Chapitre 8

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Lorsque le patron du restaurant avait garanti à Loïc que pour son tête-à-tête en amoureux, il serait seul avec Maxine, ce dernier avait cru qu’il exagérait un peu. Cependant, lorsqu’ils passèrent le pas de l’entrée de la salle principale, force fût de constater qu’il n’y avait personne.

« Si l’on a ouvert, c’est juste parce que vous avez fait la réservation, confia le serveur. Il n’y a que moi et le patron en cuisine. Il ne faudra pas trop nous en vouloir si le service n’est pas très rapide : on est en cuisine mais on va regarder le match nous aussi. »

Loïc rassura le serveur. Non, ils n’allaient pas jouer les clients exigeants. C’était déjà assez gentil d’avoir ouvert uniquement pour eux.

« Alors ? C’est un tête-à-tête dont tu n’avais pas idée, je me trompe ? Un restau, des chandelles, un petit vase avec une rose, ouvert rien que pour toi et moi ! Qui dit mieux ? »

Maxine hocha la tête.

« Tu ne trouves pas ça étrange ?

— Quoi ?

— Ce truc. Depuis qu’on est ensemble. J’ai l’impression de faire de l’inédit constamment. Et puis ce soir, le truc improbable, dîner aux chandelles dans un restau, comme si on l’avait privatisé, c’est fou, non ?

— Je te mentirais si je te disais que ce n’est pas ce que je ressens, moi aussi. Ça ferait presque peur en réalité, tu ne trouves pas ?

— Si c’est un peu creepy. Mais finalement, c’est bien, fit Maxine en regardant un peu dans le vague.

— Vous avez choisi ? demanda le serveur. C’est la pub, le match n’est pas encore commencé. »

Loïc se commanda une entrée et un plat, alors que Maxine ne prit qu’une entrée en guise de plat. Loïc s’en étonna un peu car d’ordinaire, sa partenaire ne se privait pas, et particulièrement quand elle allait au restaurant. L’idée lui traversa un instant l’esprit que Maxine préparait quelque chose, mais comme il n’avait aucune idée sur le quoi, il l’oublia aussitôt.

En revanche, si Maxine mangea peu, elle se servit copieusement en nombre de verres. Et elle ne tarda pas à montrer des signes d’ivresse. Heureusement, Maxine n’avait pas le vin mauvais. Même si elle n’en avait pas nécessairement besoin, l’alcool avait tendance à la désinhiber.

Loïc s’en rendit compte lorsqu’il vit que son regard devenait mutin, et quand il s'aperçut qu’elle avait commencé à défaire ses chaussures et que, de la pointe de son pied, elle remontait le long de son mollet puis de sa cuisse. Il sentit qu’il était mal embarqué. La chance avait voulu que la table autour de laquelle ils étaient installés, était un peu large et de ce fait, Maxine se trouvait un peu courte pour continuer ses avancées. Loïc n’avait qu’une expérience relativement légère du fonctionnement de Maxine lorsqu’elle était dans cet état, mais la prudence lui dictait deux choses : la première lui disait de ne pas la contrarier, la seconde qu’il lui fallait rapidement payer l’addition et l’emmener dans un lieu où son humeur chafouine serait sans conséquence.

Le serveur fut un peu surpris de l’empressement soudain manifesté par Loïc pour s’en aller, mais ne s’en plaignit pas car cela lui permettait de fermer et aller voir la fin du match qui était entré dans les prolongations. Il ne voulait pas en manquer une miette.

De son côté, Loïc dut quelque peu batailler avec Maxine qui ne voulait pas se laisser faire.

« Écoute, dans un quart d’heure, on sera à la maison et tu feras ce que tu veux.

— Peut-être mais ce sera beaucoup moins drôle, comme ça ! T’es vraiment un petit père la pudeur, toi.

— Bah, je le suis pour deux, fit-il en stoppant la main baladeuse de Maxine. Allez, monte dans la voiture s’il te plaît. »

Maxine s’exécuta, la mine boudeuse. Elle s’assit sur le siège passager.

« J’ai oublié de prendre mes médocs, fit-elle d’un coup.

— Quels médocs ?

— T’occupes. De toute manière, je ne peux pas faire de mélange avec l’alcool.

— Ok, pour le coup, je suis à cent pourcents d’accord avec toi. »

Il profita du moment d’accalmie pour l’embrasser. Un baiser qu’il eut du mal à interrompre car Maxine ne voulait pas. Il insista afin de pouvoir prendre le volant et elle se remit à bouder. Son humeur était pour le moins difficile à suivre.

*

Arrivée à la maison, Maxine sembla avoir repris un peu ses esprits mais elle n’avait pour autant pas mis de côté ses envies coquines. Elle entraîna donc Loïc sur le canapé et l’obligea à s’allonger sous elle. Ce dernier se laissa faire car les mouvements de sa compagne restaient tout de même assez désordonnés et il lui était pratiquement impossible de comprendre le tempo qu’elle voulait adopter.

