21 - Citseko : Pour ce que ça te change

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Citseko suivit avec intérêt l'explication des règles. Le jeu était simple. Consistant à retourner les cartes, celui ayant la plus forte remportant le tas. Quand le jeu fut bien lancé, Matior commença la conversation :

-T'as vraiment jamais joué à ce genre de jeu ?

-Jamais.

Il rit :

-Vous jouiez à quoi quand vous étiez petits avec Meb ? A la balle ?

Citseko l'observa avec surprise :

-Tu jouais avec Elférad ?

Son adversaire posa une carte d'un geste magistral et répondit en prenant le pli :

-Évidemment. Avec Lyert et Neghttris, on passait notre temps ensemble à jouer aux cartes... le plus souvent. On avait tendance à faire des conneries le reste du temps.

Il leva un doigt comme pour empêcher Citseko de l’interrompre :

-Pas de grosses conneries, attention. On était quand même adorables pour des petites teignes.

-Comme quoi ?

Matior quitta son jeu des yeux :

-Comme quoi quoi ?

Citseko posa une carte :

-Quel genre de conneries vous avez faites ?

Il n'eut pas à réfléchir longtemps :

-Une fois, Neghttris s'était engueulé avec son frère. Alors on a mis du sable dans son lit, du sel dans sa boisson. Dès qu'il avait le dos tourné, on lui faisait un sale coup.

Citseko trouvait que la punition dépassait les bornes, mais il se contenta de demander :

-Ça c'est terminé comment ?

-On s'est fait chopé et on a été puni.

-Elférad aussi ?

Matior fut surpris de la question :

-Évidemment, il a participé, pourquoi il y aurait échappé ?

Citseko ne répondit pas, ce qui poussa Matior à demander :

-Vous étiez sages ? Meb et toi ?

Citseko remporta le pli en répondant :

-Ce n'est pas vraiment Meb et moi. Pas comme toi et les autres, en tout cas.

-Comment ça ?

Citseko se revit enfant, courant après Meb qui jouait avec les autres. Il était là, Meb l'incluait dans le jeu, mais les autres ne jouaient pas avec lui.

-Meb jouait avec les autres. Il a toujours eu beaucoup d'amis. Moi, pas vraiment.

Matior insista :

-Mais quand vous étiez tous les deux. Vous passiez pas votre temps à vous regarder dans le blanc des yeux, si ?

Citseko eut un rire bref :

-Non. S'il voulait jouer à la balle, j'allais la chercher pour lui. S'il voulait lire, je lisais pour lui.

Matior secoua la tête :

-Non, mais des jeux à deux. Comme les cartes ou, je sais pas, un autre truc ?

Citseko fouilla sa mémoire et finit par répondre :

-S'il voulait jouer avec quelqu'un, il appelait un ami.

-Donc, vous n'êtes pas amis. Tu es son serviteur quoi.

L'adolescent acquiesça :

-Évidemment. Je suis devenu son héritier d'argent grâce à ça.

Matior marmonna entre ses dents :

-Pas évident pour tout le monde.

Ils jouèrent un instant en silence, puis Matior reprit :

-Mais, du coup, qu'est-ce que tu lui trouves ?

Citseko sourit à demi :

-C'est quelqu'un de bien.

Matior comprit qu'il devrait se contenter de cette réponse et n'insista pas. Il lui apprit deux autres jeux avant qu'ils ne décident de manger leur dîner.

Lorsque Citseko décida d'aller se coucher, les filles parlaient encore dans leur coin et Matior jouait avec ses cartes. Au matin, l’héritier d’argent s'étira tranquillement en réalisant soudain qu'il passerait un jour de repos dans cette pièce. Pour ce que ça te change. Il soupira néanmoins, avant de se lever pour prendre son petit-déjeuner. Falibi se redressa au même moment et lança d'un air radieux :

-Bonjour !

Citseko lui répondit d'un signe de tête :

-Tu veux manger ?

Elle se leva pour le rejoindre et ensemble, ils sortirent de quoi se restaurer pour eux et les deux autres. Citseko passa la matinée à prendre de l'avance sur ses devoirs tout en s'endormant régulièrement sur son bureau. Pour le déjeuner, il finit son sandwich de la veille pendant qu'il écoutait les autres raconter les cours dans leurs écoles communes, comparant leur professeurs et les événements qui avaient pu pimenter leur scolarité. Citseko n'avait pas grand chose à raconter. Meb n'avait pas eu à changer de classe, leurs vies n'avaient pas été menacées et aucun enseignant ne l'avait marqué. Il y avait bien eu un mort, mais Citseko n'avait jamais su de qui il s'agissait et ne s'en était jamais soucié.

-Vous connaissiez la fille qui est morte ?

La question le tira de sa rêverie. Matior et Falibi répondirent par la négative. Theaon se tourna vers Citseko :

-Tu la connaissais toi ?

Le garçon secoua la tête :

-Celle qui s'est suicidée ?

La jeune fille s'étonna :

-C'était un suicide ?

Falibi intervint :

-C'est ce que j'ai entendu dire aussi.

Matior ricana :

-Un suicide au moment où l'autre se fait attaquer ? C'est un peu gros, non ?

Citseko approuva la remarque :

-C'est vrai, mais pourquoi tu veux savoir si on la connaissait ?

