Xav' - Partie 1
[Suite à vos conseils, j'ai coupé le chapitre en deux pour une meilleure lecture]
Le soleil pâle de mars peinait à réchauffer la campagne environnante. Par la baie vitrée de la salle commune, deux jeunes gens terminaient tranquillement leur petit déjeuner. La salle était déjà presque désertée, les commerciaux avaient repris leur route et le Clos des Cèdres retrouvait un peu de silence et de sérénité à cette heure.
Élise reposa sa tasse. Elle avait cette beauté simple, sans artifice. Ses cheveux châtains, mi-longs, retombaient en ondulations souples sur ses épaules. Elle ne portait pas de maquillage, pas nécessairement un choix, plutôt celui de la nature : sa peau trop sensible se faisait capricieuse. Mais soit, elle en avait fait le deuil, et sa presque quarantaine assumée n'avait pas à rougir de la comparaison avec des trentenaires. De taille moyenne, elle était vêtue d’un pull en cachemire gris perle, confortable, et d’un pantalon taille haute, jambes droites, alliant touche vintage et confort. Tout en elle respirait la douceur et la discrétion.
Florian, assis en face d’elle, beurrait une tartine de pain grillé, d’un geste appliqué, presque trop lent. Il était bien plus grand qu’elle, fin, les cheveux châtains clairs en bataille, avec une petite barbe encadrant un visage doux aux yeux nostalgiques, d’un bleu très clair. L’homme, d’une trentaine d’année, portait un pull en grosse laine torsadée, qu’il recouvrirait bientôt d’une veste en jean et d’un manteau, sur un pantalon jean parfaitement coupé. Un style décontracté mais soigné. Il y avait un petit air de famille entre les deux, une harmonie tranquille, une connivence silencieuse.
Élise consulta son téléphone une nouvelle fois. Rien. Elle soupira, sans amertume, presque par réflexe.
— Toujours rien ? demanda Florian, sans lever les yeux.
Elle secoua doucement la tête.
— Non. Mais... c’est bientôt l’heure. Il faut qu’on y aille.
Il acquiesça. Elle finit son café en deux gorgées. Lui replia la serviette posée sur ses genoux. Aucun des deux ne parla pendant qu’ils remontaient dans leurs chambres respectives.
Quelques minutes plus tard, ils rejoignirent le parking, et posèrent leurs valises dans le coffre de la BMW Série 5 noire qui les attendait. La voiture brillait malgré le léger voile de givre sur la carrosserie. Florian prit le volant tandis qu’Élise s’installait côté passager. L’intérieur était silencieux, gainé de cuir beige et d’aluminium brossé, la technologie parfaitement intégrée dans un tableau de bord épuré.
Florian appuya sur le bouton Start/Stop. Le moteur s’éveilla dans un grondement.
Élise sortit son téléphone, le connecta au système de bord et régla le GPS intégré. L’écran afficha l’itinéraire : autoroute A64 direction Tarbes, sortie vers l’Aire de Comminges. Environ quarante-cinq minutes de route, selon le trafic.
— On est bon niveau timing ? demanda-t-il en enclenchant la marche arrière.
— Oui. S’il n’y a pas de ralentissements, on arrive vers neuf heures et demie.
Florian acquiesça. Il lança un regard rapide dans le rétroviseur, puis sortit du parking, et la berline s’engagea sur la petite route encore déserte avant de rejoindre l’autoroute. À l’intérieur du véhicule, un silence paisible régnait, seulement ponctué par le ronronnement du moteur et la voix métallique du GPS.
Ils roulaient vers la rencontre.
L’autoroute défilait, bordée de peupliers nus et de talus grisâtres. Élise gardait les yeux rivés sur son téléphone posé sur ses genoux.
— Il t’a dit où on doit se garer ? demanda Florian, pour rompre le silence.
— Sur la gauche, juste après la station. Simon m’a dit que ce serait facile à repérer.
— Simon… C’est son frère ?
— Je crois, oui. En tout cas, il sera là. Et Barth aussi.