Malgré ce chaos dans la réalisation, Loïc sentait bien que Maxine l’emmenait sur un terrain qui ne pouvait qu’abreuver son désir. Ce soir, contrairement à tous les autres, Maxine semblait déterminée à franchir le Rubicon. Car cela pouvait peut-être sembler surprenant mais jusqu’à ce soir, ils n’avaient jamais fait l’amour au sens classique du terme. Ils s’étaient donnés du plaisir l’un à l’autre et réciproquement mais cette nuit devait être différente.

Loïc repensa au début de la soirée : c’était vraisemblablement ça que Maxine avait en tête depuis le début. Et maintenant elle pouvait se libérer. Elle prit les mains de son partenaire et les porta de chaque côté de ses hanches. Dans le même temps, elle se mit à onduler en cherchant à chaque aller-retour à mettre une pression bien dosée sur la bosse qu’elle sentait se former sous elle. Lorsqu’elle estima l’instant propice, elle se recula, défaisant un à un les boutons du jean de Loïc. Puis d’un geste d’une précision que celui-ci n’attendait pas, elle le débarrassa de tous ses vêtements, excepté le tee-shirt qu’elle avait relevé et passé derrière sa nuque.

Loïc voulut la soulever pour qu’elle repasse dessous mais elle l’arrêta. Ce n’était pas ce qu’elle voulait. Ce qu’il avait interprété comme un appel à ce qu’il reprenne la main, n’était qu’une pause un peu floue sur le chemin qu’elle voulait emprunter. Elle souleva son bassin et de sa main droite, alors que la gauche l’aidait à se maintenir en équilibre, elle positionna l’instrument de son plaisir à l’orée de son intimité. À partir de là, Loïc eut l’impression de regarder un film au ralenti mais où la force de l’image, l’intensité des sensations décuplaient son attirance. Le visage de Maxine passa par une foule d’expressions dont Loïc n’arrivait même pas à mettre un nom dessus. Il crut d’abord y voir de la souffrance et peut-être de la colère. Il ne savait pas trop. Maxine était toujours un peu comme ça, un peu farouche et sauvage, à toujours essayer de tracer son chemin à l’orthogonale des autres. C’était dans ces premiers instants qu’on pouvait voir passer sur son visage des touches de souffrance, de rébellion et surtout ensuite la détermination qui faisait des étincelles au fond de ses yeux. Ensuite il y eut la colère qui marqua comme une sorte de pic intermédiaire et auquel succéda un creux pas tout à fait creux, une sorte de mouvement de balancier, qu’on pourrait associer au calme avant la tempête. L’œil du cyclone en quelque sorte. Cet instant où tout paraît suspendu, où l’on sait que le sommet n'est pas loin mais où l’on rechigne à avancer.

Et puis, Maxine lança l’ultime assaut. Son dos s’arrondit. Elle s’en alla chercher un baiser plein de fougue et de hargne sur la bouche de son partenaire, et elle fit grimper la cadence, encore et encore, arrachant chaque parcelle de plaisir dans la douleur. Loïc n’avait plus de maîtrise sur rien et Maxine en chef d’orchestre infernal, mit au diapason son final à elle sur son final à lui. Leurs deux râles terminaux résonnèrent sur les parois du salon.

Maxine se laissa choir de tout son long sur le corps de son compagnon, haletante, à bout de souffle, mais avec un sourire béat qui traduisait qu’elle n’était plus en état de maîtriser quoique ce soit dans les prochaines minutes. Elle fit un dernier effort, juste pour vérifier que Loïc était dans le même état et elle se laissa retomber.

Ils restèrent là, silencieux. Leur folle aventure continuait sans la moindre fausse note. Au bout d’une heure ou deux, une fois que Loïc revint à lui pour se rendre compte que Maxine dormait à poings fermés, il prit l’initiative de terminer la nuit dans le lit. Il emporta sa compagne dans la chambre et la recouvrit d’un drap. La nuit commençait à rafraîchir la température. Il retourna deux minutes dans le salon pour remettre les coussins en ordre lorsque son regard s’arrêta sur des taches sombres sur la couverture du canapé. Il se pencha et les inspecta avec attention. C’était du sang qui venait tout juste de sécher.

Il resta quelques minutes, muet, incapable de penser, puis il roula le drap en boule pour le mettre dans le bac à linge sale. Il ne savait pas s’il allait devoir aborder ce sujet-là avec Maxine, et en attendant, il valait mieux mettre de côté les éléments qui pourraient le mettre à l’ordre du jour. Il retourna dans la chambre et prit sa compagne entre ses bras avec le sentiment étrange de presque avoir à la consoler.

Et pourtant, même s’il ne le sut que bien plus tard, Maxine avait exactement fait ce qu’elle voulait faire et s’était offerte à la seule personne à laquelle, pour une raison qui lui échappait totalement, elle avait eu pour la première fois de sa vie, envie de se donner.

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