Theaon répondit :

-Pour savoir. Je n'ai pas réussi à savoir qui c’était.

Falibi précisa :

-C'était une seconde année. Hiloy a vu son brassard. Je ne pense pas que tu trouveras qui que ce soit qui la connaisse en première année.

Citseko insista :

-Pourquoi tu veux savoir qui c'était ?

Theaon avoua :

-Pour connaître son clan, voir si elle était liée au mien.

-Tu aurais déjà eu des nouvelles, non ? Fit remarquer Falibi.

Theaon acquiesça d'un air peu convaincu :

-Oui, sans doute. T'as raison.

Matior donna un coup sur la table :

-Allez, ça suffit. Il est temps de s'amuser.

Il sortit son jeu de carte et un sourire s'épanouit sur le joli visage de Falibi :

-On joue à quoi ?

L'adolescent montra Citseko du menton :

-Un de ceux que je lui ai montré hier.

Theaon approuva, mais Citseko éprouva le besoin de préciser :

-Vous pouvez jouer à autre chose, si vous voulez. Si on m'explique les règles, il n'y a pas de raison que je ne m'en sorte pas.

-C'est vrai, appuya Falibi.

Matior haussa les épaules en mélangeant les cartes :

-Comme vous voulez.

Theaon proposa un jeu. Les règles furent expliquées et ils jouèrent deux bonnes heures. Puis, ils se posèrent des énigmes, reparlèrent de leur passé et Matior finit par demander à Falibi :

-Mais, alors, si j'ai bien compris, tu n'as pas d'héritier d'or ?

La jeune fille confirma :

-Non, c'est vrai.

-Ça se passe comment du coup ?

Elle sourit :

-Comme tout le monde, je pense. Sauf qu'on est deux à avoir la chance de devenir héritier d'or en sortant... si notre chef n'a pas d'enfant en cours de route.

Matior se redressa :

-Deux ?

-Oui, il y a un garçon d'une autre classe aussi. Mon garde du corps autoproclamé.

Elle pouffa à cette idée. Citseko se demanda ce que cela pouvait faire de ne pas avoir de supérieur à qui obéir.

La journée finit par leur sembler longue et ils se séparèrent, se réunirent, marchèrent, s'assirent, parlèrent, se turent au fil des heures et de leurs humeurs. La libération du lendemain ne pouvait pas venir trop tôt quand il fut évident pour eux qu'ils ne seraient pas relâchés ce soir-là. Quand Matior se plaignit d'avoir faim après avoir dévoré sa part du dîner, Citseko put lui donner son sandwich du déjeuner.

Le garçon ne se réveilla pas quand les surveillants entrèrent discrètement dans la pièce pour les chercher. Il fallut qu'on le saisisse pour qu'il bondisse hors de son sommeil et fasse face à la femme qui le secouait doucement.

-Il faut y aller.

Il se frotta les yeux tout en se redressant et vit autour de lui, que les autres étaient déjà debout et étaient menés vers la sortie. Lui-même fut reconduit à la chambre qu'il partageait avec Meb dans le silence le plus total. Une fois devant la porte, la surveillante le fit patienter, le temps qu'elle débloque la fermeture automatique par une clé et un code. Elle l'invita à entrer quand la porte fut ouverte. Citseko la remercia d'un signe de tête, toujours à demi endormi. Il aperçut la silhouette de Meb blotti sur son lit. Il avança dans la pièce jusqu'à apercevoir son propre lit et cette vue lui parut la plus belle du monde. Un coup d’œil à son réveil lui indique qu'il était cinq heure. Mais, c'est un jour de repos, donc... pas de réveil. Au comble du bonheur, il se laissa tomber comme une masse sur sa couette et s'endormit aussitôt.

Ce fut s'en compter Meb qui, même les jours de repos, se levait tôt. Sitôt qu'il vit que Citseko était rentré, il le secoua pour l'interroger :

-Alors ? C’était comment ? T'as pu parler à Falibi ?

Sans daigner ouvrir les yeux, Citseko grogna ses réponses :

-Oui, ça va, ça va.

Meb insista :

-Vous avez parlé de quoi ?

Citseko fourra sa tête sous la couette en espérant le décourager :

-Je veux juste dormir un peu s’il te plaît. Je te parlerai après.

Meb tenta encore de le tirer du lit :

-Raconte, tu dormiras après. Allez, allez, debout.

Il lui retira la couette :

-Vas-y, raconte et je te laisse tranquille.

Citseko plaça un bras sur sa tête, refusant toujours d'ouvrir les yeux, et raconta ce qu'il avait fait durant son Enfermement, restant flou sur certaines discussions. Quand il eut fini, Meb se perdit dans ses réflexions le temps d'analyser la situation, puis se contenta de dire :

-Au moins, tu es plus proche de Falibi, c'est bien. Qui dit plus proche de Falibi, dit, plus proche d'Hiloy.

Citseko demanda d'une voix étouffée par son bras :

-Je peux récupérer ma couette maintenant ?

Meb veilla à la remettre exactement comme Citseko l'avait fait avant qu'il ne le réveille tout en murmurant :

-Voilà, tout bien recouvert, bien au chaud. Fait gros dodo. Je vais manger.

Citseko dormait déjà.

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