19 - Citseko : Tu t'entends bien avec Elférad ?

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Son premier Enfermement eut lieu le lendemain soir. Ils venaient de dîner quand le surveillant vint vers lui pour l'emmener. Meb eut le temps de lui glisser :

-T'inquiètes pas, ça va aller.

Citseko grimaça un sourire et se retourna une dernière fois en suivant le surveillant. Meb leva le pouce avec un grand sourire. Lorsqu'on le fit entrer dans la salle vide et que la porte se referma derrière lui, il n'y avait que Theaon de présente. Il ne se souvenait pas de l'avoir vu avant ce début d'année et il ne lui avait pas adressé la parole une seule fois.

Il hésita un instant en se demandant si ce n'était pas l'occasion d'établir des liens amicaux avec un nouveau clan. La jeune fille, qui faisait apparemment ses devoirs, finit par lever la tête en se sentant observée. Citseko s'inclina pour la saluer et alla s’asseoir.

Le surveillant qui l'avait conduit avait prit le temps de récupérer son sac de classe. Une fois installé, l'héritier d'argent l'ouvrit pour découvrir qu'il avait toutes les affaires nécessaires pour ses devoirs. L'adolescent imita donc Theaon et commença à travailler. Matior et Falibi ne tardèrent pas à les rejoindre et la porte se ferma définitivement.

Matior fut le premier à s'avancer vers les placards et Citseko réalisa qu'il n'en avait même pas eu l'idée. Falibi demanda :

-Il y en a pour combien de temps ?

Matior resta le nez dans le placard pour répondre :

-On a le repas de ce soir. Demain matin, midi, soir. On ne fera qu'une nuit, à moins qu'ils ne nous libèrent avant le petit-déjeuner après-demain.

Citseko chercha un moyen d'enclencher une discussion, mais ne trouvant rien, il retourna à ses devoirs. Meb lui avait expressément demandé de faire la conversation afin de mieux cerner leurs camarades de classe. Non pas que l'héritier d'or ait partagé ce qu'il avait appris avec lui. Citseko joua avec le coin des pages de son livre en cherchant que dire. Du coin de l’œil, il observa les autres qui s'occupaient comme ils pouvaient. Son regard s'arrêta sur Falibi qui, le coude sur le bureau devant lui et le menton au creux de la main, l'observait avec attention. Il fit un demi-sourire timide et elle déclara :

-Tes yeux me fascinent.

Citseko eut un petit rire gêné :

-Merci.

Enchaîne vite, trouve quelque chose à dire. Il finit par bafouiller d'une voix timide :

-Tu as quoi comme blason déjà ?

Le garçon grimaça intérieurement devant le manque d’intérêt de la question, mais Falibi se redressa, posant son bras sur la table, se montrant disposée à discuter :

-Un bâton entouré d'étoiles.

Citseko eut un demi-sourire en se demandant si elle trouverait de quoi continuer. Cependant, craignant que le silence ne finisse par devenir il enchaîna, répétant des questions entendu mille fois en début d'année :

-Tu sais d'où il vient ? Le motif de ton blason ?

Falibi était radieuse. Elle se leva pour venir s’asseoir à côté de lui. Je suppose que c'est bon signe.

-Ma mère m'a dit que cela venait d'une histoire, d'il y a longtemps.

Citseko sourit doucement. La bonne humeur de Falibi était très communicative.

-Il était une fois, dans un pays lointain, en fait, ici, mais à une époque lointaine, une jeune fille, une sorcière, qui était amoureuse de la lune. Elle chercha toute sa vie, un moyen de la rejoindre, sans succès. Jusqu'au jour où, la lune dompta les étoiles pour en faire un escalier qui la mènerait jusqu'à elle. Depuis, elles vivent heureuses jusqu'à la fin des temps. Voilà.

Citseko força un demi-sourire. Il allait complimenter l'histoire même si la façon de raconter n'était pas vraiment développée, quand Matior lança :

-Elle est nulle ton histoire. Tu viens de l'inventer.

Falibi rejeta sa longue chevelure dans son dos en se tournant vers l'importun pour répliquer, toujours rayonnante de joie :

-Oui, je viens de l'inventer et elle est magnifique.

Matior se mit à rire :

-Si tu veux.

Falibi revint à Citseko :

-Et toi ?

De sa voix basse, le jeune homme demanda :

-Moi quoi ?

-Ton blason.

Par réflexe, il baissa les yeux vers sa poche de poitrine :

-Un écureuil gris.

Il se demanda s'il devait raconter d'où cela venait et la jeune fille lui épargna l'embarras en enchaînant :

-Ça vient d'où ?

-Mes ancêtres faisaient des manteaux de fourrure, je crois.

Matior intervint à nouveau :

-Et d'où vient le pégase de Meb ? Ces ancêtres faisaient des tapis en peau de cheval ?

Citseko lui jeta un regard avant de juger que le sarcasme ne méritait pas de réponse et retourna à son livre. Falibi continua :

-C'est quoi pour toi, monsieur pomme de pin ?

Matior se rengorgea :

-Ne te moque pas, pauvre ignorante. Sache que la pomme de pin est un symbole de sagesse et d'immortalité.

Citseko fronça les sourcils. C’est vrai ? Il se tourna vers le jeune home pour voir s'il était sérieux. Celui-ci restait stoïque, mais Falibi finit par demander :

-Tu blagues, là ?

Matior se mit à rire :

-Complètement. Je n'ai pas la moindre idée d'où ça sort. Il faut croire que tout les trucs cool étaient déjà pris.

Citseko laissa échapper un demi-sourire. Matior ne semblait pas aussi agaçant qu'il en avait l'air. Falibi riait aussi :

-J’aime bien la pomme de pin. C'est mieux que...

