Flavie s'arrêta dans le couloir, scrutant l'imprimante.
« JCééé ! Tu n'as pas vu mes mails ?
_ Non.
_ Cette imprimante ne marche jamais ! C'est la troisième fois cette semaine ! »
Ça alors !
_ Appelle le service informatique sinon, proposa-t-il.
_ Mais je l'ai déjà fait. Ils disent qu'il n'y a pas de problème.
_ Décidément. »
L'arrivée de Madame Marchand fit fuir Flavie, encore traumatisée de leur précédent entretien au sujet des registres.
« Comment allez-vous Jean-Christophe ?
_ Bien et vous ? Vous avez vu le Président ?
_ Oui. Il m'a reparlé des commentaires sur facebook et il continue à vouloir attaquer pour diffamation.
_ Ça ne fera qu'ébruiter l'affaire davantage...
_ Et les journalistes du coin remueront tout ça et on passera encore pour des pinpins. »
Arrêtez d'utiliser cette expression, ça nous rendra service à tous.
« Oui, approuva Jean-Christophe. Vivement les articles sur nos techniciens découpant des cerisiers du Japon, ou sur les logements insalubres de certains de nos locataires...
_ Ne m'en parlez pas. Ces arbres nous avaient coûtés une blinde, tout ça pour les foutre en l'air quelques mois plus tard... »
Flavie revint, les yeux humides et la bouche tordue par des sanglots pitoyables.
« Madame Marchand...
_ Quoi encore ? trancha la responsable.
_ Regardez, Jean-Christophe a encore mis mes mails à la broyeuse. »
Elle tenait le bout de papier que Jean-Christophe avait mis à la poubelle.
« Je suis choqué de ces accusations, répondit Jean-Christophe. Et encore une fois sans aucune preuve. Je ne suis pas ton bouc émissaire, Flavie.
_ Mais comment mon mail est-il arrivé dans la poubelle ? Dans cet état en plus ?
_ Es-tu seulement sûre de les avoir imprimés ?
_ Mais oui !
_ Attendez, coupa Madame Marchand. Flavie, vous avez encore imprimé toute votre boîte mail ? Combien de fois je vais devoir vous dire d'arrêter ?
_ Mais... Mais... »
Le regard inquisiteur de Madame Marchand l'acheva, elle éclata en sanglots.
Enfin ! Ça faisait 2 semaines que je ne l'avais pas fait chialé.
« Ce n'est pas de ma faute ! » geigna-t-elle avant de partir aux toilettes.
Madame Marchand leva les yeux au ciel, Jean-Christophe s'efforçait de masquer sa satisfaction.
« Elle devient vraiment fatiguante, soupira Madame Marchand. Et vous, attention de ne pas aller trop loin, après c'est moi qui doit recoller les morceaux. »
Autant temps dire qu'à force de se casser, elle ressemble plus à grand chose.
« Quand j'ai vu qu'elle avait encore imprimé toute sa boîte mail, j'ai craqué.
_ Ça me rappelle quand vous aviez jeté la clé de son bureau.
_ Ah oui ! Elle l'avait bien cherché !
_ Ou aussi au dernier Conseil. Elle a pas été foutue d'utiliser la machine à café. Elle était descendue au service commercial, qui ont refusé de l'aider. Elle était remontée en panique, enfin bref ! J'ai dû le faire moi-même pendant qu'elle piaillait dans mes oreilles.
_ Pas mal aussi.
_ Bon ! conclut-elle. Sur ces belles paroles, j'ai un Président à intercepter. »
Jean-Christophe retrouva le calme de son bureau, les pleurs de Flavie sonnaient au loin, une belle journée s'annonçait.
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