Chapitre 28

5 minutes de lecture

Orson sortit pour descendre le brancard.

« Vous me suivez ? »

Loïc s’exécuta. Une infirmière voyant arriver Orson lui fit signe de s’approcher.

« Salut mon grand, c’est quoi ?

— Femme 23 ans, multiples coupures aux bras et avant-bras, une bonne perte de sang, elle est un peu anémiée. Bipolaire, sous traitement au lithium. Depuis l’incident, elle est catatonique.

— Comment elle s’est fait ça ?

— Une étagère de verres lui est tombée dessus. Une étagère avec des verres, comme dans un bar. » précisa Orson.

L’infirmière souleva légèrement les bandages pour évaluer les dégâts.

« Eh ben, elle ne s’est pas loupée, la pauvre. »

Elle revint au niveau de la tête de Maxine et eut un léger sursaut lorsqu’elle tourna son visage vers elle.

« Merde mais c’est ta fiancée ? Qu’est-ce que… »

L’infirmière ne put finir sa phrase car Orson lui mit un coup de coude dans le ventre, ce qui lui coupa le souffle.

« Ce n’est pas ma fiancée… » lui glissa-t-il à l’oreille le sifflant entre ses dents, même s’il était trop tard car Loïc avait entendu distinctement la jeune femme.

« Ok, fit l’infirmière en essayant de reprendre sa contenance et en se massant le ventre là où Orson avait frappé. Purée, tu m’as fait mal, Ors’ ! File à l’accueil pour l’enregistrer, moi, j’emmène la miss en salle 7. »

Orson se dirigea vers les admissions avec Loïc sur ses talons.

« Je fais le dossier avec vous et je m’en vais. Vous avez prévenu les proches ?

— Pas encore mais je vais le faire, fit Loïc en réalisant qu’il avait promis à la mère de Maxine de l’avertir au moindre pépin et qu’il ne l’avait pas fait.

— Vous vous rappelez ce que je vous ai dit pour les sutures ?

— Oui. Je vais être vigilant. C’est sûr.

— Tant mieux. Et… Vous direz à Max de m’envoyer un message dès que ça va mieux. »

Loïc hocha la tête. Cela ressemblait plus à un ordre qu’à une requête mais il se dit qu’étant donné le contexte, il était peut-être normal qu’Orson soit un peu nerveux.

Orson se retourna vers l’infirmier de l’accueil et décrit à nouveau les circonstances et l’état de la patiente.

« Tu n’as plus qu’à dater et signer et je te libère. Pour le reste, je vais me débrouiller avec Monsieur. »

Orson signa. Il s’arrêta un instant pour regarder Loïc droit dans les yeux.

« Bonne soirée et bon courage pour la suite. »

Et il s’en alla.

*

« Vous allez bien, Monsieur ? Vous n’avez pas l’air dans votre assiette. Vous n’êtes pas blessé, vous aussi ?

— Non, non, c’est juste que, je vais enfoncer une porte ouverte, je n’avais pas vraiment prévu ce type de soirée à la base.

— C’est certain. »

Loïc termina de faire les papiers.

« Je peux rejoindre ma petite amie maintenant ? demanda-t-il

— De toute manière, je vais avoir besoin de vous, fit la voix de l’infirmière de tout à l’heure qui arriva à l’instant par derrière. Vu l’état de votre… petite amie, je vais avoir besoin de votre consentement.

— Comment ? interrogea Loïc un peu inquiet.

— Non, rien de formidable, juste des papiers à remplir et là, votre copine est incapable de le faire. »

Loïc hocha la tête. Même s’il voulait ne pas se concentrer dessus, l’hésitation de l’infirmière sur le mot « petite amie » lui remettait en mémoire l’autre mot qu’elle avait prononcé : » fiancée ». C’était comme cela qu’elle avait appelé Maxine. Était-ce vrai ? Ou bien était juste une malheureuse manière de dire « ta copine » en oubliant de vérifier que c’était bien encore le cas ? De toute manière, ça ne se faisait plus ce genre de choses de nos jours, pensa Loïc.

« Vous venez ? » l’interpela la jeune soignante.

Loïc termina d’envoyer un message SMS à la mère de Maxine et se mit dans le sillage de la jeune femme.

« Je peux vous poser une question ?

