Chapitre 35

7 minutes de lecture

À la pensée qu’elle mettait les mêmes vêtements que Maxine, et même pas nettoyés, Sarah sembla flotter quelque temps sur un petit nuage.

« Et c’est moi qu’elle traite de pervers. » fit Loïc pour la faire bisquer.

De son côté, voir Sarah se balader dans les mêmes vêtements que Maxine, était vraiment troublant. Physiquement, elles n’avaient franchement aucun point commun. L’une était une petite brune avec de jolies formes rebondies là où il fallait, alors que l’autre était une rousse de taille moyenne à la silhouette un peu filiforme d’adolescente et le teint diaphane. Rien pour les confondre et pourtant, était-ce dû au fait qu’elles se connaissaient depuis les petites classes, Loïc retrouvait chez Sarah énormément d’attitudes, de poses et de moues qu’il avait observées chez Maxine. Laquelle avait inspiré l’autre, bien malin était celui qui pouvait le deviner.

Il n’en restait pas moins qu’avec cette pseudo ressemblance, Loïc ressentait un peu moins fort l’absence de Maxine. C’était sûrement pour cela qu’il lui avait proposé de rester dormir cette nuit. C’était une sorte de substitut sans possibilité de déraper ou même de garder une dépendance.

Si pour elle aucune ambiguïté n’était de mise, il n’en était pas de même de son côté à lui. Sarah restait une fille et il pouvait difficilement en faire abstraction quand bien même, il ne fut pas intéressé.

Lorsque vint l’heure de dormir, Loïc pensait que Sarah, puisque c’était elle qui avait fait preuve jusqu’à maintenant de la plus grande pudibonderie, aurait fait le choix de dormir sur le canapé. Mais que nenni et il fut un peu gêné lorsqu’il la vit se pointer devant le lit en lui demandant de quel côté il voulait qu’elle se mette. Alors, peut-être par jeu ou par curiosité, il lui laissa les deux options et sans surprise, elle choisit exactement le même côté que Maxine. Il avait bien affaire à deux fausses jumelles bizarres.

Il se surprit ensuite à repenser à la fois où Maxine lui avait indiqué que Pauline n’était pas son type. Cela voulait-il dire que Sarah l’était ? Et quand elle parlait de plan à trois, avait-elle ça en tête ? Loïc secoua la tête. Il fallait qu’il arrête de penser à des choses aussi, tordues. Maxine lui manquait non seulement affectivement mais aussi physiquement. C’était de plus en plus évident.

Il se dépêcha de se coucher et de se planquer sous la couverture, de peur qu’à un moment, toutes ces pensées inappropriées ne le trahissent. Sarah, qui ne se doutait de rien, le regarda faire et trouva sa manière d’agir un peu étrange. Lui qui semblait être parfaitement à l’aise quand il lui avait fait la proposition de dormir côte à côte, ne l’était-il pas tant que cela ? Elle s’enroula elle aussi sous la couverture.

Loïc et Sarah se souhaitèrent la bonne nuit et s’endormirent dos à dos.

*

Le réveil du lendemain fut un peu moins tendancieux que celui de la veille. Mis à part qu’ils terminèrent face à face et légèrement enlacés, ils ne se retrouvèrent pas cette fois-ci dans une position gênante.

« Bien dormi ? demanda Loïc.

— Étonnamment bien, répondit Sarah en s’étirant. Cela faisait un petit moment que je n’avais pas dormi à côté de quelqu’un, qui plus est, un mec, mais là, j’ai dormi comme un bébé. Ça doit jouer sur la peur ou l’inquiétude, je ne me suis même pas réveillée une seule fois. C’est mieux qu’un somnifère. Mais va pas te faire des idées avec ça, hein ! »

Contrairement à Maxine qui était grognon et démarrait comme un diesel le matin, Sarah était incisive dès qu’elle ouvrait un œil.

« Tu prépares le déj ? Je file à la toilette. Faut qu’on fasse vite. Je pense que certains établissements doivent être ouverts vers huit heures ou peut-être un peu avant.

— Oui, chef ! » fit Loïc qui se retrouvait dans la position qu’avait d’ordinaire Maxine, les matins où il fallait se lever de bonne heure.

*

« Tu as une idée de comment on va faire pour rentrer dans les établissements pour trouver Maxine ? demanda Loïc à Sarah alors qu’ils étaient en route pour la première adresse. Je me posais la question cette nuit mais en fait, j’ai aucune réponse car je n’y ai jamais mis les pieds. En plus je me dis que si Maxine y est contre sa volonté, elle sera dans une zone accessible qu’au personnel hospitalier, non ?

— Holà ne t’emballe pas. Je ne suis pas certaine qu’elle y soit contre sa volonté.

— Je ne comprends pas, fit Loïc. Comment veux-tu qu’elle y soit allée comme ça ? À part qu’elle avait choppé je ne sais quoi, elle allait très bien samedi matin. Je ne vois pas ce qui pourrait avoir fait basculer les choses. »

Sarah regarda Loïc avec des yeux pleins de commisération.

« En fait, tu as vécu vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec une nana dont tu ignores tout. Maxine, c’est une fille qui, à partir du moment où elle te fait confiance, si tu lui dis, fais ça c’est pour ton bien, elle le fera.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Max sait parfaitement prendre des décisions pour elle-même.