Florian haussa légèrement les épaules. Il roula encore un moment sans rien dire.
— Et la voiture, c’est quoi déjà ? demanda-t-il. Juste pour être sûr de les reconnaître.
— Une Mercedes gris foncé. Une berline. Immatriculée en 33, tu verras.
— Une Mercedes grise immatriculée en 33… Super simple pour les retrouver sur une aire d’autoroute vers Bordeaux !
Élise esquissa un sourire.
— Bordeaux, c’est un peu loin quand même. Là, on est plus proche de Toulouse.
— Tout dépend si c’est toi ou moi qui conduis, évidemment.
Ils atteignirent l’aire de Comminges peu avant neuf heures et demie. Florian se gara à l’endroit indiqué, face au terre-plein. Il coupa le moteur.
— Comme ça, on les verra arriver, dit-il en désignant l’entrée de l’aire d’un mouvement du menton.
Élise acquiesça. Elle consulta une nouvelle fois son portable, puis le vit vibrer entre ses doigts.
— C’est Simon.
Elle décrocha aussitôt.
— Allô ? … Oui ? … D’accord… Non, ce n’est pas grave. On vient d’arriver, justement. … Une heure, tu dis ? Très bien, on vous attend ici. Je t’envoie le point GPS.
Elle raccrocha, tourna les yeux vers son cousin.
— Ils viennent de partir. Il y a eu du retard à la sortie, mais ils sont en route.
— Une heure, donc ?
— À peu près.
— Parfait. On a le temps d’un café.
Il sortit de la voiture. Élise le suivit, relevant le col de son manteau contre le vent sec. Ils marchèrent vers la station, leurs pas un peu plus pressés, sans qu’aucun ne le dise.
— Tu te sens comment ? demanda-t-il en poussant la porte vitrée.
Elle eut un sourire léger, un peu crispé.
— Je ne sais pas encore. Je crois que je ne réalise pas trop en fait. Mais… oui. Un peu stressée. Et toi ?
— Curieux, répondit-il simplement.
Un sourire passa brièvement sur ses lèvres. Ils s’installèrent à une table près de la vitre. Un peu à l’écart. Le café était tiède, un peu fade aussi, mais il aidait à passer le temps. Florian tourna un peu sa tasse, observant l’inscription “Cup Service” marron comme on détaillerait une étrangeté. Il releva la tête sur sa cousine, qui dégustait son café noisette.
— Et tu l’as déjà vu, toi ?
Il n'eut pas besoin de préciser plus.
— Oui, avec Roger, il y a trois mois. Tu te souviens pas ? Un peu avant Noël, quand on est partis en Vendée. On a fait un crochet là-bas.
— Ouais, mais je croyais que t’attendais juste, que seul Roger y était allé.
— Non non, j’ai pu entrer aussi. On était trois : Simon, Roger et moi.
Elle esquissa un sourire et ajouta :
— Mais j’allais pas le crier sur tous les toits, imagine la tête de Florence si elle l’avait su !
— Clair, elle t'aurait pas loupée !
Florian et Elise échangèrent un regard entendu.
— Mais donc, tu ne l’as vu qu’une fois.
— Disons que oui…
— Chaud… En vrai, c’est Roger qu’aurait du venir.
— Mais il ne pouvait pas, c’est comme ça…
Elle se pencha et ajouta, malicieuse :
— Et avoue, entre nous : tu aurais trop regretté, de ne pas pouvoir tester la BM ?
Le jeune homme se pencha sur son dossier et lâcha un petit rire.
— Carrement !
Vers dix heures vingt, le téléphone d’Élise vibra.
— Ils sont à dix minutes.
Elle rangea son téléphone, se leva, remit son manteau.
— On a encore le temps d’une pause toilettes, dit Florian. Après ça, vaille que vaille.
Après la petite halte sanitaire, les deux cousins ressortirent dans le froid sec, sous un ciel toujours aussi blanc. Ils marchaient vers la voiture quand Florian désigna d’un mouvement de tête une berline qui s’engageait sur le parking.
— Ça doit être eux.
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