Chapitre 20

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Après la convalescence de Maxine, les choses revinrent pratiquement à la normale. La normale étant que Maxine habitait principalement chez Loïc. Lorsqu’ils s’intéressèrent à fêter leur premier mois de relation, ils ne purent que constater que dans leur tête, c’était un temps considérablement plus important que celui qui s’était écoulé. Ils n’identifiaient pas réellement les raisons de cette sensation mais parmi toutes les hypothèses, il y en avait certaines qui étaient sûrement vraies. Par exemple, le fait qu’après l’épisode de la morsure de vipère, Maxine ne cacha rien de ses rendez-vous chez les différents spécialistes qu’elle était amenée à consulter. Entre autres, sa gynécologue chez laquelle Maxine demanda à Loïc de l’accompagner. Pour être franc, la requête le surprit car il n’avait aucune idée de ce qui pouvait motiver cette demande.

En temps ordinaire, les filles avec qui il avait fricoté, avaient plutôt une attitude complètement opposée. Le gynécologue faisait partie de leur intimité non partagée et cela qu’ils aient couché ensemble ou pas. Mais si Loïc était conscient d’une chose, c’était que sa petite amie ne fonctionnait pas comme le reste du monde. Ce fut sûrement la même chose du côté de Maxine car celle-ci sembla surprise qu’il réponde favorablement à sa demande. Mais elle ne mit pas longtemps à trouver cela normal finalement et à passer à autre chose jusqu’au jour J.

*

Le rendez-vous était calé un samedi matin. Maxine avait inversé son planning avec Sarah pour pouvoir y aller. Pour Loïc, c’était une première et il ne savait donc pas trop comment tout cela allait se passer. En s’asseyant dans la salle d’attente, il sentit tous les regards se tourner vers lui puisqu’il était le seul homme dans la pièce. Maxine, de son côté, semblait n’avoir rien remarqué ou bien s’en fichait totalement puisqu’elle jouait sur son téléphone. Sa décontraction apparente semblait agacer certaines patientes, des trentenaires à première vue qui lançaient des regards assassins à chaque fois que Maxine émettait un signe quelconque de victoire.

La porte du cabinet du docteur s’ouvrit une première fois et l’une des deux trentenaires disparut à l’intérieur du bureau. Loïc n’eût pas le temps d’apercevoir le médecin mais il entendit clairement qu’il s’agissait d’une femme. Une quarantaine d’années, aurait-il dit juste sur la base de sa voix.

Sans que cela n’ait un lien, Loïc eut une question qui lui traversa l’esprit et il se pencha alors vers Maxine pour la lui murmurer.

« Tu viens la voir pour quelle raison ? Ta gynéco ? »

Maxine prit un air amusé et se rapprochant de lui comme si elle faisait une confidence, elle répondit :

« Retard de règles. »

Il va sans dire que cette réponse balancée ainsi, eut un effet de stupeur sur Loïc. Pour lui, le retard de règles n’avait qu’une seule signification, et qui plus est, quand la principale intéressée demandait à son petit-ami de l’accompagner. Loïc commença à avoir un peu chaud. Il se mit à fixer le sol et essaya de ne plus penser à rien.

« Maxine ! » fit une voix qui venait du bureau.

Maxine tira sur la manche de Loïc.

« C’est à nous. » fit-elle.

Et ils entrèrent alors dans le bureau de la médecin.

*

« Comment allez-vous ? fit la femme d’une quarantaine d’années s’adressant à Maxine mais en regardant Loïc avec insistance.

— Je vais bien, merci.

— Et ce jeune homme est ?

— Loïc. Mon petit-ami.

— Bonjour, jeune homme.

— Bonjour, madame. » s’empressa de répondre Loïc qui se demandait de plus en plus, pourquoi il était là.

Il crut que la femme allait poser d’autres questions à son propos mais ce ne fut pas le cas. Elle demanda directement à Maxine, la raison de sa venue et cette dernière lui répondit avec la même décontraction que dans la salle d’attente.

« J’ai un retard de règles. Et je pense pouvoir dire que ce n’est pas à cause de la pilule.

— C’est-à-dire ?

— C’est juste que je ne la prends pas.

— Pour quelle raison ? »

Maxine se pinça les lèvres comme si elle était gênée pour donner une réponse et puis finalement haussa les épaules comme si la médecin pouvait deviner la réponse par ce simple geste.

« Je sais que vous n’avez pas eu de bonnes expériences avec les précédentes mais vous devriez tester celle-ci. En tout cas, si vous voulez toujours d’une contraception. »

Maxine ne répondit rien et se contenta de regarder ailleurs. Loïc avait souvent remarqué cette attitude chez elle. Comme si elle attendait une réponse précise de son interlocuteur mais qu’elle ne voulait pas lui dire ce qu’elle attendait. La médecin ne sembla pas troublée par cette attitude et se contenta de faire disparaître le rictus un peu sévère qu’elle avait pris pour dire sa dernière phrase.

« Donc dois-je supposer que le jeune homme à vos côtés y est pour quelque chose ?

— À quel sujet ? fit Maxine avec un ton d’une naïveté extraordinaire.

— Je parle de votre retard de règles. Vous avez fait un test de grossesse ? »

Les yeux de Maxine s’arrondirent et encore plus ceux de Loïc lorsqu’il vit cela. Était-il possible qu’elle n’y ait même pas pensé ?

« Non, mais c’est sûr que non.

— Vous en êtes qu’au stade platonique ? fit la gynécologue en les désignant tous les deux d’un air suspicieux et pas dupe.

— Oh non ! répondit Maxine, non sans un certain enthousiasme, et un sourire qui en disait bien plus long que tout récit.

