Je reviendrai. Mes allers-retours ne te sont pas étrangers. Presque trois mois dans tes bras, un pur bonheur. Tes bleus deviennent miens. J'ai sur moi cette odeur si particulière de la terre, après la tempête. Mille senteurs pour les initiés, la vanille, le goyavier, le fumier, le soufre ...

Il y a deux semaines, je suis retournée à Cilaos, Tsy ilaozana, mot malgache, qui signifie « (lieu) que l'on n'abandonne pas », route extraordinaire aux 400 virages. Lieu chargé d'histoire, lieu refuge pour les esclaves "marrons"qui s'échappaient, au XVIIIe siècle.

Un pique-nique près de la roche merveilleuse, vue sur le jardin botanique créé par Lavergne, où ses mots de poète-biologiste sont gravés sur des pancartes en bois. Vue sur les remparts. Un lieu sûr où la beauté ne se dit pas mais se voit.

J'ai rencontré Jacques, un artiste-verrier installé, au coeur du village. Ici on converse, sans mental, spontanément. Il me raconte sa venue il y a quarante ans.

"J'avais vingt-cinq ans. Je travaillais avec mon père à la boucherie. Un taiseux, un violent. Ma mère elle regardait ailleurs, je n'existais pas. Jusqu'au coup de trop, ma petite amie, vendeuse chez le boulanger, me largue en deux minutes, dans l'arrière boutique. J'ai fait mon sac sans réfléchir et suis monté dans ma voiture. Mon meilleur ami Seb m'a hébergé deux nuits le temps que je décide. C'était compliqué, j'étais sonné; dans la chambre, une carte du monde, j'ai lancé une flèche. J'avais du mal à lire. Une île au sud. Banco. C'est là que j'irai". Et ce "là" et un grand amour l'ont ancré à jamais. Personne ne sait sur quoi peut déboucher un chaos. La joie qui irradiait de cet homme donna une possible réponse.

Lieu où le partage va de soi. J'ai serré dans mes bras mes amis, on a dansé, chanté, bu, dîné sur la plage, accompagnés du soleil couchant, ri et pleuré.

L'océan m'a portée chaque jour.

A l'aéroport, face à un miroir, un reflet. C'est moi, Le moi d'il y a dix ans, physiquement. Très étonnant ce changement, mais ce qui m'étonne le plus est cette nouvelle douceur dans mon regard qui cohabite avec les étoiles.

Je reviendrai, fais-moi confiance, mon île intense.