— Bien sûr, ici vous avez le droit de poser toutes les questions que vous voulez. Ce sont les réponses qui ne sont pas garanties ! »

En répondant ainsi, il sembla que l’infirmière avait anticipé les interrogations de Loïc.

« Vous connaissez Maxine ?

— La connaître, c’est un bien grand mot. Disons que je l’ai croisée à plusieurs reprises.

— Elle est déjà venue ici, plusieurs fois ?

— C’est possible.

— Mais vous ne pouvez pas me dire pourquoi, c’est ça ?

— Bingo ! »

Loïc se tut car ils entrèrent dans la salle 7 où Maxine était installée. L’infirmière attrapa un porte-document qui était posé sur le plateau qu’elle avait préparé pour les sutures.

« Vous pouvez me remplir ça ? »

Loïc regarda les papiers et haussa les épaules.

« Cela devient complètement délirant. Je dois remplir tout cela pour que vous puissiez la soigner ? C’est débile.

— Mais c’est le monde réel, fit la jeune femme en attrapant ses outils et s’approchant des bras de Maxine.

— Un instant !

— Quoi ?

— Je n’y connais rien à ce que vous faites et comment ça se fait. Mais vous pouvez faire en sorte qu’elle ne garde pas trop de cicatrices ? »

La jeune soignante le regarda, amusée.

« Vous êtes mignon. Un peu étrange, mais mignon. Mais oui, je vais faire de mon mieux pour qu’elle ne ressemble pas à Frankenstein, votre petite amie. C’est ça ? C’est votre petite amie ?

— Oui, pourquoi ? Cela vous perturbe tant que ça ?

— Pas du tout, fit l’infirmière en se rendant compte qu’elle avait relancé une conversation qu’elle n’aurait pas dû. Je me tais, motus et bouche cousue. Vous ne m’avez pas entendue et de toute manière, je ne dis que des bêtises. Que des bêtises quand t’es pas là… »

Elle termina en chantonnant, afin de dire qu’elle ne dirait plus rien.

« Vous allez faire quoi, sinon pour qu’elle… revienne ? Depuis le début, j’ai l’impression que tout le monde trouve ça presque normal !

— Je ne peux pas vous dire. C’est le médecin qui saura. En général, si ça ne passe pas, on essaie d’abord avec des produits. Des médicaments, si vous préférez. Après c’est plus compliqué. Mais je doute que notre petite Maxine nous emmène aussi loin.

— Comment pouvez-vous le savoir ?

— Je vous l’ai dit. Il se pourrait que ce ne soit pas la première fois qu’elle met les pieds ici. Donc allez savoir. Et puis, zut, j’essaie de vous rassurer en creux et ça n’a pas l’air de vous aller ! »

Loïc baissa la tête. Elle avait un peu raison mais tout cela le mettait mal à l’aise. Il s’approcha du lit et fit glisser sa main sur le front de Maxine.

« Je voudrais juste que ça se termine. Qu’elle redevienne normale…

— Normale ?

— Façon de parler. Comme avant l’accident de ce soir.

— Oh, fit l’infirmière, un peu étonnée de l’affirmation de Loïc.

— Pourquoi “Oh” ?

— Non, je me dis que votre Maxine a bien de la chance, d’être entourée comme elle l’est. »

L’infirmière continua les sutures en silence et Loïc continua à caresser le visage de Maxine, le regard dans le vide.

Au bout d’une vingtaine de minutes, la jeune soignante termina de couper les derniers fils et jetant un œil sur le visage de sa patiente, elle fit :

« Oh, oh, regardez-moi, ça… La belle aux bois dormants est en train de revenir à la vie. »

Loïc, qui caressait toujours mécaniquement l’épaule de Maxine, releva la tête d’un coup et regarda sa petite amie. Lentement, Maxine commençait à reprendre des couleurs et à bouger les yeux. Elle tenta d’ouvrir la bouche mais c’était trop tôt.

« Allez-y doucement, fit l’infirmière à son adresse. Tout va bien, vous êtes à l’hôpital, il y a votre petit ami juste à côté de votre épaule. Pas besoin de vous presser. Vous voyez, monsieur, elle n’aura même pas eu besoin de médicaments, juste vos caresses sur son visage et son épaule… »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Eric Laugier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0