Chapitre 25

7 minutes de lecture

S'ils étaient certains d'une chose, c'était que cette soirée et la nuit qui s'ensuivit resteraient gravées à jamais dans leur mémoire. Cela d'autant plus que les plus de trois cents clichés que prit Maxine lors de cette séance photo improvisée, les immortalisèrent pour l'éternité. Dans ce genre de discipline qui tenait plus de l'autoportrait qu'autre chose, elle n'avait pas d'égal. Loïc avait remarqué cela dès les premiers jours. Les photos conventionnelles de Maxine étaient toujours très belles mais lorsqu’elle passait sur des sujets vivants et particulièrement lorsqu’elle faisait partie intégrante de la scène, il y avait tout de suite quelque chose de plus, une sorte de supplément d’âme. Il semblait qu’elle maîtrisait avec brio ses expressions que ce soit au niveau de son visage ou de son expression corporelle. Loïc ne put s’empêcher de lui faire la remarque et Maxine, pour éviter de prendre trop bien le compliment, ironisa :

« Toi, tu es trop amoureux de moi. »

Loïc ne se gêna pas pour le confirmer.

« Comment je fais pour être sûre de ne pas les perdre ? demanda Maxine. Cela me l’a déjà fait et je ne veux pas que ça se reproduise et surtout pas avec nos photos. »

Loïc proposa à Maxine de copier les photos sur leurs deux ordinateurs mais aussi de les graver sur deux DVD qu’ils conserveraient chacun dans leurs appartements respectifs.

« Comme ça, sauf catastrophe cataclysmique mondiale, je pense qu’on pourra se dire qu’on est tranquille. »

Une fois, toutes ces copies faites, Maxine embrassa Loïc et regarda pendant quelques minutes avec un grand sourire, le DVD dans sa boîte.

« Allez, au lit ! fit Loïc en se rendant compte qu’il était déjà deux heures du matin. Demain, ça va être dur d’émerger. »

Maxine, elle, s’en fichait car elle ne reprenait qu’à onze heures mais elle accepta d’être sage et raisonnable cette fois.

*

Le lendemain, la journée passa relativement vite. Pour l’un comme l’autre, l’essentiel était la surprise qu’avait préparé Loïc.

Pour Maxine qui n’avait aucune idée sur ce que lui avait concocté son petit ami, sa seule préoccupation était que tout converge pour qu’il réussisse. C’était assez nouveau pour elle, ce sentiment. Auparavant c’était bien l’objet et la satisfaction qu’elle pouvait en tirer qui mettait ses sens en éveil, non celle de celui qui le lui offrait.

Du côté de Loïc, l’attente était quasi identique. Il rêvait de revoir la même expression sur le visage de Maxine que celle qu’elle avait lorsqu’elle découvrait de nouvelles choses qui la faisaient rêver. C’était sûrement un peu naïf et pas très original, mais c’était cela son plaisir. C’était elle qui le lui avait appris dès leurs premiers jours : il fallait saisir toutes les opportunités chaque fois qu’elles se présentaient.

Comme à l’habitude, Maxine vint à la sortie du boulot de Loïc pour l’embarquer. Vu qu’il était un peu tôt, ils allèrent s’asseoir en terrasse sur la grande place des Martyrs, là où ils s’étaient donné rendez-vous la première fois. Ils rediscutèrent du fameux message au dos du ticket de caisse. Maxine reconnut qu’elle avait fait cela sur un coup de tête. Elle avoua qu’elle savait parfaitement qu’il n’était pas célibataire mais qu’à cela ne tienne. Alors qu’elle avait un faible pour lui, le fait de ne pas le voir sourire franchement, lui avait donné le courage de lancer cette bouteille à la mer. Loïc lui donna un baiser mérité. Sans elle, rien de tout cela n’aurait été possible. Maxine le nia en partie. C’était plutôt Pauline qu’il fallait remercier. Pour l’avoir mis dehors ce fameux soir.

« Tu n’as pas tort, fit Loïc en souriant pensivement. La vie prend parfois de sacrés détours pour nous amener là où elle veut. »

Il vit un instant une étincelle rapide briller dans la pupille de Maxine comme s’il avait dit une formule magique. Il regarda l’heure, il était temps de se rendre aux abords du lieu de leur soirée.

*

L’Escale était un établissement qui n’avait pas plus de deux ou trois ans d’existence. Mais il s’était fait un nom dans le milieu de la restauration, car il proposait une cuisine gastronomique de belle facture, tout en apportant une touche branchée dans la décoration. Le patron était le fils du propriétaire des deux restaurants dans lesquels Maxine travaillait. Il se trouvait qu’à l’occasion d’un dîner d’affaire, Loïc avait sympathisé avec un bon ami de ce dernier. C’était cette connaissance qu’il avait appelé la veille pour griller la politesse à tout le monde pour réserver.

Quand ils arrivèrent devant l’entrée, Maxine ouvrit de grands yeux. Elle n’ignorait rien de l’enseigne.

« T’es sérieux ?! fit-elle. C’est impossible de réserver ici. À moins que ça fasse trois ou quatre mois que tu l’aies fait. C’était pour Pauline et toi, à l’origine, non ?

— Pas du tout, c’est tout frais d’hier.

— Je ne te crois pas. » fit-elle d’un air suspicieux.