Elle réfléchit un peu trop longtemps pour que sa réplique paraissent spontanée et finit par conclure :

-Que... des petites bêtes.

Elle fit une grimace discrète à l'intention de Citseko pour montrer qu'elle n'était pas convaincue par son propre argument. Matior approuva :

-Mieux que les vers de terre. J'aime pas les vers de terre. Vous connaissez un blason avec un ver de terre ?

Citseko et Falibi réfléchirent sérieusement à la question, mais ce fut Theaon qui répondit :

-La grande famille du clan Prolif, ils ont un ver de terre.

Matior s'étonna :

-C'est pas un anneau ?

La jeune fille les informa :

-En fait, non. C'est un ver de terre en cercle.

Ils prirent tous le temps de réfléchir à cette nouvelle information, puis Falibi lança à la jeune fille :

-Et toi, alors ?

Theaon sourit, apparemment ravie d'être enfin incluse dans la discussion :

-Une plume rouge. A l'origine, mes ancêtres reportaient les sentences des jugements. D'où la couleur rouge.

Matior sourit :

-Cool.

Citseko se demanda à quel point ce qu'ils savaient maintenant pouvait être éloigné de la réalité. Peut-être que ces ancêtres n'avaient jamais vu un écureuil de leur vie, peut-être qu'ils avaient pris l’idée à d'autres.

-A quoi tu penses ?

Falibi l'observait de nouveau, la joue au creux de la main. Elle a un regard doux. Il y avait certaines personnes à qui l'on avait envie de faire instinctivement confiance et Falibi était de celle-là. Il pensait pouvoir lui confier n'importe quoi sans douter un seul instant qu'elle saurait garder ses secrets. Et c'est précisément pour cela qu'il se jura de prendre garde à ne rien dire d'important. Tout le comportement de l'adolescente pouvait n'être qu'un acte. Une fois la confiance des autres gagnée, la trahison en était d'autant plus facile.

-Alors ?

-A rien de particulier.

Matior qui semblait peu enclin à garder le silence, lui demanda :

-Tu bosses ?

Citseko hocha la tête. Le jeune homme quitta sa place pour venir regarder par-dessus son épaule :

-Quel cours ?

Citseko referma son livre, agacé, mais sa voix resta basse et calme :

-On ne regarde pas dans le dos des gens, ça ne se fait pas.

Matior ne se laissa pas repousser si facilement. Il prit une chaise et la ramena au bord de la table :

-Voilà. Tu bosses sur quoi ?

Citseko accepta de rouvrir son livre pour leur montrer l'exercice. Falibi s'exclama :

-Je l'ai déjà fini celui-là. Je vous montre si vous voulez.

Matior repoussa l'offre d'un geste de la main :

-C'est bon. Elférad m'a déjà expliqué.

Il se tourna vers Citseko :

-Je peux t'expliquer si tu veux.

L'interpellé dévisagea le jeune homme. Celui-ci avait une fine cicatrice près du nez, des yeux bleu-gris sous une tignasse couleur crème.

-Tu t'entends bien avec Elférad ?

Matior fut surpris de la question tant la réponse lui semblait évidente :

-On est ami. Bien sûr qu'on s’entend bien. Tu t'entends bien avec Meb aussi, non ? C'est pareil.

Je ne crois pas, non. Il n'aurait pas défini sa relation avec Meb comme une amitié profonde, du moins, pas comme celle que Matior et Elférad partageait. Falibi poursuivit la conversation en disant :

-Je n'ai pas d'héritier d'or moi.

Ils la dévisagèrent un moment, ne sachant que faire d'une information lâchée si soudainement. Puis, ce fut à nouveau Matior qui brisa le silence :

-Comment c'est possible ?

Theaon glissa :

-Ça l'est si la grande famille n'a pas d'enfant.

Les garçons cherchèrent confirmation près de Falibi qui acquiesça :

-Exact.

Matior continua :

-Mais, dans ces cas-là, ils récupèrent un enfant de la zone de départ, non ?

Falibi répondit :

-Souvent, mais pas tous. Ma grande famille préfère ne pas avoir d'enfant que d'en avoir un qui ne soit pas de leur sang.

Citseko dit doucement :

-Pourtant, ça revient au même. L'héritier du clan ne sera pas de leur sang.

Elle lui sourit :

-Mais ils espèrent encore. C'est pour cela que je porte l'argent et pas l'or.

Matior soupira :

-Comme quoi, il en faut peu.

Il revint à Theaon :

-Et toi ? T'as une héritière d'argent, non ? Je sais plus son nom.

A son tour, Theaon prit sa chaise pour les rejoindre :

-Qu'est-ce que tu veux savoir exactement ?

-Qu'est-ce qu'elle a fait pour méritait cette distinction ?

Falibi eut un air de reproche en disant :

-Matior, ça ne se demande pas.

Theaon sourit tranquillement en répliquant :

-Je le dis, si tu me dis comment toi, tu t'ai retrouvé avec de l'argent sur les épaules.

Elle pensait sans doute que cela clôturait la discussion, mais Matior ne se dégonfla pas :

-Ma famille a de l'argent. A ton tour.

Falibi se mit à rire :

-Vu sa réponse, je pense que tu peux rester dans le flou, Theaon

La jeune fille garda les yeux plantés dans ceux de Matior en répondant :

-La famille d'Ora a soutenu mon père quand il a fallu faire un changement de loi.

-Et si tu es encore là, je suppose que c'était une bonne idée ?

Elle se redressa :

-Notre clan a retrouvé sa stabilité d'antan.

Matior poussa un sifflement admiratif que Citseko ne trouva pas nécessaire. L'adolescent finit par se tourner vers lui :

-A ton tour.

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