— Un exemple ? »

Loïc mourait d’envie de parler du père de Maxine mais il ne savait pas si Sarah était au courant. Alors il tenta un truc assez évasif qui lui permettrait d’esquiver si ce n’était pas le cas.

« Son père.

— Quoi ? Le fait qu’elle l’ait autorisé à renouer avec elle ?

— T’es au courant ?

— Bien sûr. Mais c’est de ça dont tu voulais parler ?

— Bah oui, c’est elle qui a décidé de le faire. Elle m’a même surpris en vérité.

— Purée, Loïc, il va falloir que tu changes de lunettes. C’est toi qui l’as conduite à faire ce choix.

— Mais non, moi je n’ai fait que lui dire ce que je pensais après elle était libre de choisir.

— Maxine n’a jamais choisi. Elle s’est toujours conformée à ce que les gens en qui elle a confiance, attendent d’elle.

— Je ne suis pas d’accord, tu l’infantilises là. Regarde quand elle s’est mise à me fréquenter et que vous vous êtes disputées à propos d’Orson et moi. Elle ne t’a pas suivie.

— Ceci est un autre problème.

— Pourquoi ?

— Parce qu’Orson est un problème. C’est soi-disant son premier amour, mais Maxine, elle ne capte rien à ça. Lui, c’est une espèce de larve amoureuse transie ! Ce n’est pas pour rien qu’elle n’a jamais rien fait avec lui !

— Je ne suis pas sûr de comprendre ce que tu lui reproches à ce type.

— Je lui reproche qu’il ne l’emmènera jamais nulle part. Pour lui, Maxine, c’est une sorte d’idole. Un truc qu’il ne faut pas toucher. Et Max a cru longtemps que c’était ça, l’amour. Un gars qui lui lèche les pieds en permanence. C’est le seul truc positif que j’ai trouvé avec toi. T’étais pas le genre… Amoureux oui, mais pas transi. Ça change tout. Et je suis contente que tu aies été sa première fois. »

Loïc secoua la tête. Deux choses. La première, c’était que Sarah venait de lui confirmer une information qu’il avait supposé vraie, le soir même. La seconde…

« Parce qu’elle t’a raconté ? fit Loïc qui mêlait indignation, surprise et embarras.

— Bien sûr… Et dis donc, le Loïc, il lui a sorti le grand jeu ce soir-là !

— Ce n’est pas possible.

— Bah, en tout cas, plaisanterie à part, je pense que c’était la première fois que j’entendais une fille me raconter sa première fois avec des étoiles dans la voix et dans les yeux. C’est peut-être pour ça que je te déteste autant et qu’on ne pourra jamais être amis d’ailleurs. »

Loïc ne répondit rien. Même s’il en voulait quand même un peu à ce moment-là à Maxine d’avoir partagé cet instant d’intimité avec quelqu’un d’autre que lui, il préférait que ce soit avec quelqu’un comme Sarah. Il savait qu’elle aimait profondément Maxine. Cela dit, lui qui se reprochait hier au soir d’avoir des idées bizarres concernant le plan à trois, Maxine en faisant ça, l’avait quasiment concrétisé.

Bref, il était temps de passer à autre chose car ils venaient d’entrer sur le parking visiteurs du premier établissement.

*

Pendant qu’ils se dirigeaient vers l’entrée, Sarah dit à Loïc :

« Laisse-moi faire une fois à l’intérieur, je vais me faire passer pour la petite amie de Maxine, mode éplorée. Et toi, fais-toi passer pour mon copain gay, si tu dois parler. Dans cette configuration, les gens sont plus crédules et moins vigilants car ils sont concentrés sur le fait de ne pas se faire taxer d’homophobe ou pire. Tu vas voir, si ce n’était pas aussi affligeant, ce serait presque drôle. »

Et en effet, Sarah avait raison. Le changement d’attitude était absolument évident dès qu’elle commençait à se mettre à pleurnicher car elle n’avait plus de nouvelles de la femme de sa vie. Loïc était impressionné par les talents d’actrice de Sarah. Il ne se gêna pas pour lui dire, lorsqu’ils quittèrent le premier établissement bredouilles.

« Tu dois pouvoir quitter ta carrière de serveuse pour l’Actors Studio !

— Ouais à ceci près qu’il est plus facile de décrocher un job de serveuse que celui du rôle dans le prochain blockbuster de l’été. Et mon proprio, lui c’est toutes les fins du mois qu’il veut être payé ! »

Ils reprirent la route pour le second et firent chou blanc. Malheureusement entre le temps de déplacement et le temps passé à tenter de localiser Maxine avec deux trois personnes par établissement, il fut vite proche de onze heures et Loïc emmena donc Sarah au boulot.

« On continue cet après-midi. » fit cette dernière avant de filer vers le restaurant.

Loïc regarda sa montre. Il allait en profiter pour faire des courses pour ce soir. Comme il voyait les choses, il y avait fort à parier qu’ils rentrent encore bredouilles ce soir et que Sarah passe encore la nuit chez lui. Et pour le coup, il eut le nez fin car ils rentrèrent du quatrième établissement les mains vides vers vingt heures.

« Il ne restera plus que le centre des Adrets. Celui-là m’inspire pas du tout, car il a une section dédiée au pénitentiaire, fit Loïc.

— Bah moi perso, je m’en fiche un peu du moment que nous arrivions à remettre la main sur Max. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 7 versions.

Vous aimez lire Eric Laugier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0