Et pourtant, il ne lui mentait pas, insista-t-il. Il lui indiqua juste qu’il avait bénéficié d’un traitement de faveur effectivement.

« Bon du coup, on entre ? fit Loïc en prenant un air narquois.

— J’en veux qu'on entre ! » répondit Maxine.

À peine eurent-ils passé la porte qu'un homme d'une trentaine d’années se posta devant eux pour les accueillir.

« C'est à quel nom ? »

Loïc donna son nom et l'homme laissa échapper une grimace que Maxine, elle, ne laissa pas passer.

« Un problème ? »

L'homme ne lui répondit pas tout de suite et cela agaça visiblement Maxine. Il se retourna vers Loïc et exposa les données du souci :

« Il se trouve que nous avons eu un petit problème de nombre de places pour une réservation et nous avons été contraints de répartir différemment toutes les autres. Au passage, malheureusement, votre réservation en zone fumeur est passée en zone non-fumeur. Cela vous convient-il ? Sinon, je serai obligé de vous faire patienter une petite demi-heure.

— Il se fiche de nous, pourquoi il ne me répond pas à moi, fit Maxine avant même que Loïc eut pu prononcer un seul mot.

— Vous fumez vous aussi, Mademoiselle ?

— Non, mais c’est quoi le rapport ? »

Loïc prit la main de sa petite amie dans la sienne et la tira légèrement pour qu’elle tourne la tête vers lui.

« Je peux me retenir de fumer pendant deux heures, tu sais ? »

Maxine fit la moue et se mit à se balancer de gauche à droite.

« Comme tu veux mais je n’aime pas ses manières, fit-elle en désignant l’homme sans même le regarder.

— Ok, fit Loïc en faisant bien attention à ne pas la contrarier puis se tournant vers le serveur. On va prendre la table non-fumeur. »

L’homme hocha la tête et les invita à le suivre. La table était à l’angle de l’escalier qui menait à l’étage du dessous où se trouvaient les sanitaires.

« C’est une blague ? fit tout fort Maxine de sorte que l’ensemble des clients se retournèrent en se demandant ce qu’il se passait. À côté des chiottes ? »

Loïc sursauta. Il n’avait clairement pas l’habitude d’entendre ce genre de langage sortir de la bouche de sa compagne. Il lui attrapa le bras et la forçant à le regarder, il tenta de lui faire comprendre en silence de ne pas monter dans les tours ainsi.

« D’accord, si tu veux, fit-elle en répondant à sa muette interpellation. Il reste que c’est une honte, ça ne se fait pas. »

Et elle s’assit sur la chaise que le garçon avait tirée pour elle. Elle toisa d’un regard circulaire l’ensemble de son assistance avec un aplomb que Loïc n’avait jamais observé chez elle. De plus, avec la tenue de soirée chatoyante qu’elle avait choisie, qui la rendait absolument éblouissante, et renforçait son apparence impétueuse, on eut pu la confondre avec une fille à papa, d’un riche notable du coin qui faisait son petit scandale.

Le serveur leur présenta la carte, puis s’éloigna. Loïc commença à étudier le menu tout en gardant un œil sur Maxine. Celle-ci ne regardait pas la carte mais observait les lieux de long en large et en travers. Il ne savait pas quoi lui dire car il avait bien compris que sa colère n’était pas passée. Pire, elle semblait à la recherche de tout prétexte pour l’amplifier.

Au bout de cinq minutes, le serveur revint et leur demanda leur choix. Voyant que Maxine ne voulait pas répondre, Loïc fit sa commande.

« Et vous ?

— Vous n’avez qu’à partager ce qu’a commandé mon copain dans une seconde assiette. »

Le garçon tenta de protester mais Maxine le fusilla du regard d’une telle manière qu’il fit même deux pas en arrière, jusqu’à heurter la table juste derrière. Loïc tenta d’insister en lui demandant si elle ne voulait pas prendre un autre plat, mais c’était peine perdue. Elle était définitivement butée.

« Vous pourrez nous amener un cendrier, fit-elle.

— Mais, vous êtes en zone…

— Sauf que ce n’est pas ce qu’on a réservé et là, nous sommes à côté des toilettes, ça ne devrait pas les gêner, les toilettes ! »

Loïc fit signe au serveur de s’éloigner. Il prit la main de Maxine et la regarda dans les yeux. Elle bouillait et risquait de s’enflammer à la moindre étincelle. Même si c’était déjà un peu le cas.

« Tu veux qu’on annule et qu’on sorte ? C’est peut-être mieux, non ? »

Maxine ne répondit pas et n’émit juste qu’un grognement. Loïc se leva et attrapant la veste qu’elle avait posée sur le dossier de la chaise, il la lui mit sur les épaules. Il fit signe au serveur qu’ils s’en allaient.

Dire que Loïc était dépité eut été un doux euphémisme et une fois dehors, il se permit de s’en griller une pour tenter de se calmer. Maxine, elle, s’était éloignée d’une vingtaine de mètres en marchant sur le trottoir. Loïc fuma sa clope à une allure rarement atteinte de sa part. Puis respirant un bon coup, il courut à la hauteur de Maxine pour la rejoindre.

En l’entendant arriver par derrière, elle pivota telle une danseuse et avec un sourire radieux qui avait fait disparaître toute trace de la crispation qui était sienne, cinq minutes avant, elle lança :

« Alors, t’as prévu quoi pour le programme ce soir ? »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Eric Laugier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0