— Alors pourquoi ?

— Parce que je pense que je le saurais si c’était le cas. » répondit Maxine le plus sérieusement du monde.

Loïc, qui ne savait plus trop quelle contenance adopter, vit que la médecin fut légèrement désarçonnée par l’affirmation de sa patiente. Mais elle se reprit dans la foulée et sans contredire la croyance de Maxine, elle lui indiqua qu’elles allaient tout de même faire un test. La femme se leva et alla fouiller dans un placard. Elle revint et lui tendit une bandelette, une pipette et un récipient.

« Vous avez les toilettes par ici. »

Maxine laissa ses affaires dans le bureau et parut subitement gênée, comme si s’absenter pour aller faire ce test était la chose la plus malaisante depuis le début de l’entretien. Elle disparut et Loïc se retrouva donc seul avec la médecin.

« Elle est toujours aussi surprenante, n’est-ce pas ? »

Loïc releva la tête et regarda partout dans la pièce afin de s’assurer que la gynécologue s’adressait bien à lui.

« C’est sûr, fit-il avec un sourire en coin.

— Cela se passe bien avec elle ? »

Loïc eut quelques secondes de réflexion. De quoi parlait-elle ? La question était générale ou orientée ? Non, c’était sûrement d’un point de vue rhétorique.

« Très bien.

— Cela se voit, elle a l’air plus lumineuse que d’habitude. En plus de ça, je suis désolé de vous dire ça comme ça, c’est la première fois qu’elle vient me voir accompagnée. Je ne sais pas pourquoi elle vous l’a demandé mais cela devait avoir une importance spéciale pour elle. »

Loïc ne savait trop quoi répondre et l’écouta dire en silence.

« Je ne devrais pas vous dire tout cela. Je suis désolée. Mais c’était tellement étrange de vous voir là à ses côtés. »

La doctoresse se tut soudainement car Maxine venait de revenir. Celle-ci tendit le résultat à sa gynécologue avec un sourire qui ne laissait aucun doute.

« Je vous l’avais dit : négatif !

— Au moins vous en êtes sûrs maintenant, fit la doctoresse en les regardant tous les deux. Maintenant, l’explication la plus probable est un stress émotionnel intense. Cela peut-il correspondre à quelque chose de votre point de vue ? »

Loïc ne put s’empêcher de secouer la tête. La gynéco tendait une perche énorme à Maxine pour qu’elle s’en empare mais celle-ci était ailleurs.

« Oui ! Je me suis fait mordre par une vipère et j’y serai passé si Loïc n’avait pas été là.

— Alors ça doit être ça, fit la toubib encore une fois avec cette manie de ne pas contrarier sa patiente. Bon on va pouvoir passer à l’examen physique. »

Il y eut quelques secondes de flottements avant que Maxine comprenne qu’elle devait prendre une décision.

« Non il n’y a pas de problème. Loïc peut rester. Il me connait déjà sous toutes les coutures. »

Loïc ne sut plus où se planquer et la gynécologue, elle, ne put se retenir de pouffer.

« Pas de problème, Maxine, venez par ici vous installer. » fit-elle du ton le plus sérieux qu’elle put.

*

En sortant du rendez-vous avec la gynécologue, Maxine sembla plongée dans ses pensées.

« À quoi penses-tu ? lui demanda Loïc.

— À rien de précis. Je me disais que cette histoire de morsure de vipère ne me semble pas crédible pour expliquer mon retard. Je veux bien que cela m’ait un peu perturbée mais pas à ce point-là. Enfin, c’est ce que je crois.

— Et si c’était juste moi ? Enfin, nous, je veux dire. C’est intense depuis le début, non ? Tu ne vas pas le nier ?

— Non, t’as raison mais nous deux, c’est intense en bien, non ?

— Oui.

— Bah je ne comprends pas comment ça pourrait avoir un effet néfaste du coup. Elle a dit que c’était du stress. Moi je ne suis pas stressée avec toi. J’ai juste envie de faire… des trucs… avec toi… Tu vois ?

— Je vois très bien, fit Loïc en souriant. Justement peut-être que c’est ça qui te stresse.

— Je ne crois pas, non. Oh et puis, on s’en fout. Je n’ai pas mes règles et alors ? »

*

Cette parenthèse refermée, Maxine et Loïc continuèrent leur petit bonhomme de chemin au sein de leur relation. Ils avaient pris le monde de cours, en prenant des raccourcis et en évitant les questions. Mais ce monde n’avait de cesse de les rattraper, un peu comme un peloton cycliste qui veut rejoindre ses échappés.

Du côté de Loïc, les gens avaient eu tôt fait de juger sur la base des faits, que l’anguille avait été très tôt sous la roche et que la rupture avec Pauline n’en était que la conséquence logique. Même s'il n'y avait aucun lien. La version grand public avait choisi son camp et la vérité dans tout cela, n’était qu’une option. Loïc était le salaud, le coupable et tout allait pour le mieux dans le monde magique de la réalité.

Du côté de Maxine, les choses étaient plutôt étranges et ambivalentes. La situation déplaisait à certains et certaines mais ils semblaient l’accepter comme une loi de la gravité sortie tout droit de la cuisse de Jupiter, ou de l’entrecuisse de Maxine en l’occurrence. En revanche, il semblait qu’on reprochait plus à Loïc sa position d’amant qu’à Maxine, son indécision. Le monde de Max sembla de prime abord, plus malléable et élastique que celui de Loïc.

Loïc n’en était guère étonné. Il ne s’attendait pas à mieux. Quant à Maxine, elle survolait tout cela et pour elle, toutes ces considérations n’existaient pas tant qu’elles n’arrivaient pas à la rattraper.

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