Chez le professeur Orphéo

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Je me nomme Dalila. Et comme souvent après l’école, je me dirige actuellement vers la grande maison du professeur Orphéo, mon parrain. Il est magicozoologiste !

J’adore venir chez lui. Où qu’on soit, quelle que soit la pièce dans laquelle on se trouve, il est possible d’y rencontrer au moins un de ses sujets d’études, ou plutôt ses "colocataires", comme il aime les appeler.

Je passe ainsi la grille du portail d’entrée, que je referme prestement dernièrement moi, car je vois accourir l’un des sujets de mon parrain : un cerbère-d’Éthiopie.

Petit nouveau arrivé depuis deux semaines seulement, ce filou trop curieux tente de sortir dès qu’il entend le son du portail. Mais, déjà habituée, je suis prête : à peine arrive-t-il à ma hauteur, que je l’attrape dans mes bras !

Avec son pelage doré, sa queue courte qui s’agite dans tous les sens et ses trois têtes semblables à celle d’un chacal, cette race de Cerbère est en général déjà peu farouche, mais celui-ci l’est d’autant plus en raison de son élevage en captivité, aussi se laisse-t-il faire, aboyant juste un peu pour la forme.

Le fuyard serré entre mes deux bras, je remonte l’allée jusqu’à proximité du perron de la maison, où je le relâche.

Il bondit au sol, s’ébroue de la queue jusqu’à sa triplette de pair d’oreilles courtes, puis retourne se blottir dans le large terrier sableux que mon parrain lui a aménagé dans la zone sèche du parc qui entoure la maison… en entendant l’occasion d’effectuer sa prochaine tentative d’exploration, évidemment.

Je parviens enfin à l’entrée, où je toque avant de me glisser à l’intérieur sans plus attendre. Je frappe moins pour avertir mon parrain de mon arrivé, que de prévenir les colocataires de celui-ci que quelqu’un va rentrer.

Je fais bien attention depuis que je me suis fait sauter dessus par une velue qui avait été surprise par mon ouverture un peu trop vive de la porte…

D’ailleurs, c’est celle-là même que j’aperçois en premier quand je pénètre à l’intérieur.

Pour le commun des personnes, cette espèce est décrite comme un lézard aquatique de la taille d’un bœuf, dont le dos serait hérissé de piquants empoisonnés ! Cependant, la mythologie a largement exagéré la réalité… C’est plus un gecko ventripotent long comme un bras, avec une abondante fourrure jaune pomme qui me lorgne, accrochée au mur, en dardant sa langue trifide rouge et orange en signe de bonjour, que je découvre.

Je le flatte à la base du cou, pour son bonheur, avant d’enlever mon manteau et poser mon sac dans l’entrée.

Quand je passe devant la cuisine, je m’interromps pour trouver, perché sur le sommet du frigo, un couple de banshies, sorte de singe blafard à fines ailes membraneuses capable de crier très fort, occupé à se partager un morceau de steak.

« Dites, vous deux, parrain ne vous avez pas déjà demandé de manger sur la table ? »

Ils finissent d’engloutir vivement leur nourriture, avant de me regarder de leurs beaux yeux couleur glace, comme s’ils ne comprenaient absolument pas de quoi je parlais !

« Bon, je ne lui dirais pas, mais c’est bien par ce que vous êtes mignon ! »

Je passe au salon, où j’espère trouver Orphéo, mais celui-ci est vide. Ou du moins, vide d’humain. Car en réalité, c’est l’un des endroits les plus habités de la maison !

Entre l’ahool qui ronge, vainement, une ampoule du lustre. L’interminable bébé worm, enroulé dans son grand panier, qui ronfle dans un coin. Le baku qui, assis sur son gros postérieur flasque, fixe le worm en bavant, sa trompe gigotant sur le front de ce dernier. Les fées qui gazouillent dans le nid qu’elles se sont fait avec leurs plumes, dans le ventre cassé de la vieille horloge. Ou encore le quatuor de gnomes qui grommellent sur le divan, sur lequel ils jouent aux cartes… C’est pour moi un joyeux concerto qui sonne à mes oreilles !

Je glisse un conseil au gnome qui était en train de perdre, puis m’éclipse, non sans percevoir le grouinement déçu de ses compères face à son jeu gagnant.

Je me dirige vers l’atelier, quand j’entends du bruit du côté de la bibliothèque.

J’esquive la coquille hélicoïdale de la tarasque qui s’avance dans le couloir sur ses six pattes évoquant celles d’une tortue, et pars vers la source du son.

Que vais-je trouver ? L’un des leprochauns jouant à faire tomber des livres ? Un kitsune n’ayant encore pas fait attention à ses coups de queues ? La malebête se grattant contre les étagères ? Un kobold suçotant le sang de je ne sais quelle pauvre créature ? (Peu probable, mais sait-on jamais) Ou le graoully s’étant retourné un peu trop fort dans son sommeil ? …On va voir !

Je parviens à la bibliothèque, dont je pousse prudemment la porte. Celle-ci était close et je n’entends pas de bruit, pour l’instant. Cela écarte déjà la possibilité d’une créature farceuse ou étant arrivé là par hasard.

Ensuite, j’avise la grosse masse duveteuse du graoully, ses pattes de coq en l’air, qui dort profondément, bien à sa place dans sa pile de vieux coussins près de l’entrée.

Je caresse sa barbichette, contente de voir qu’elle est toujours tressée (par mes soins), puis m’avance à travers les rayonnages, jusqu’à enfin trouver l’origine du bruit… mon parrain, plongé dans un livre, un nouveau colocataire perché sur l’épaule !

Ce dernier en me voyant, pousse un borborygme rocailleux, que je reconnais comme le son que j’avais entendu plus tôt !

Alerté, Orphéo lève aussitôt son nez de sa lecture.

« Hein ? Ah ! Dalila, c’est toi ! »

« Bonjour ! Tu nous présentes ? »

« Bien sûr, bien sûr… »

Il saisit l’animal, qui gonfle immédiatement sa masse de plumes de couleur disparate allant du gris à l’orange en passant par le caca d’oie, sous la vexation d’être ainsi délogé de son perchoir.

Dans l’ensemble, il ressemble à une pintade, au long cou, dont on aurait remplacé les pattes minces par celles arquées d’un lézard, ainsi que la queue par celle d’un serpent au bout en plumeau.

Mais c’est surtout, sa tête qui est remarquable : yeux rouges de cygne, museau de varan, ainsi qu’une crête et un barbillon de coq !

« Voici, un cocatrix d’Afrique du Nord ! »

Déclaration que ledit cocatrix ponctue par une sorte de rot sonore dont le fumet de relent d’égout m’oblige à me pincer le nez.

« Eh bah… Pas très poli ! »

Mon parrain m’adresse une moue désolée, digne d’un chien battu.

« Oups… Excuse-moi. C’est une espèce appréciant peu la collectivité. Pour l’instant, je dois le garder tout le temps avec moi, car sinon il chercherait des noises à tout le monde… »

« Pas grave… »

« Je te propose une tasse de café, pour me faire pardonner ? »

« Ok, mais sans poils de migou ce coup-ci. »

« Promis ! »

Nous quittons ainsi la bibliothèque pour retourner à la cuisine.

…J’adore la maison de mon parrain ! Quoiqu’il s’y passe, quoi qu’on y rencontre, je trouve toujours ça aussi intéressant !

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